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SPRINTS

Letter To Self

SPRINTS - Letter To Self
Chronique Album
Date de sortie : 05.01.2024
Label : City Slang
45
Rédigé par Adonis Didier, le 3 janvier 2024
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Cher moi-même, si je t'écris cette lettre aujourd'hui, c'est pour te parler du meilleur album de l'année 2024. Comment, me diras-tu, quand l'année 2024 ne compte même pas encore une semaine ? Eh bien il y a des choses, on les sent, c'est comme ça, et même sans très bien parvenir à les exprimer, je sais que si c'est toi qui lis ces mots, tu me comprendras. Mais si d'autres tombent un jour sur cette introduction épistolaire sans queue ni tête, voici donc pourquoi le premier album des dublinois de SPRINTS, Letter To Self, est d'ores et déjà le meilleur album de l'année.

Seize coups de grosse caisse, des notes de guitare craquelées, une voix de femme, forte, puissante et grave, des harmoniques métalliques et industrielles, une inquiétude qui monte, un sentiment, une peur, l'air est lourd, l'air est poisseux, les pieds collent au bois déjà ivre, le noir est complet, la nuit impénétrable, les mains courent le long du mur en quête d'une prise, d'une forme familière, mais il n'y a rien. Rien. Suis-je même en vie ? Suis-je déjà mort, et ceci est-il la suite dans l'éternité ? Et soudain, l'explosion, le gaz s'enflamme sous les coups de guitare, la lumière embrase les ombres, les chœurs poussent des soupirs de soulagement, et hurlent dans l'espoir que les ténèbres prennent peur d'elles-mêmes.

Cette formule, découpant distinctement chaque chanson, révélant d'abord la frustration, l'emprisonnement, l'impuissance, pour l'éclater ensuite contre les murs en béton mort de la cellule de leurs insécurités, n'est pas qu'un tic d'écriture ou une facilité scénaristique pour SPRINTS. C'est une pierre fondatrice de tout un album dédié à la libération, à l'indépendance, à l'acceptation des questions existentielles et de leurs réponses souvent ouvertes. Suis-je en vie ? Quelqu'un est-il vraiment heureux ? M'adores-tu ? Entends-tu ce son, ce silence ? Peux-tu m'entendre appeler, peux-tu m'aider à faire taire les cris ? Tout le monde est-il une épave, tout le monde est-il en stress ? Et si je me sacrifie, seras-tu enfin heureux ?

Une formule et un mal-être, la filiation colle un peu partout des posters des Pixies et de Nirvana, mais s'il est une chose que l'on ne fera pas aujourd'hui, c'est de réduire SPRINTS à un mélange des artistes et de Hole. Parce que SPRINTS viennent de loin. Un premier EP très noise, un deuxième très rock, plus rentre-dedans, un passage de chez Nice Swan Records à City Slang symbolisé par le petit carton Literary Mind, et dans tout ça des êtres humains, qui bossent comme ils peuvent à côté pour payer leurs factures, ou faire avancer leur doctorat, c'est selon. Karla Chubb, Sam McCann, Jack Callan, et Colm O'Reilly, tous réunis aux Black Box Studios de Noyant-la-Gravoyère dans le Maine-et-Loire pour enregistrer un album avec Daniel Fox, et envoyer toute leur humanité et leur expérience de la vie en quarante minutes, sans doute les meilleures quarante minutes de votre année, multipliées par le nombre de passages sur la platine.

Quarante minutes de grunge punkish et noisy, dont je décrirais normalement chaque chanson, comme pour vous dire que Shaking Their Hands rappelle les compatriotes de Fontaines D.C., que Adore Adore Adore et Literary Mind sont les meilleurs singles du monde, ou que Shadow Of A Doubt est une énorme claque dans la gueule ne préparant en rien à la charge du monster truck texan Can't Get Enough Of It. Fruit de l'amour du bassiste Sam McCann pour Black Rebel Motorcycle Club, la chanson donne à manger quatre minutes vingt passées dans le crépuscule du désert, entre les hurlements des coyotes et les vrombissements de l'écho des moteurs contre les orgues de pierre rouge entourant l'horizon. La deuxième moitié de la chanson est une cavalcade lourde et furieuse défiant les tempêtes soulevées par les hordes mécaniques d'Immortan Joe, brûlant ce qu'il nous reste de neurones dans des vapeurs de diesel recrachées par trente-six trente-six tonnes sciant sciemment trente-six scies en Sicile.

Alors on finit cette lettre à soi-même par Letter To Self, l'éponyme, et peut-être que cet album ne ressemblera à aucun autre, car peut-être qu'il ne voulait tout simplement ressembler à rien d'autre qu'au premier album de SPRINTS, le meilleur de l'année 2024. Un album à même d'enterrer pour de bon le post-punk et les comebacks de Blur, et si la nouvelle vague doit être menée par quatre irlandais détraqués et fans de films d'horreur, alors on peut mourir tranquille, enfin le plus tard possible, mais on peut !
tracklisting
    01. Ticking
  • 02. Heavy
  • 03. Cathedral
  • 04. Shaking Their Hands
  • 05. Adore Adore Adore
  • 06. Shadow Of A Doubt
  • 07. Can't Get Enough Of It
  • 08. Literary Mind
  • 09. A Wreck (A Mess)
  • 10. Up and Comer
  • 11. Letter To Self
titres conseillés
    Adore Adore Adore, Can't Get Enough Of It, Shadow Of A Doubt
notes des lecteurs
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