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Tim Burgess

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 22 septembre 2022

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La rentrée s'annonce joyeuse grâce au retour de Tim Burgess nous présentant Typical Music, un double album de pop riche en contenu et en influences. Toujours en vadrouille, le musicien s'entretient avec nous depuis sa chambre d’hôtel entre deux concerts estivaux sur ce disque qu'il considère comme son plus abouti.

Deux ans après I Love The New Sky, tu nous reviens avec ce qui est d'une part un très beau cadeau pour tes fans et d'autre part un choix osé : un double album appelé Typical Music. On connait la méfiance de certains envers ce concept et les critiques que ça peut générer. Ce choix de format t'a paru logique après trente ans de carrière ou n'as-tu simplement pas pu choisir ?

Oui, je connais la réticence qu'il peut y avoir envers le double album, mais ça n'a pas de sens. Certains des meilleurs disques au monde sont des doubles, voire des triples albums, je pense au rock progressif avec YES par exemple, considérés comme épiques ! Pour moi il était plutôt question de donner tout ce que j'avais, que les gens en écoutant ce double album comprennent que je leur ai offert mon maximum. Au début, on tablait sur seize chansons, mais j'ai réellement voulu offrir tout ce que j'avais produit, créé, je ne voulais rien laisser derrière.

Depuis la fin des confinements, tu as enchainé la promotion pour I Love The New Sky et la célébration des trente ans de carrière des Charlatans, ce qui t'a mené un peu partout en Europe, et bientôt jusqu'en Australie et Nouvelle Zélande. Quand as-tu eu le temps nécessaire pour écrire et produire un tel album ?

Quand on a fini I Love The New Sky (ndlr : début 2020) et que l'on a compris à ce moment là qu'on ne pourrait pas tourner, Simon Raymonde (ndlr : ancien Cocteau Twins à la tête du label Bella Union) m'a simplement suggéré de commencer à en écrire un autre immédiatement. Ça m'a paru compliqué à envisager car pour écrire l'album qui suit, j'aime à me nourrir de la réaction du public en live, je prends note de comment il accueille les titres et j'instille tout ça dans le travail suivant. En revenant de New York j'ai cherché à écrire des morceaux rapides et facile à retenir, les premiers qui me sont venus sont Curiosity et A Bloody Nose. Puis Here Comes The Week End qui sont plutôt courts et dynamiques. Je me suis retrouvé avec déjà trois chansons prêtes à enregistrer. C'était mes premières « chansons masquées », car c'était la première fois qu'on pouvait se réunir en studio, d'où les masques pour tous.

L'album comprend vingt-deux chansons, qui piochent dans différentes sources d'inspiration musicalement parlant, c'est un ensemble très complet et solidement construit. Mais à cette époque de « fast music », avec les formats TikTok d'une minute ou une minute et trente secondes, et l'attention qui tend à manquer chez les jeunes, tu ne crains pas que ton travail ait du mal à passer ?

Je pense qu'il est possible qu'une majorité de personne n'adhère pas à un tel format. Personnellement, mon objectif a été de retranscrire le mieux possible ce que j'avais alors à l'esprit, pousser à leur maximum chaque chanson. J'aime que chaque titre soit complexe, pas uniquement avec une jolie mélodie, et j'aime que ce que j'ai composé modestement sur ma guitare acoustique soit embelli par le travail des autres. On est tous fans de musiciens qui sont d'incroyables techniciens comme Frank Zappa, Kevin Goddley, ou Brian Eno... Le principe, c'est de créer un album auquel tu crois sincèrement. Je n'ai rien contre les formats rapides, les tubes pop de même pas trois minutes, on en viendra peut-être tous là un jour ! Je préfère une musique complexe, pleine de nuances comme quand tu regardes dans un kaléïdoscope, une musique inspirante.

Aujourd'hui, on retrouve après six albums solo une « touche » Tim Burgess, identifiable en dehors de ton répertoire avec les Charlatans. Tu sembles t'inspirer pour ton travail personnel d'une musique plus pop et hétérogène. Est-ce que tu valides l'idée de cette ligne tracée entre le Tim Burgess solo et celui au sein des Charlatans ?

Oui, et ça s'explique aussi par le fait qu'on s'est vite rendu compte que le son des Charlatans vient de ce que l'on écrit ensemble, quand on est réunis. Les studios sophistiqués ne suffisent pas ! Pour mon travail solo, je bosse sur ma guitare, puis quelqu'un d'autre y apporte sa touche pour que ça soit accessible à tous. Je travaille avec deux personnes qui tentent de rendre mes écrits plus colorés, plus excitants, avec le piano ou la percussion, c'est comme un canevas qu'on tisse petit à petit.

J'ai échangé il y a peu avec un musicien qui a une belle carrière avec son groupe et qui s'est en parallèle également lancé en solo avec le même succès. Il m'expliquait que malgré la dynamique parfaite dans son groupe, il se sentait libéré et dans un état d'esprit moins contraint, et donc plus inspiré quand il écrit pour lui. Quelle est ton opinion là-dessus ?

Écrire pour soi permet de ne s'imposer aucune limite, tant sur le postulat que sur le résultat obtenu. Quand tu écris au sein d'un groupe, qui plus est que tu connais depuis si longtemps, tu proposes quelque chose tout en anticipant ce que les autres vont pouvoir apporter, parce que tu les connais parfaitement. C'est donc un avantage car tu les incites à donner le meilleur de ce qu'ils ont en sachant ce dont ils sont capables. Je pense à Mark (ndlr : Mark Collins, guitariste de The Charlatans) qui est incroyablement talentueux mais qui n'a pas toujours conscience de son potentiel, même aujourd'hui !

Typical Music, malgré ses vingt-deux chansons, relève le défi de ne pas être redondant ou ennuyeux, son écoute se fait de façon fluide, comme une histoire qui nous est contée...

C'est exactement ce que j'ai cherché à obtenir comme résultat, merci ! Les morceaux, hormis trois titres un peu plus longs, ont tous un format d'environ trois minutes. Ils se suivent de façon fluide et cohérente, il n'y a pas de cassure. Et c'est surtout léger et drôle.

Il faut reconnaître que tu as encore aujourd'hui, malgré cette longue et prolifique carrière, moins d'influence en France qu'au Royaume-Uni. Comment abordes-tu en toute honnêteté cette différence de notoriété ?

J'adorerais venir en France, avec mes musiciens pour présenter l'album. En termes de reconnaissance face au public, ça n'est pas quelque chose auquel je pense quand je travaille et quand on sort les disques, j'essaye toujours de faire de mon mieux. La réponse du public n'est jamais sûre, où qu'il se situe. C'est ma mission en tant qu'artiste de partager et de répandre le mieux possible mon message. Une chose est sûre, j'adore rencontrer les fans en dehors du Royaume-Uni quand j'en ai l'opportunité. J'aimerais vraiment que ce disque parle autant chez moi qu'ailleurs dans le monde, j'ai juste besoin d'un peu plus de chance !