Voilà fait plus de 25 ans que Les Femmes s'en Mêlent avec un engagement artistique sans concession et des artistes aussi diverses que Christine And The Queen, Cat Power, Courtney Barnett ou Kim Gordon ! C'est l'occasion pour moi de découvrir le nouvel habillage haut en couleurs du Point Éphémère, qui rend les quais du canal encore plus sympathiques. Sur la scène ce soir, deux stands de claviers, une batterie et beaucoup de guirlandes électriques, les deux artistes se sont accordés sur une ambiance féérique.
La française
Molto Morbidi oeuvre seule avec ses deux synthés, quelques séquences préprogrammées et des pédales d'effets. Dès l'ouverture le ton est donné pour un set bien barré avec un groove puissant sur des mélodies complexes. Après deux titres, c'est très naturellement qu'elle prend une basse, bien amenée après des séquences préenregistrées bien entraînantes. Seule avec ses machines, Swan Wisnia a beaucoup de choses à dire, et elle le fait en anglais.
L'ambiance est à la fois froide et dansante, elle rappelle Taxi Girl et Marquis de Sade, mais c'est peut-être vers des influences plus anciennes qu'il faut chercher. La chanteuse reprend Ed Askew, un artiste américain d'acid folk qui a commencé à la fin des années 60. Ce mélange des genres, ce grain de folie assumé et le son rétro collent bien avec
MEMORIALS.

Les artistes de ce soir ont aussi en commun d'être tous des multi-instrumentistes. Pour le dernier set, une batterie est venue se coller au synthé, la guitare et le saxophone sont juste derrière et chacun des musiciens dispose d'une table couverte de pédales d'effet. Verity Susman et Matthew Simms ont joué dans des groupes plus étoffés (respectivement Electrelane et Wire), mais à deux ils créent une musique de haute intensité et se jouent de la contrainte en multipliant les changements d'ambiances.
Le set commence en douceur avec des bruits de distorsion, puis la batterie sèche se met en marche, l'orgue s'emporte, la voix de Verity se fait plus forte. Sur scène
Lamplighter prend une autre dimension que sur l'album où elle était déjà une chanson très entrainante. Matthew alterne entre sa guitare et les baguettes de la batterie, mais garde un pied sur la grosse caisse pour tenir le tempo. Dès le premier titre, le public, venu en nombre, est chaud.
En faux signe d'apaisement le groupe enchaîne sur
Peacemaker, mais avec cette énorme ligne de basse, même préenregistrée, la tension ne va pas retomber. D'autant que la batterie jazzy et le saxophone jouent live. Une fois ce dernier dans le looper, Verity passe à l'orgue. Sur l'écran une projection d'image abstraite continue de défiler, elle n'est pas si nécessaire tant il se passe de choses sur scène avec des deux génies.
L'instrumental est tellement incroyable qu'on en oublie que la voix est aussi très intéressante, et en concert elle a un côté moins éthéré qu'en studio, ce qui renforce l'intensité de titres comme
Acceptable Experience. On pourrait débattre de ce qui est le mieux entre la voix et les instruments : le petit gimmick de synthé de
Name Me est démoniaque alors que Matthew joue de la guitare et de la batterie simultanément. Sa Fender, calée sur ses genoux, rugit quand il la heurte avec sa baguette. Ça fait toujours son petit effet.

Le nouveau titre,
Dropped Down The Well, mélange aussi guitare, saxophone et batterie. Il s'envole après une longue intro, nous plongeant dans l'ambiance bizarre d'un film expérimental. Avec
The Politics Of Whatever et
Book Stall, l'ambiance se calme et devient plus introspective. Ce dernier morceau est dépouillé, juste porté par la batterie et la voix, toutes les deux virtuoses. Le contraste avec
Boudicaaa qui sonne comme l'hymne d'un groupe de la première vague punk est saisissant. Après avoir soufflé le chaud et le froid, les envolées psychédéliques de
Cut It Like A Diamond finissent de faire planer le public. Mais il faut vite redescendre car le groupe quitte déjà la scène.
Il revient pour trois titres qui sont comme un résumé de leur set. Deux issus de leurs bandes originales, et un de leur album.
It's In Our Hands est une « peace song écrite pour des femmes contre des messieurs » (ndlr : Verity parle très bien français). Très à propos pour le festival, c'est une chanson faussement pop dont la voix éthérée et les arpèges de guitare contrastent avec le propos fort et engagé. Déjà formidable sur disque, elle gagne encore en puissance sur scène.
Continuant sur les contrastes,
I Have Been Alive plonge la salle dans une ambiance ténébreuse et fantomatique avant de nous réveiller dans un club punk en 1977 pour
Tramps! et de conclure le set de manière magistrale. Initialement conçus pour composer des bandes originales, MEMORIALS nous ont montré encore une fois qu'ils sont un excellent groupe de scène.