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Tribes

Rabbit Head

Tribes - Rabbit Head
Chronique Album
Date de sortie : 18.08.2023
Label : Downtown Music
4
Rédigé par Clémentine Gourdon, le 30 août 2023
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Dix ans après son second album Wish To Scream et l'annonce inattendue d'une séparation qui semblait définitive, le quatuor londonien Tribes fait un retour triomphant avec l'excellent Rabbit Head, sorti le 18 août 2023 sur le label Downtown Music.

C'est le genre d'histoire qu'on aime entendre et qui nous émeut : celle du retour de l'ombre à la lumière d'artistes qui avaient toutes les ressources pour briller et devenir de véritables stars mais qu'une pression trop grande a fait imploser en pleine ascension. Ainsi, quelques mois seulement après la sortie de Wish To Scream, le groupe expliquait sur sa page Twitter comment l'abandon par le label Island Records et des conflits internes l'avaient conduit à mettre un terme à leur carrière. Il faut dire que Tribes a fait irruption dans le milieu de l'indie rock au « pire » moment. En 2013, le public s'enjaillait avec Get Lucky et la pop-punk groovy des Kooks. Y avait-il alors une place pour un son hésitant entre le grunge, la pop et le rock alternatif, sans identité marquée, tentant de concilier Nirvana, Oasis et les Pixies ?

Mais après dix ans de cheminement personnel et fort d'un désir de revanche – ce même désir conquérant qui nous émeut tant et nous ferait presque croire au concept de résilience - un second chapitre s'est dessiné lorsque le groupe - composé du chanteur John Lloyd, du guitariste Dan White, du batteur Miguel Demelo et du bassiste Jim Cratchley - est allé voir jouer ce dernier avec son nouveau groupe Dinosaur Pile-Up. On peut supposer que la nostalgie, l'amitié retrouvée, la maturité acquise au fil des années et surtout le désir de faire ce pour quoi l'on est fait sont ce qui a conduit le groupe à se reformer pour un concert anniversaire au cours duquel fut joué l'intégralité de leur premier album Baby.
Alors qu'il s'agissait à l'origine d'un projet unique, le groupe a commencé à envisager la possibilité d'un troisième album lorsque le concert prévu au Lafayette de Londres s'est vendu en l'espace de quelques minutes. Peut-être le public britannique s'est-il lassé de la pop lisse de groupes tels Metronomy et de la danse bourrée de fin de soirée au rythme des Daft Punk, peut-être a-t-il constaté qu'à force de contempler avec désolation des étoiles chuter – Peter Doherty ou les frères Gallagher – il était temps de retrouver un peu de sincérité, de maturité, de stabilité, de sérieux en somme. Ainsi, lors de ce concert unique, Tribes retrouvait son public mûrissant au même rythme que lui et découvrait avec surprise un nouveau public, plus jeune et demandeur d'un rock sérieux.

L'album qui résulte de ces heureuses retrouvailles, Rabbit Head, est sans doute le meilleur du groupe à ce jour. Parce que ce qu'ils ont à dire, fort de dix années de silence, de changements radicaux de vie et de la maturité qui s'en suit, c'est d'abord une envie folle de se retrouver, en toute confiance, egos mis à part ; mais aussi de nouvelles paroles, plus intimes, moins romancées, plus vraies.
Rabbit Head est ainsi un album généreux composé de quatorze pistes (ce qui est de plus en plus rare), sincère et touchant, drôle parfois, dont les leitmotiv sont évidemment la conscience de soi, de sa valeur, un orgueil sain autrement appelé amour de soi, autant de sentiments adultes qui mènent à clamer ce que l'on a jamais osé dire : « oh Dad, I'm not a tough guy » ou « I'm beautiful, celebrate me for being myself ».

L'album est un hymne à l'histoire du groupe et à son grand retour puisqu'il y est question – ego mis à part ou en mis en commun - de persévérance et d'assurance. Ce qui particulièrement évident dès la premier piste, l'enthousiasmante Hard Pill. Mais le plaisir pris à l'écoute de Rabbit Head tient plutôt au fait que, pour la première fois, Tribes nous donnent l'impression de s'amuser et de jouer ce qu'il ont vraiment envie de jouer. Cela est particulièrement évident avec Medicine, chanson punk-rock parfaitement retro qui nous ramène quinze ans en arrière quand le punk-rock californien et le psychobilly étaient à leur apogée. La chanson s'achève avec les rires des quatre membres du groupe, façon de dire : « fuck yeah, that was fun ! ».

L'ensemble reste toutefois assez insaisissable au premier abord, si hétéroclite qu'on se demande si – encore une fois – le groupe possède une claire identité musicale. Punk-rock (Catwalk et Medicine), rock garage (Dressing Gown), soft-rock (Dad, I'm Not A Tough Guy et Fade To Credits), grunge (Boy) : plus éclectique et en ce sens plus difficile à aborder que tous les autres albums du groupe, en a-t-on quelque chose à faire, en fait ? N'avons-nous pas été trop longtemps conditionnés par cette idée qu'un groupe se doit de produire des albums équivalents ? Sans jamais surprendre ? N'est-ce pas cela le talent, pouvoir jouer sur plusieurs registres ? Et surtout, si ce retour de Tribes nous émeut tant, n'est-ce pas parce que pour la première fois, ils emmerdent l'indie rock lisse et propose un album réconciliant tous les types de rock et tout un public seulement en apparence disparate ?

Car oui, nous n'aimerons pas toutes et tous les mêmes chansons sur cet album. Mais nous pourrons probablement nous accorder sur la beauté de la voix claire et transperçante de John Lloyd, les riffs inspirés de Dan White et la bouleversante écoute des deux dernières pistes, Fade To Credits et Message From The Sponsor, les plus sincères et directes chansons de l'album, pleines de colère à peine digérée et dévoilant une peur légitime : aimerez-vous notre nouvel disque ou devons-nous nous taire définitivement, balancer le générique de fin ? « Take me back where we started from » chante John Lloyd en fermeture de ce sublime album. Et nous leur répondons à tous : Take us from where you started again, forever.
tracklisting
    01. Hard Pill
  • 02. It's All Borrowed
  • 03. Catwalk
  • 04. Dad I'm Not A Tough Guy
  • 05. Earthling
  • 06. 10 Ways To Improve Your New Life!
  • 07. Medicine
  • 08. Grandad's On The Beer
  • 09. Celebrate
  • 10. -Ism
  • 11. Boy
  • 12. Dressing Gown
  • 13. Fade To Credits
  • 14. Message From The Sponsor
titres conseillés
    Medicine - Dad I'm Not A Tough Guy - Message From The Sponsor
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