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Bakar

Halo

Bakar - Halo
Chronique Album
Date de sortie : 22.09.2023
Label : Black Butter Records
25
Rédigé par Franck Narquin, le 27 septembre 2023
S'il a fallu attendre cinq ans entre la sortie de Big Dreams, premier single aussi explosif que jubilatoire qui a braqué d'office tous les regards sur Bakar, et celle de son debut-album Nobody's Home, œuvre de bonne facture mais qui s'éparpillait un peu à vouloir visiter trop de genres et qui peinait à révéler pleinement son haut potentiel créatif, le beau-gosse de Camden a décidé de sérieusement accélérer la cadence pour son second LP Halo, qui paraît tout juste dix-huit mois après son prédécesseur.

Cher lecteur, si nous étions tous les deux accoudés au zinc d'un bar (je te laisse choisir ton préféré) autour d'un verre (de ce que tu veux, mais si tu as bon goût ça serait un Gin Basil Smash de La Conspiration), ma chronique de Halo serait des plus brèves. L'album est tout simplement claqué et pourrait tout aussi bien être le fruit d'une production d'intelligence artificielle « saveur Bakar ». On a beau, et à juste titre, s'inquiéter des dérives de l'IA et de son impact sur les productions artistiques à venir, la facilité et le mercantilisme continuent eux gentiment leur travail de saboteurs de talents. Mais chez Sound of Violence nous faisons peu de cas de ce genre de brèves de comptoir, approfondissons donc notre analyse pour identifier les points forts de ce disque (car il y en a pas mal) et voir où le bât blesse (car Bakar semble ici forcer son talent autant que Messi au Paris Saint-Germain).

La problématique étant désormais posée, passons à la première partie de l'exposé. Thèse : Halo est objectivement un bon album. On a souvent reproché à Bakar de s'éparpiller entre indie-rock, rap, punk ou pop urbaine, sa gourmandise musicale, voire son érudition, l'empêchant de trouver sa voie comme le voudrait la sacro-sainte maxime « qui trop embrasse mal étreint » (une citation d'auteur classique, ici le goguenard François Rabelais, t'assurant toujours un demi-point supplémentaire au bac de philo, ce qui n'est pas un luxe quand ton niveau d'espagnol se limite à « Pa' ti naki, chicken teriyaki »). Sur cet album, les envolées ska ou post-punk, les collaborations avec la team Ed Banger et les sons hip-hop sont remisés au placard pour faire place à une indie-pop tantôt introspective (OneInOneOut, Facts_Situations, Selling Biscuits), tantôt feel-good avec une touche groovy de rnb (Alive!, I'm Done, Invisible). Là où Nobody's Home avait des allures de compilation, Halo dispose d'une véritable colonne vertébrale grâce à son unité et sa cohérence stylistique. La production épurée, sans effet ou gimmick inutiles, met en valeur le chant de l'anglais, qui a parfait sa technique vocale tout en conservant sa tessiture si particulière, en faisant une véritable marque de fabrique et laisse la première place au songwriting qui est ici la préoccupation principale de l'artiste.

Le songwriting, voici une transition parfaite pour entamer notre deuxième partie. Antithèse : Halo est un cuisant échec. Les meilleurs titres de Bakar ont toujours plus brillé par leur énergie ou leur vibe laidback que par leurs qualités intrinsèques de composition. A trop vouloir mettre à nu sa musique, Abubakar Baker Shariff-Farr expose en pleine lumière ses lacunes de songwriter et sans leurs habituelles béquilles, la plupart des morceaux de cet album pèche par manque d'originalité et par leur aspect sacrément convenu et mollasson. Il n'y a guère que les couplets de All Night avec son riff de guitare à la Phoenix et Right Here, For Now, titre sec, nerveux et tranchant comme du bon vieux Bakar, qui nous sauvent de l'ennui le plus total, voire de l'indifférence crasse. Même les textes qu'on a connus politiques, poétiques et personnels versent ici dans le tout-venant. Et que dire de l'ajout en onzième position de Hell N Back, le tube de 2019 qui a vu la notoriété du jeune chanteur exploser grâce à sa présence sur la bande annonce d'Elémentaire, le film d'animation de Pixar, doublé d'un carton sur TikTok ? Si le morceau diffère de l'original grâce à la participation impeccable de Summer Walker, forte de ses 21 543 028 auditeurs mensuels sur Spotify, cette pure manœuvre commerciale visant à conquérir le marché américain et les collégiens semble provenir du monde d'avant.

Passons donc à notre troisième partie. Synthèse : Halo est un album claqué que même son auteur semble déjà à moitié renier. On a vu que, sur le papier, ce second essai ne manque pas de bonnes intentions mais le résultat s'avère largement en dessous de ce qu'on est en droit d'attendre d'un disque de Bakar, que l'on suit avec attention et bienveillance depuis déjà six ans. C'est un petit tour sur X, le réseau social préféré de... euh... plus personne, qui nous a mis la puce à l'oreille. Bakar y postait trois jours avant la sortie de Halo les deux messages suivants, en version originale dans le texte : « this is/was my last record with the label im on they've been great no hate but i wanna be free fr, start my own ting ya know » suivi de « i just want cleo sol freedom ». Ainsi tout s'explique, Halo, album apparemment dispensable, restera dans la discographie de l'artiste comme le prix à payer pour gagner sa liberté artistique et annonce déjà de glorieux lendemains.

Bakar est mort, vive Bakar !
tracklisting
    01. OneInOneOut
  • 02. Alive!
  • 03. Facts_Situations
  • 04. All Night
  • 05. Selling Biscuits
  • 06. I'm Done
  • 07. Right Here, for Now
  • 08. Hate the Sun
  • 09. Invisible
  • 10. To Open My Heart
  • 11. Hell N Back (feat. Summer Walker)
titres conseillés
    Alive! - All Night - Right Here, For Now
notes des lecteurs
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