Si d'aventure il vous venait l'idée de vous reconvertir professionnellement et de dédier votre vie à lancer les futur rock stars qui rempliront les Arenas et autres festivals prestigieux, je vous suggère fortement de troquer votre passeport gaulois contre celui du quinze de la Rose (dur, rien qu'en l'écrivant) et de vous implanter dans la très jolie station balnéaire de Brighton, avec ses plages de galets si colorés et son pier attrape-touristes des plus pittoresques. Le rapport avec le rock que l'on aime ? Eh bien, en prenant un peu de recul, nous constatons qu'un nombre conséquent de jeunes formations très talentueuses et furieusement dans l'air du temps sont originaires de cette jolie ville et que son vivier ne semble pas se tarir.
Nous voici donc en 2023 face à l'attendu premier album d'Egyptian Blue sur lesquels nous avions placé habilement un de nos traqueurs dès la sortie de leur EP Body Of Itch en 2020, alors en plein confinement. Débutant ainsi une période de disette live, tout nouveau talent ne pouvait passer en dehors de nos radars et le jeune quatuor mené par Andy Buss et Leith Ambrose a aisément attiré notre attention avec son rock très racé, qui repose sur des riffs de guitares tout en longueur et en saturation, plongeant l'auditeur dans une atmosphère un peu tendue avec ce je ne sais quoi d'élégance glacée. A cette époque, nous sortions à peine des premiers faits d'armes des maîtres en la matière tels The Murder Capital et Fontaines D.C., nous fondèrent alors beaucoup d'espoir sur ces jeunes anglais au son des plus intéressants.
Puis les années s'écoulèrent et Egyptian Blue continuèrent à sortir régulièrement toute une série de singles, affirmant leur style qu'ils vinrent à plusieurs reprises nous exposer à Paris, notamment chez nos dénicheurs de talents préférés, les copains du Supersonic, puis à une toute autre échelle en première partie du Zénith à Paris avec Foals. De quoi planter quelques bases dans notre belle contrée en attendant le « debut album » tant attendu.
C'est donc en plein automne et malgré une feuille de route chargée que nous explorons A Living Commodity, disque de onze titres qui consolide tout le bien que nous avons pensé d'Egyptian Blue précédemment. Avec cette touche dominante tout du long du tracklisting, faite d'arpèges tout en échos qui donnent un aspect presque lunaire à beaucoup de morceau, on aime retrouver ce contraste d'avec cette base post-punk devenue un classique depuis cinq ou six années maintenant. Nous sommes donc face à un album idéalement taillé pour rentrer avec les honneurs dans notre collection dédiée au meilleur de la scène indie britannique, ce qui devrait nous ravir... mais, il y a un mais.
Egyptian Blue cochant si aisément toutes les cases, il ressort de cette écoute un réel sentiment de linéarité auquel nous ne nous attendions pas. Cette impression de « déjà vu », qui certes n'empêche jamais d'apprécier un bon groupe, est décidément bien trop prégnante et entrave au final notre curiosité. On mettra alors en avant tous les points positifs possibles : cadence très dynamique et donc très entrainante, guitares concises, ligne de basse souvent entêtante, chant plutôt discret mais avec cette gouaille de bad boy qui ravira tous les pogoteurs en recherche d'action dans une fosse.
Difficile de mettre en exergue certains titres par rapport à d'autres, on retiendra cependant l'électrisant Nylon Wire, Skin est son aspect particulièrement écorché, A Living Commodity avec cette guitare presque aérienne où un petit air de Foals (tiens donc) ressort et l'aspect presque trip-hop de Geisha avec sa batterie toute en lourdeur.
A Living Commodity est sans conteste un premier album réussi mais qui nous frustre un peu tant nous décelons à l'écoute de cette série de titres un peu trop calibrés un énorme potentiel qui ne demande qu'à s'affirmer, permettant au groupe de sortir du tout venant post-punk britannique de cette seconde décennie de 21ème siècle. Nous y croyons !