logo SOV

MEMORIALS

Paris, Centre Pompidou - 20 mars 2024

Live-report par Jean-Christophe Gé

Bookmark and Share
Le concert de ce soir se tient dans un lieu d’exception. Quel bonheur de pénétrer dans le Centre Pompidou vidé des touristes à la tombée de la nuit. J’ai furieusement envie de monter aux étages voir les expositions, mais c’est au sous-sol que ça se passe ce soir et je me dirige vers le (pas si) grand auditorium.

MEMORIALS ont une surprise pour nous, une cassette de cinq titres inédits enregistrés pour le Centre Pompidou et inspirés d’une oeuvre monumentale de Louise Bourgeois : Precious Liquids. Après avoir composé les bandes originales de deux documentaires, le duo est à sa place pour illustrer une installation conçue comme une pièce de théâtre conceptuelle. Très soignées comme tout ce que fait le groupe, les cassettes sont dans un fourreau tamponné et numéroté, un trombone rose tient un petit sésame qui permet d’écouter la version numérique de l’enregistrement, car qui a encore de nos joueurs un lecteur de K7 ?


La française Vale Poher assure la première partie. Elle présente son troisième album, Le Succès, dont la sortie en novembre devait coïncider avec le concert. Malheureusement une grève d’une certaine catégorie de personnel en avait décidé autrement. Elle réunit chanson française aux paroles claires et fines, et instrumentaux pré-enregistrés avec une basse très cold. Ce mélange new wave / chanson rappelle Charles de Goal, Etienne Daho ou Taxi Girl au féminin. Carogeryl l’accompagne avec un pad de percussions électroniques et une unique cymbale.
Le light show est extrêmement soigné avec des projecteurs au sol, un peu de fumée et les ombres projetées sur grand écran. La mise en scène est digne du Centre Pompidou. Sur C’est ça des vidéos de rave et de manifestations allant de 1968 à nos jours donnent une ambiance rétro futuriste aux notes de synthé et à la rythmique électronique qui font penser à du New Order. Vale Poher prend une guitare pour les deux derniers titres, ses riffs distordus et dramatiques sonnent comme Here To Stay des mancuniens. Mais nous sommes bien à Paris et c’est déjà le dernier titre.


Un bric-à-brac de matériel est amené sur scène sur deux plateaux mobiles, le contraste est fort avec le dépouillement de la première partie. Tout roule comme sur des roulettes dans l’auditorium du Centre Pompidou, et d’ailleurs les deux groupes ont pris la peine de remercier tout le staff et l’organisatrice. Sur les deux plateaux il y a un demi kit de batterie (qui a bien grandi par rapport à l’unique cymbale), des claviers, des effets en pédales et en racks, des amplis, un delay à bande, une guitare, un saxo et j’en passe.
Verity Susman (leader d'Electrelane) et Matthew Simms (guitariste de Wire depuis 2010) sont deux geeks de la musique et ils passeront d’un instrument à l’autre pendant tout le set de MEMORIALS. La scénographie est aussi soignée : guirlande rouge sur les claviers, projection d’un film principalement constitué de tâches colorées et light show élégant. C’est le parfait soutien visuel pour les compositions plus ou moins conceptuelles à base de sons étranges, de chant des sirènes, d’arpèges de guitare... tout à fait le genre de choses que l'on s’attend à entendre dans un musée d’art contemporain. J’avais déjà vu le duo l’été dernier dans le sous-sol d’un pub Londonien, et leur musique aussi bricolée que travaillée y avait tout autant sa place.

Après un premier titre assez bruitiste, d’un coup de clochette Verity change l’ambiance et la musique devient plus shoegaze. Alors qu’elle chante d’une voix éthérée, Matthew alterne guitare et batterie sur le même morceau. Plus tard dans le set il jouera même des deux simultanément. C’est étonnant. Grâce à l’usage de loopers, tout semble joué en live, permettant au groupe une bonne dose d’improvisation ou au moins de spontanéité.
Les morceaux s'enchaînent, variant les ambiances plus ou moins expérimentales, plus ou moins pop (plutôt moins que plus), alors que le duo utilise toutes sortes d'instruments. J’ai un faible pour le saxophone qui se marie particulièrement bien aux parties plus électroniques quand il est joué avec le looper. A la fin d’un set vite passé, le public obtient un rappel et cela tombe bien car MEMORIALS reviendront pour deux des morceaux les plus forts de leur double album : It’s In Our Hand et Tramps. C’est ce qui s’appelle finir en beauté.