C'est avec beaucoup de curiosité que nous réceptionnions l'an passé le premier album solo de Tom Meighan, ancien co-leader de Kasabian, à la suite de son éviction de la formation par ses collègues. Un contexte critique qui, avouons-le, ne nous préparait pas à un rebond aussi rapide du musicien. Cependant, la sortie de The Reckoning nous a permis de retrouver un Tom Meighan en forme, dans un style cependant éloigné des grands Kasabian, de ceux qui nous ont fait danser et bondir jusqu'à la fin de nos nuits de pas encore trentenaires en cette fin des années 2000. Tout dans l'univers de ce premier disque tendait vers un nouveau départ : la pochette très sobre avec le visage du musicien comme apaisé, et le tracklisting truffé de morceaux aux angles très arrondis, pour ne pas dire bien trop timorés, nous laissant un sérieux goût d'inachevé dans la gorge.
A peine une année suite à ce retour, Tom Meighan revient avec Roadrunner, et spoilons immédiatement la fin du film, ce dernier semble avoir repris sérieusement du poil de la bête, le disque renouant enfin avec l'electro rock pêchue et excitante que Tom et ses comparses d'antan maniaient de façon magistrale. La transformation se ressent dès la première plage : riffs suraigus et batterie surdéveloppée, chant amplifié, Tom n'est pas revenu pour nous compter fleurette. L'étape d'après est franchie et les onze titres sont dans leur grande majorité un merveilleux retour aux sources musicales du musicien.
L'ambiance est au dance rock, fait de façon simple mais ultra efficace. Pas de surproduction ronflante ni de bouillie pour clubbing de supermarché (excusez le petit tacle taquin aux anciens camarades de jeu), les guitares sont parfaitement mises en avant, avec des montées en puissance sur les refrains et le chant nettement plus affirmé de Tom Meighan, qui retrouve ici ses intonations de « jeune branleur » quand il se remet enfin à hurler de façon si délicieusement arrogante comme avec White Lies.
Cette quasi-renaissance en est presque déconcertante : Silver Lining et High On Gospel semblent tout droit sortis d'un EP qui aurait fait la transition d'entre Kasabian et Empire, presque comme les pièces manquantes du puzzle lorsque que nous doutions à l'époque face à l'évolution du groupe. Parfaitement orchestrés, avec ces habiles cassures de rythme qui refont partir le tout avec encore plus de force, Headcase (morceau où l'on retrouve ce chant à moitié déclamé qui marque réellement le style de Tom), Exorcist et l'excellent Sneaky One, ce dernier à lui seul portant tout l'univers electro rock si jouissif que nous avons perdu depuis un sacré moment du côté de chez Sergio, nous laissent deviner que les chemins de ces deux musiciens se seraient fatalement séparés à moyen terme.
Les plages plus douces où l'on retrouve Tom Meighan dans un registre plus profond sont bien présentes, avec la parenthèse acoustique Better Life, simple ballade pop qui tranche cependant énormément avec le reste du disque, et le duo de fin Do Your Things et Would You Mind, tout en intensité où le chant de l'anglais est au sommet de ses capacités.
La couverture du disque contraste fortement avec le précédent, qui semblait appeler à la plus grande humilité, mettant en avant une rédemption face à ses terribles déboires personnels. Roadrunner et son graphisme très pop art créent une toute autre atmosphère, et la confiance que l'on ressent beaucoup plus dans les titres de ce second disque va dans le sens de cette nouvelle étape que franchit avec succès Tom Meighan. N'étant pas encore venu défendre ses nouvelles couleurs en France, ce second disque solo très réussi lui permettra peut-être de franchir à nouveau la Manche, ce dernier ayant renoué avec une partie de son public lors de concerts complets dans des petites salles au Royaume-Uni.