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Dark Horses

While We Were Sleeping

Dark Horses - While We Were Sleeping
Chronique Album
Date de sortie : 17.03.2023
Label : Little Cloud Records
35
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 15 mars 2023
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Le nom d'un groupe est une part non-négligeable dans la construction de son identité. Une fois cette porte ouverte enfoncée, on admettra également qu'il conditionne aussi la perception que l'on se fait d'une formation. À ce titre, personne ne vous en voudra, si, n'ayant jamais entendu parler d'eux, vous envisagez de prime abord Dark Horses comme un énième groupe rock gothique, prêt à s'engager sur la première partie des prochaines dates de Clan Of Xymox ou Sisters Of Mercy, ou être mis en avant par des fans d'Indochine.

Remballez immédiatement vos spéculations teintées de sarcasmes, car Dark Horses n'est rien de tout ça. Au contraire, derrière ce nom d'un romantisme débordant et confondant de mielleux se cache un groupe bien plus complexe qu'il n'y paraît et dont la musique est bien moins évidente que son nom voudrait bien le faire croire.
Revenons un peu en arrière, Dark Horses sont nés de la rencontre de musiciens de Brighton en 2010, deux ans plus tard sort le single Radio, puis peu de temps après, le premier LP Black Music. La trajectoire de la formation est exponentielle puisque les honneurs sont faits au single Radio, et leur ouvre les portes des premières parties de belles cylindrées parmi lesquels The Black Angels, Black Rebel Motorcycle Club, ou Kasabian et The Dandy Warhols. En 2014 sort Hail Lucid State, leur second LP. Il y a dans ce second effort les mêmes ingrédients, avec une dimension cinématographique supplémentaire.

Nous est présenté en ce début d'année While We Were Sleeping, troisième LP du groupe. La collaboration avec Richard Fearless est terminée et Bob Earland (Kae Tempest) le remplace désormais aux manettes. Treize ans et seulement trois albums, mais Dark Horses continuent de tracer leur sillage, suivre leur quête. En première piste, on retrouve XIII, titre déjà entendu en 2017, genre de pont ou de lien entre Hail Lucid State et ce nouvel album. Ce morceau rock développe un petit côté spatial absolument réjouissant, et donne le ton à un album que l'on espère être du même tonneau. Au passage, on retrouve en fin d'album une reprise de ce morceau dans une forme plus ambiant et électro, qui décuple l'impression aérienne de l'ensemble. Le concept est plutôt curieux même si déjà vu, mais le titre ne souffre en aucun cas d'une redite tant les deux versions sont différentes et toutes deux intéressantes dans ce qu'elles ont à apporter.

While We Were Sleeping a bien des bonnes choses à donner, à l'instar de ce Hyper Green, sombre et étrange au possible. Vous avez ici un côté poussiéreux de petits villages perdus de l'Amérique profonde. C'est la guitare de David Wheeldon qui est responsable de l'ambiance irrespirable de ce titre remarquable du début jusqu'à la fin. Mais ce n'est peut-être rien à côté de l'excellent Lucy & Gulliver. L'ambiance est comparable à celle du morceau cité plus haut. Il y a un côté Lynchien dans ce titre d'une efficacité rare, chevillé sur deux axes distincts. Il est au départ lancinant et enivrant, puis, dans sa seconde partie évoque l'urgence d'une conduite nocturne sur une route mal éclairée, accompagnée par la montée malheureusement trop courte de ce saxophone qui vient vous percer les oreilles. C'est vraiment brillant, mené magnifiquement du début jusqu'à la fin. Voici un titre qui pourrait bien marquer un pivot dans la discographie du groupe.

Yes Yes Yes ou While We Were Sleeping n'ont pas le même brio, mais restent tout à fait intéressant. Ils mettent en avant la même noirceur, les mêmes doutes qui habillent les compositions de Dark Horses. Parfois le rythme se fait plus pressant comme sur ce Dawn Dusk. Pourtant, dans ce cas précis, les musiciens semblent manquer d'inspiration et perdre l'assurance qu'ils mettent en avant sur des pièces plus lentes. L'impression est confirmée sur des morceaux d'apparences plus accessibles et moins étouffants, comme sur Strait Street, court interlude, sur le très aérien Unfolding, ou sur leur antithèse, le puissant et dense Cut And Run, aux faux airs de Curve.
Sur Holobiont, on retrouve cette touche yankee, et une impression solide du désir du groupe à s'extirper de la noirceur qui prédomine sur While We Were Sleeping. On trouve ici une respiration nécessaire, comme si le groupe voulait prendre un contre-pied et s'inscrire dans les grands espaces.

Voilà peut-être au final ce qui va rester de While We Were Sleeping, l'impression que tout n'est pas égal, ou que le groupe se cherche encore. Certes, nous avons ici de réels bons morceaux et des intentions plus que louables, le travail des anglais est cohérent et tout à fait sincère. Alors pourquoi n'est-il pas possible de se départir de cet arrière goût de déjà-vu ? Dark Horses sont assez talentueux pour sortir des sentiers battus, mais ne semblent pas encore en mesure de dépasser les attentes, d'être tout à fait originaux ou d'imposer une réelle identité, une couleur qui leur est propre. En soi, ce n'est pas vraiment un problème mais le sentiment de ne toujours pas savoir ce qui se trame ici commence à devenir vraiment problématique, et à ce petit jeu, Dark Horses passent peut-être de façon dommageable à côté de leur sujet.
tracklisting
    01. XIII
  • 02. YES YES YES
  • 03. FLEX
  • 04. LUCY & GULLIVER
  • 05. WHILE WE WERE SLEEPING
  • 06. DAWN DUSK
  • 07. CUT & RUN
  • 08. STRAIT STREET
  • 09. HYPER GREEN
  • 10. HOLOBIONT
  • 11. UNFOLDING
  • 12. XIII +3
titres conseillés
    LUCY & GULLIVER, HYPER GREEN, HOLOBIONT
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