Sundara Karma

On est en 2013. Dix ans péripatéticienne, le changement c'est maintenant, nous venons d'éviter de peu l'apocalypse Maya, les Arctic Monkeys font toujours du rock, les Wombats et MGMT sont encore au sommet de la hype, les Daft Punk se mettent au funk et au disco auto-tuné, Catfish & The Bottlemen n'ont même pas sorti un album, et Circa Waves répètent encore dans leur cave des chansons que personne n'a jamais entendu. Pendant ce temps-là, Sundara Karma, groupe d'adolescents formé deux ans plus tôt au lycée, sort une première démo sur Soundcloud en prenant les rouleaux d'une pop-rock fun et électro qui régit le monde d'un rock à guitares jugé à la dérive par le plus grand nombre.

Mais bon, quand vous ne savez pas faire de surf, vous ratez la vague et vous vous rétamez sur la plage en prenant la planche dans le pif. Ainsi, le beautiful karma sortira un premier album plutôt tendance en 2017, et après 2017 vient 2018. Le meilleur album d'IDLES, les premiers de shame et Viagra Boys, sans parler de Fontaines D.C. et The Murder Capital qui s'installent à Dublin et enverront chacun un premier album gargantuesque l'année d'après. En l'espace de quelques mois, exit la pop-rock adolescente et rigolote, l'heure est grave, l'heure est à la déconstruction des mélodies, à la rage, au nihilisme, et deux ans plus tard c'est l'intégralité du monde anglo-saxon qui ne jure plus que par le post-punk à la sauce 2020.

Voilà donc comment Sundara Karma se retrouvent à sortir en 2023 un album qui, s'il était sorti en 2014, aurait tranquillement concurrencé Catfish & The Bottlemen ou Circa Waves en haut des charts indé, mais qui tombe aujourd'hui comme un cheveu sur la photo de classe gênante soigneusement enterrée dans le tiroir du fond sous des kilomètres de paperasses. En tête de file, Baby Blue nous aura tout de même donné un semblant d'espoir avec son petit esprit pop-punk et ses couplets à beugler entre potes bourrés, mais Friends Of Mine n'est finalement que du Circa Waves 2015, Miss Again du Phoenix 2009, Violence To The Spirit du Catfish & The Bottlemen 2014 croisé à Lisztomania, et Better Luck Next Time se permet en plus de ça de conclure l'album avec le pire gimmick de toutes ces années, le refrain auto-tuné façon Instant Crush.

Alors oui, cet album est plein de chansons pop-rock fun et efficaces, et il fera sans aucun doute une très bonne addition à vos playlists de soirée, où vous pourrez vous la péter de connaître des raretés que tout le monde a loupé y a dix ans, mais il est surtout en l'état un album perdu dans un futur auquel il n'appartient pas, un futur qui ne tient guère à regarder dix ans en arrière, dans cette époque de la honte pas encore vintage.

Ainsi, Better Luck Next Time est un album qui porte très bien son nom, perdu dans la translation des tendances, que l'on regarde arriver comme un Bill Murray has-been tournant une pub de whiskey au Japon sans que lui ni le réalisateur ne comprennent quoi que ce soit à ce qu'ils foutent là. Mais bon, pour avoir de la chance, encore faut-il la provoquer en tentant au moins un truc.