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Disclosure

Alchemy

Disclosure - Alchemy
Chronique Album
Date de sortie : 14.07.2023
Label : Apollo Records/AWAL
4
Rédigé par Franck Narquin, le 31 juillet 2023
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C'est l'été et qui dit été, dit quizz de magazine. Ne voyant pas pourquoi Sound of Violence échapperait à cette sacro-sainte règle, nous espérons que vous êtes confortablement allongés sur votre serviette et que vous avez pensé à vous badigeonner allégrement de crème SVR protection 50 car votre petit teint tout blanc après des mois à vous dandiner au Supersonic, à l'Elysée Montmartre, au Carbone Club ou bien encore au Virage, risque de prendre cher au contact du soleil brûlant de Biarritz, de Sainte-Maxime ou bien même Saint-Malo (dérèglement climatique oblige). Malgré vos Wayfarer flambantes neuves (car vous avez probablement perdu votre dernière paire à We Love Green, au Pointu Festival ou même pour les moins regardant sur le line-up au Lollapalooza ; on le sait, on compatit mais on comprend, on est aussi passé par là, open bar oblige), vous devez tout de même plisser les yeux pour parvenir à lire cet article sur votre téléphone, aveuglé par le soleil brûlant des plages des villes précitées.

Ne perdons pas plus de temps et attaquons ce quizz qui vous permettra, telle une jeune lectrice du Elle ou de Marie-Claire, de mieux vous connaître. Imaginez que vous êtes un duo de musique électronique actif depuis une dizaine d'années, enchaînant les hits et collaborations avec les plus grosses stars de la planète de The Weeknd à Kelis, de Common à Khalid. Vous avez changé la face de l'EDM il y a dix ans, connu le succès instantané et à l'aube de votre quatrième album, vous vous demandez quel chemin prendre, quelle voie emprunter.

Réponse A : Vous décidez d'opter pour la surenchère et conviez Dua Lipa, Tyler, The Creator, Bad Bunny, Rosalia ou Drake pour les streams ainsi qu'Arca et FKA twigs pour la street-crédibilité sur un album vous permettant de headliner tous les festivals du monde cet été. A bout de souffle et à court d'idée, telle une baudruche prête à exploser, vous êtes Tame Impala.

Réponse B : Ayant déjà mis en scène votre mort artistique et assuré votre retraite sur soixante-quatre générations, vous composez une musique de ballet pour l'Opéra de Bordeaux et enchainez les interviews sur toute les ondes du groupe Radio France, parce que vous avez gagné le droit de faire ce que vous voulez et que vous n'en avez plus rien à foutre de rien, vous être Thomas Bangalter.

Réponse C : En pleine crise identitaire, vous êtes à deux doigts d'être diagnostiqué bipolaire. Vous sortez un disque alternant trouvailles géniales avant-gardistes et bouses mainstream indigne de votre talent, le résultat ne satisfaisant au final aucun auditeur. Vous êtes Mura Masa.

Réponse D : Vous décidez de remettre les compteurs à zéro, de signer pour la première fois de votre vie sur un label indépendant et vous produisez ce qui ressemble à un vrai debut album, un LP de house aussi humble qu'efficace, inspiré et minimal, sans invité ni sample facile. Bravo, vous osez vous réinventer quitte à perdre en audience, vous êtes Disclosure et votre nouveau disque s'intitule Alchemy.

On aurait presque tendance à l'oublier tant Disclosure sont devenus une grosse machine à hits internationaux à la DJ Snake, mais Settle, leur premier album de 2013, a été une petite révolution dans le monde de la musique électronique, offrant un salvateur contre-pied moderniste à la vague rétro initiée par Random Acces Memories. Porté par des pépites telles que When A Fire Starts To Burn et You & Me (et son mythique remix par Flume) ainsi que le tube Latch, frôlant le milliard d'écoutes sur Spotify, Settle a propulsé en un claquement de doigts les deux frangins sur le toit de l'électro mondiale et lancé dans son élan la carrière de Sam Smith, AlunaGeorge, Flume et Eliza Doolittle.

Sans tomber paresseusement dans l'amalgame « mainstream = mauvaise musique » (la preuve, j'adore Rosalia et Mac DeMarco), on avait l'impression qu'avec leurs deuxième et troisième albums, Disclosure étaient passés de l'autre côté, dans l'équipe des David Guetta et Steve Aoki, ceux dont on connait l'existence mais avec qui on ne joue pas à la récré. Le virage à 180 degrés opéré par les frères Lawrence avec Alchemy s'avère ainsi être une réelle et jubilatoire surprise. Sur ce projet, le mot d'ordre est « back to the basics » à savoir une house garage destinée avant tout aux clubs nous permettant de célébrer le retour en grâce des enfants aussi prodigues que prodiges. Bonne nouvelle, Guy et Howard réintègrent notre bande et ils sont venus avec un sacré paquet de billes avec lesquelles on a bien envie de jouer aux prochaines récrés.

Cinq morceaux sur la face A et autant en face B, séparés par un petit interlude, voici la structure basique d'Alchemy, album aussi simple que jubilatoire. On attaque avec Looking For Love et sa boucle funky, titre ideal pour débuter la soirée en bord de mer sur un beau couché de soleil ou pour amorcer un set du DJ français, plus cool tu meurs, Alastair Lane. Les titres s'enchaînant sans pause grâce à des petits interludes sonores (comme cet appel pour le vol en direction de Los Angeles, embarquement imminent...) et on attaque vite les pièces de résistance comme ce banger house absolu, Simply Won't Do, qui ravira les fans de la première heure de Basement Jaxx (sur l'échelle de Richter du kiff house, c'est un énorme compliment... à la juste mesure de cet énorme morceau).

Si tout est ici composé, interprété et produit par les deux frères et ce sans guest ni sample, Disclosure ne se contentent pas de simplement refaire ce qu'ils ont toujours fait mais dans une version épurée. Ils s'aventurent au contraire vers de nouveaux genres, comme sur Higher Than Ever Before, pépite jungle qui rappelle que le duo est totalement en phase avec son temps et peuvent encore bomber le torse face à la nouvelle génération des Nia Archives et consort. Ceux qui ne sont pas encore rincés pourrons gesticuler comme des maboules sur Go The Distance, sorte de mash up testostéroné entre Hot Chip et Daft Punk version Berlin. Bref, ça claque fort ! A Little Bit est le seul titre de la face A un peu en deçà avec son EDM qui bande un peu mou.

Si la face A conservait un aspect pop et radio-compatible, la face B s'annonce résolument club, avec moins de tubes mais encore plus de BPM. D'inspiration rave et house 90's, We Were In Love et Sun Showers s'enchaînent parfaitement, et bien qu'on ait du mal à les siffloter sous la douche, nos pieds et nos popotins ne cessent de vouloir y revenir ! Purify marque une petite pause bienvenue et offre un peu d'air dans cet album lancé pied au plancher avant le feu d'artifice final composé de deux petites merveilles d'électro-pop tendance vocoder à casques pour Brown Eyes et soul suave et filtrée pour Talk On The Phone.

Si Alchemy n'a pas pour ambition de révolutionner le petit monde de la house music, il nous permet d'assister à la révolution interne et intime d'un groupe qui après avoir été flamboyant avait un peu tendance à se concentrer de vivre sur ses braises un peu tièdes et qui s'autorise désormais à faire brûler un nouveau feu aussi vif qu'ardent !
tracklisting
    01. Looking For Love
  • 02. Simply Won't Do
  • 03. Higher Than Ever Before
  • 04. A Little Bit
  • 05. Go The Distance
  • 06. Someday...
  • 07. We Were In Love
  • 08. Sun Showers
  • 09. Purify
  • 10. Brown Eyes
  • 11. Talk On The Phone
titres conseillés
    Simply Won't Do - Higher Than Ever Before - Go The Distance
notes des lecteurs
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