Tim Burgess

Nos journées sont composées de vingt-quatre heures. Jusque-là rien de nouveau. Hormis ceci : ce fait des plus scientifiquement incontestable ne semble pas concerner un certain Tim Burgess, chanteur, musicien, producteur, auteur, DJ, animateur sur les réseaux sociaux, père de famille et fan de football mancunien. La liste peut encore se rallonger tant l’homme semble monté sur piles, de celles qui durent comme pour les petits lapins roses à tambours.

Preuve en est la stature du sixième album solo de l'anglais intitulé Typical Music, lequel offre en deux disques une heure et demie d’un voyage assez intense dans un univers musical aux textures et ambiances d’une belle richesse. Incroyablement jamais ennuyeux, et ce malgré toutes les réticences que peut drainer le format double (que dire du triple), Typical Music représente comme le bout du tunnel de ce qu’ont été les deux dernières années de crise ayant drastiquement bouleversé notre petit monde qui, avouons-le maintenant, ne tournait pas si mal que ça.


Interrompu par le COVID-19 lors de la sortie de son opus précédent I Love The New Sky, c’est alors retranché chez lui et agrippé à son iPhone notamment sur Twitter où pas mal d’entre nous lui doivent d’avoir contribué à ne pas sombrer dans la folie des confinements, que Tim Burgess s’est remis au travail tout en enchaînant un nouvel EP Ascent Of The Ascended et les tournées décalées pour I Love The New Sky et l’anniversaire des trente ans de The Charlatans. Le résultat est un double album qui rayonne car prenant le parti d’une musique accessible à tous, à base de pop fleurie et hyper joyeuse, aidé en cela par une équipe de musiciens chevronnés qui ont tissé autour des textes et des mélodies gratouillées sur sa guitare acoustique un cocon musical dense et très inspiré.

On retrouve à nouveau l’identité pop éclectique de Tim Burgess. Grand amateur de musique sous toutes ses formes, avide de découvertes et collectionneur de goût s’agissant des disques, l’homme toujours planqué derrière sa frange se lance dans une aventure multicolore. Toujours guidées par des textes simples et touchants sur la nature humaine, les ambiances se veulent pétillantes, voire juvéniles (Here Comes The Weekend, Curiosity, The Centre Of Me), romantiques et fleur bleue (Time That WeCall Time, In May, Kinnetic Connection, Sure Enough), plus groovy et sensuelles (Flamingo, Take Me With You, Magic Rising) ou simplement jubilatoires grâce une pop rock dynamique et sophistiquée (Tender Hooks, Typical Music, Slacker, A Bloody Nose et le très « western spaghetti» Sooner Than Yesterday).


Les artisans de cette palette sont les compagnons fidèles Thighpaulsandra aka Timothy Lewis, claviériste de talent qui a exercé chez Spititualized et Coil, et Daniel O’Sullivan, compositeur ingénieux de chez Grumbling Fur. L’horizon sans limites et les influences multiples de ces deux techniciens de studio permettent à chacun des morceaux d’une part de ne jamais tomber dans la redite, et d’autre part d'étoffer malicieusement des titres pop courts qui prennent alors des allures de mini épopées musicales de trois minutes environ.
Certains morceaux, malgré un choix vaste, sortent réellement du lot et nous retiendrons particulièrement l’hymne vitaminé qu’est Here Comes The Weekend, Typical Music et sa cadence mariachi qui donne une pèche monstrueuse dès les premières secondes, When I See You, ode touchante toutes en variations au piano et au violon qui, se situant stratégiquement au milieu du tracklisting, offre avec ses sept minutes une passerelle vers la deuxième partie du disque révélant les morceaux les plus audacieux.

On y retrouve en effet quelques ovnis des plus intéressants avec L.O.S.T et son atmosphère cosmique toute en écho, A Quarter To Eight aux tonalités pop vintage servies par le génial violon d’Helen O’Hara et, la petite fresque qu’est What’s Meant For You Won’t Pass By You pour clôturer l’album sur une touche un peu plus solennelle, avec sa rythmique martelée comme au pas et une atmosphère très vaporeuse. Une chanson que l’on recommande chaudement à son auteur de faire figurer dans son classement des meilleurs titres de fin de disques, ou « closer » (la référence parlera aux internautes fidèles des Listening Parties). Le tout est évidement servi par un Tim Burgess à la voix qui ne semble pas accepter que son hôte, comme tous ici, prend un peu d’âge. Grand bien lui fasse car ce timbre malicieux d’éternel adolescent reste la marque de fabrique du leader des Charlatans.

Personnage passionné par tout ce qu’il entreprend et d’une grande sincérité, quitte à s’attirer les foudres des râleurs qui lui reprochent de ne pas parler exclusivement de musique sur les réseaux sociaux, Tim Burgess avoue lui-même que Typical Music est en quelque sorte son épiphanie, que ce moment de grâce qu’il a partagé avec ses musiciens risque de ne pas se représenter de ci-tôt. Laissez-moi personnellement en douter tant les ressources de notre faux blond préféré sont clairement inépuisables.