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SPRINTS
English Teacher

Paris, Point Éphémère - 10 février 2024

Live-report par Adonis Didier

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S'il y avait une soirée à ne pas rater dans l'année, c'était peut-être celle-là. Un fait qui n'a pas échappé à la foule parisienne déjà serrée dès 20h30, une foule compacte dans laquelle on se fraye avec étonnement un chemin fait de « poussez-moi, excusez-vous ! » et de « laissez la presse faire son travail ! », jusqu'à finir aux premières loges pour l'entrée en scène d'English Teacher, première partie de luxe et groupe préféré de la tête d'affiche de l'année : SPRINTS.


Officiellement une double-affiche, ou co-headline comme ça se dit de l'autre côté de la Manche, mais on ne va pas se mentir ce n'est pas le nom d'English Teacher qui a ce soir rempli le Point Ephémère, et ce malgré toute la hype qui l'entoure et un premier album à venir début avril. Une hype qui mettra quelques temps à se lancer ce soir pour Lily Fontaine et les trois nerds musiciens qui l'entourent, tant la formule du groupe, entre pop-rock catchy, envolées lyriques, et math-rock polyrythmique demande un temps d'adaptation à qui n'était pas prêt à se bouger les semelles sur des rythmiques en 6/8. I'm Not Crying, You're Crying déride une première fois la formule Squid-esque, les passages complexes s'enchaînent, le bassiste Nicholas Eden se la donne sur la fin de Good Grief malgré sa tête de premier de conservatoire et sa polaire Quechua (et on dit ça avec tout le respect du monde tant le mec est déjà un des meilleurs bassistes d‘Angleterre), Lily Fontaine exsude de charisme londonien pour donner sa caution cool et dans le vent à la bande, A55 nous rappelle de ne pas trop boire (ce que certains rédacteurs pas en service n'écouteront pas), et nous voici, pour finir, intégralement face à l'album This Could Be Texas.


Le duo Mastermind Specialism et You Blister My Paint demande au batteur Douglas Frost de descendre de sa batterie pour se coller au piano, l'atmosphère se fait introspective, douce, lunaire, et ce malgré Lily qui fait un doigt à Douglas pour lui signifier ce qu'elle pense de ses feintes rythmiques de fin de chanson. L'ancienne et nouvelle R&B lui fera dire « enough of the sad shit », le public se met un bon coup dedans, Nearly Daffodils accélère encore le rythme et chaque musicien en profite pour faire un peu son kéké sur la fin. En même temps, quand on est bon, on a parfois envie de le montrer, et on appuiera encore sur le niveau de Nicholas Eden, qui tiendra son arpège de basse scandaleusement compliqué pendant quatre minutes sans sourciller, se permettant même un petit passage solo, repris par la guitare de Lewis Whiting puis la batterie de Douglas Frost. Albert Road conclura cette seconde déclaration d'English Teacher en terres parisiennes par une somptueuse envolée lyrique, une déclaration qui laissera avec un sentiment égal à celui d'un concert de Squid : très bien mais avec finalement trop peu de moments de lâcher-prise, et une légère tendance à se sentir comme à un concert de jazz à Saint-Germain-des-Prés.


Un comble quand on pense à ce qui va arriver derrière, une soirée que l'on attend depuis ce premier live report pour Sound of Violence il y a presque deux ans, car oui, le premier concert de SPRINTS à Paris on y était, au POPUP! devant vingt-cinq personnes dont la moitié qui s'était trompées de bar, et on n'a depuis pas arrêté d'espérer pour eux un retour autrement plus glorieux dans la grande ville lumière (non, pas Lyon, arrêtez avec ça !). Et après avoir sorti le meilleur album de l'année il y a de cela un mois, SPRINTS vont nous claquer le meilleur concert de l'année dont l'unique résumé sera celui-ci : Wouah ! Un résumé des plus chaotiques pour un concert tout aussi bordélique : l'explosion introductive de Ticking fait dégoupiller les têtes brûlées, Heavy est un bourbier instantané de pogo et de coups dans le dos et I'm In A Band ramène au dernier EP si jamais on trouvait l'album trop calme. Karla fracasse un pied de microphone juste avant l'hymne Adore Adore Adore, Karla qui demandera à baisser un peu les lumières tellement il fait chaud, et il est vrai qu'après quatre chansons on est déjà rincés. Mauvaise nouvelle pour nous, Cathedral ranime les plus bas instincts violents des quarantenaires punks qui représentent 80% du mosh pit, le papy-teuffeur Franck Narquin prendra son premier étranglement vicieux de la part de la jeune garde des journalistes de terrain, et Delia Smith nous termine à hurler, parce qu'on voudrait tellement être un peu spéciaux nous aussi.


Shaking Their Hands, chanson préférée de Karla, nous laissera reprendre un petit peu d'air, un air de Fontaines D.C., avant que Sam le bassiste ne s'ouvre une 1664 pendant l'intro de Shadow Of A Doubt. Interlude offrande d'un t-shirt de la chanson au groupe par un fan, et c'est maintenant à la préférée de Sam de faire son office de bulldozer du désert : Can't Get Enough Of It déboule sans coup férir, fait monter la pression jusqu'à ouvrir la canette en deux, il ne reste plus une molécule d'oxygène dans notre corps, mais on finira ce concert même si on doit en mourir ! Ce qui risque bien d'arriver, alors que Up And Comer nous torche un nouveau coup la voix, parce qu'en plus d'être spécial on aimerait bien être la nouvelle hype. Letter To Self conclut la partie raisonnable du concert en hurlant « I am alive ! », ce qui n'est déjà plus trop notre cas, et Karla s'éloigne derrière la scène à la fin de son spoken word, laissant Sam, Colm, et Jack s'éclater tranquille à étirer leur solo jusqu'au bout de la nuit.
Un bout de la nuit qui s'arrêtera au rappel, parce qu'il est temps de terminer cet épique passage par Paris de la meilleure des manières, et si vous pensiez avoir tout vu, il reste encore à sortir les plus gros calibres. L'ultime single Literary Mind fera hurler et danser le public jusqu'à l'extinction de voix, une extinction suivie d'une explosion terminale mettant le Point Ephémère sens dessus-dessous, que le final Little Fix se chargera de remettre dans le bon sens en le retournant trois ou quatre fois pour être bien sûr. Karla y déclame seule le premier couplet, le groupe met les potards au niveau nucléaire, puis Karla saute dans le public pour donner le microphone à tous les spectateurs assez fous pour se jeter dans la mêlée, alors que Colm se lance lui aussi à jouer de la guitare dans la foule au mépris du danger. Une conclusion complètement folle à un concert complètement fou, donné par un groupe dont le talent pour écrire des chansons de rock n'est égalé que par l'amour qu'ils ont à les partager avec leur public.

SPRINTS, une sensation sensationnelle de la musique rock qui ne cesse de placer le curseur toujours plus haut à chaque actualité, alors vu comme c‘est parti, dites-vous que chaque concert de SPRINTS que vous verrez sera le meilleur concert de votre vie !
setlist
    ENGLISH TEACHER
    The World's Biggest Paving Slab
    Mental Maths
    I'm Not Crying, You're Crying
    Good Grief
    Albatross
    A55
    Not Everyone Gets To Go To Space
    Mastermind Specialism
    You Blister My Paint
    R&B
    Nearly Daffodils
    Albert Road

    SPRINTS
    Ticking
    Heavy
    I'm In A Band
    Adore Adore Adore
    Cathedral
    Delia Smith
    Shaking Their Hands
    Shadow Of A Doubt
    Can't Get Enough Of It
    Up And Comer
    Letter To Self
    A Wreck (A Mess)
    Literary Mind
    Little Fix
photos du concert
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