MEMORIALS

Même quand il s'agit d'un super groupe, les doubles albums me font peur, a fortiori quand il s'agit de musiques de film, l'excès d'onirisme pouvant entraîner la narcolepsie. J'aurais dû faire davantage confiance à Verity Susman (leader d'Electrelane) et Matthew Simms (guitariste de Wire depuis 2010). En réalité, derrière ce double album se cache la réunion de deux bandes originales de films aux ambiances bien distinctes qui permettent aux deux artistes d'explorer une large palette de leur talent.

Women Against The Bomb, de la réalisatrice Sonia Gonzalez, relate l'occupation de de la base militaire britannique de Greenham Common qui abritait des missiles nucléaires américains par des femmes pendant les années 80. La première face ressemble à un album rock avec ses guitares électriques ou acoustiques, la batterie et le chant de Verity Susman qui va de la ballade à des choses plus expérimentales. Les chansons sont assez rares dans les bandes originales, et cela rend le disque d'autant plus intéressant. Le style varie entre la pop rock mélodique des années 80 (It's In Our Hands) et les chansons contestataires des années 70s aux accents hippie (March To Greenham).


Les amateurs de musiques de films peuvent être rassurés, il y a aussi une seconde face plus conceptuelle avec des morceaux instrumentaux lents mais non dépourvus de tension. On y trouve les nappes et bruits divers que l'on est en droit d'attendre d'une bande originale. Deux morceaux sortent du lot, le bruitiste Peacemaker qui mêle jazz et post-punk, et Women Standing Strong, seule morceau chanté sur cette face, qui fait office de générique de clôture.

Changement d'ambiance pour Tramps!. Le film de Kevin Hegge retrace la transition entre les scènes punk et néo-romantique au tournant des années 80s. L'ambiance est plus sombre et électrique, le disque représente littéralement le post-punk, mais sans les notes du film. J'imaginerais davantage la naissance de la scène gothique et industrielle (Bauhaus, Einstürzende Neubauten) que le glamour de Spandau Ballet et Duran Duran. Apparemment, le film est centré sur le mouvement LGBTQIA+ qui a émergé à l'époque, l'ambiance est plutôt celle de la douche froide provoquée par les ravages du sida et l'homophobie persistante que les couleurs flashy et les fêtes.


Si Tramps!, le titre éponyme en ouverture, est plutôt entraînant, Feel Of Time qui s'ensuit serait une version lugubre et gothique de ce que peuvent proposer Mogwai. Les synthétiseurs de Blue Feather Boa se rappellent au bon souvenir des premiers Depeche Mode et l'équilibre parfait entre les mélodies pop et les sonorités plus sombres. Ce disque respecte davantage les codes de la bande annonce, les voix sont plus rares, voire en retrait, et c'est clairement un album d'ambiances, mais suffisamment variées pour garder l'intérêt intact.

A travers ces deux bandes originales, le duo MEMORIALS nous transporte dans des univers différents et n'a pas peur de voler la vedette aux films, la musique s'écoute pour elle-même et justifie complètement le format du double album.