Chronique Album
Date de sortie : 13.09.2024
Label : Lucky Dog/City Slang
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 9 septembre 2024
Après avoir célébré de la plus belle des manières le 30ème anniversaire du groupe avec une rétrospective à travers la compilation Past Imperfect : The Best Of Tindersticks '92-'21 suivie d'une magnifique tournée, les Tindersticks sont de retour avec leur quatorzième album (hors bandes originales de films), enregistré à Gérone en Espagne lors de sessions qui s'apparentaient davantage au plaisir pour le groupe de jouer ensemble plutôt que d'enregistrer un disque. Et pourtant celles-ci allaient déboucher sur Soft Tissue, un album renouant avec certains éléments musicaux du passé.
En février dernier, Falling, The Light était dévoilée au public en guise d'avant-goût. A l'occasion de sa sortie, la chanson délicate et mélancolique à souhait avait été offerte en téléchargement pendant une semaine. Si elle sonne assez Tindersticks, elle n'est pas pour autant vraiment représentative du son qu'on retrouve sur ici. Il faudra attendre le mois de mai et New World pour que le côté soul, déjà présent sur Simple Pleasure mais aussi d'une certaine manière sur The Something Rain, ressurgisse. Vingt-cinq ans plus tard les Anglais de Nottingham retournent donc aux sources de cette musique qu'ils apprécient beaucoup. Pourtant, comme nous l'a confié Stuart Staples en interview, rien n'était prémédité. Le groupe s'est fait plaisir à jouer en studio et la version finale de New World sonne donc bien soul avec son rythme, ses cuivres et les sonorités du magicien David Boulter, sans oublier les chœurs de Gina Foster qui viennent se conjuguer au timbre de Stuart Staples. Avec ce morceau, on se dit alors que le groupe va encore réussir à nous surprendre, et lors de la découverte de l'album, c'est bien le cas.
Le groove va trouver une place de choix sur Soft Tissue. Don't Walk, Run, avec son côté délicieusement soul sur des coups de percussions secs et tendus, nous enchante. Il va en de même avec Turned My Back, autre moment « dansant » de cet album, sur laquelle la basse de Dan McKinna emporte tout. Et puis il y a Nancy, une des plus belles chansons de cet album. Avec sa sonorité latino et son rythme qui vient se briser lors du refrain, on sent pleinement le désespoir dans la voix d'un Stuart Staples tentant vainement d'obtenir le pardon, si ce n'est au moins un mot de cette femme qui ne daigne pas lui répondre. Mais le plus beau reste à venir. Always A Stranger, dernier simple sorti, constitue le sommet de cet album. On y retrouve une émotion folle, avec cette quasi-tension dans la voix de Stuart Staples et l'instrumentation merveilleusement mélancolique notamment grâce aux sonorités produites par l'orgue de David Boulter. Après ce moment magique, deux autres petites merveilles trouvent également leur place sur l'album. La délicieusement fragile The Secret Of Breathing et la très cinématographique Soon To Be April qui vient conclure de la plus belle des manières la quarantaine de minutes offerte par les Anglais.
Soft Tissue ajoute une nouvelle pierre maîtresse à l'édifice déjà magistral qu'est la discographie des Tindersticks. En renouant avec l'esprit musical d'anciens disques majeurs du groupe, les Britanniques nous offrent de purs moments de bonheur. La production subtile magnifie les huit compositions d'un groupe qui atteint probablement là un sommet de son art.