The Chemical Brothers

Ni frères, ni chimistes, les anglais Tom Rowlands et Ed Simons en connaissent un rayon question substances et forment, depuis trente ans, un duo essentiel dans la fusion des courants rock et électro. Avec The Prodigy et Fatboyslim, The Chemical Brothers illuminent le son du bigbeat depuis les années 90. Dixième album studio des deux ex-étudiants en histoire médiévale, For That Beautiful Feeling sort le 8 septembre chez Virgin EMI.

Depuis les titres Go ou Galvanize, ou encore leur album de référence qu'est Surrender (1999), The Chemical Brothers n'ont pas toujours réussi à reproduire ces hits monumentaux qui upgradent une montée d'ecstasy, enluminent les tableaux de jeux vidéos ou illuminent le monde publicitaire. A l'époque, Gilles Verlant les nommait, très justement, les Alchimistes Brothers ! Pourtant, depuis neuf albums, chacun de leurs opus est une ode aux dancefloors et fait divaguer, plusieurs jours après les cerveaux encore embrumés des clubbers endurcis. Beats surpuissants, vertiges des drop, sonorités électroniques virevoltantes telles des armées d'insectes bioniques, le groupe de Manchester est toujours animé de très bonnes intentions, ces intentions provoquant irrémédiablement l'envie de fermer l'ordinateur pour se lever et danser ne vont pas se faire désirer. Live Again (featuring Maud Nadal AKA Halo Maud), premier titre après une mini intro, envahit l'espace stéréophonique pour fixer une bonne dose de dopamine entre les deux oreilles. Une montée de joie que poursuit le titre No Reason qui s'enchaîne sans aucun blanc. La fête est lancée ! Passés maîtres en loops et samples (on se souvient des actions en justice pour plagiats lors de la sortie de Setting Sun en 1996), comme en nappes synthétiques surfant sur un état de transe que seuls réveillent le big beat (Goodbye), The Chemical Brothers reprennent, quatre ans après l'album No Geography (2019) leur mouvement électro virevoltant.

Frères d'armes de la pensée divergente, The Chemical Brothers peuvent compter sur le fidèle Beck sur Skipping Like A Stone. Un titre qui embrasse d'abord une pop gentille avant de se faire contaminer par le virus dispersé par les sonorités du big beat. Si le départ de l'album se fait sous stroboscopes, il marque une pause à partir du featuring de Beck pour aller se reposer, pendant les trois titres suivant, en descente de psychotropes, quelque part dans un coin de la boîte de nuit qui, comme après une émeute subit tout à coup un couvre-feu. Un album un peu "court" qui ne convainc pas autant que No Geography, mais qui embrasse plusieurs décennies musicales d'un seul tenant. Et c'est sûrement là les secrets de longévité et de succès de Tom Rowlands et Ed Simons, s'être constamment tenus à cheval sur toutes les époques depuis les années 90.

Avec treize millions d'albums vendus en trois décennies de carrière (pas mal pour un duo qui n'a jamais rien chanté !), on pourrait manifester pour une retraite anticipée et méritée des deux anglais cosmiques. Mais - le public de Rock en Seine 2023 m'en soit témoin - la retraite ne fait pas partie du vocabulaire de Tom Rowlands et Ed Simons. Pour continuer la fête, The Chemical Brothers, sous la plume et le dictaphone de Robin Turner, sortiront une biographie écrite et audio intitulée Paused In Cosmic Reflection le 26 octobre prochain sur White Rabbit. Un ouvrage disponible en livre et en disque agrémenté d'un grand nombre de photos et des voix de Beck ou de Noel Gallagher.