Chronique Album
Date de sortie : 20.09.2024
Label : Kind Violence
Rédigé par
Bertrand Corbaton, le 16 septembre 2024
Avez-vous déjà eu le cœur transpercé par un sentiment tel qu'il vous fait l'effet d'un foudroiement, d'une révélation, et que pour des raisons aussi subites qu'inattendues, celui-ci retombe aussitôt, presque instantanément, comme un soufflet. Voici peut-être la sensation que vous fera Light A Bigger Fire, dans l'hypothèse où vous auriez été emballés par Protagonists, le très bon précédent disque de IST IST, sorti en début d'année dernière. Il faut dire que le quatuor n'a pas vraiment changé la formule entre ce nouvel album et leur premier essai. Mais alors pourquoi la déception est si grande aujourd'hui quand l'enthousiasme était réel quelques mois plus tôt, si le groupe n'a pas changé son logiciel ?
Pour mieux comprendre la situation il faut donc revenir à la sortie de Protagonists. Il était question alors d'un post-punk nerveux dont les structures et la voix caverneuse d'Adam Houghton faisaient pencher l'ensemble vers une esthétique cold wave qui rappelait quelque peu Joy Division, ou, pour être plus contemporain, d'Editors. Les morceaux étaient dans leur ensemble percutants, directs, et assez accrocheurs pour susciter un véritable intérêt. Néanmoins, rien de nouveau sous le soleil, tant IST IST reprenaient sans vergogne des codes déjà-vus et franchement éculés. Mais le tout fonctionnait et on pardonnait aisément au groupe ce manque de singularité, car les compositions apportaient une certaine fraîcheur, un aplomb certes parfois naïf, mais assez affirmé pour achever de convaincre son petit monde.
Le problème qui se pose aujourd'hui avec Light A Bigger Fire, c'est une forme de persévérance dans cette posture. On finit alors par penser à l'impossibilité pour ces garçons de se départir de cette attitude, de ce son, et qu'il va nous être resservi jusqu'à l'overdose. Aussi, quand on frôlait la correctionnelle quelques mois plus tôt, la sentence est aujourd'hui définitive et les stratagèmes d'antan ne passent plus tant l'ensemble est stéréotypé et manque d'ambition.
C'est d'autant plus voyant que les compositions sur Light A Bigger Fire peinent à se hisser au niveau de Something Has To Give, ou d'un All Downhill. Pire, les tentatives vers une esthétique passée tombent dramatiquement dans le cliché. À cet égard, un titre comme Repercussions voit toutes les bonnes intentions plombées par les sonorités des claviers et, malheureusement, difficile de parler d'une erreur de parcours puisque revoici les désagréables sonorités sur I Can't Wait For You. Là encore c'est un peu dommage car le morceau n'est pas sans présenter quelques bonnes idées, mais les ficelles sont tellement grosses et évidentes que personne n'est dupe. La suite est un enchaînement trop important de moments convenus comme sur Dreams Aren't Enough, ou sur Lost My Shadow. Ajoutez à cela une mélodie qui fait cruellement penser au générique d'une émission hippique sur une obscure chaîne du câble et la coupe est pleine. Il faudra voir ailleurs, peut-être sur What I Know avec son atmosphère sombre et son refrain accrocheur, ou sur XXX qui arrive à se faire la part belle dans cet album.
Pour enfoncer un peu plus le clou, IST IST ne nous évitent pas la petite ballade et son intro au piano pour clôturer cette mauvaise blague. Au demeurant, Ghost est une bonne chanson, paroles un peu lourdingues et impudiques mises à part, mais plongé dans cet ensemble très convenu et prévisible, le titre ne parvient pas à émerger comme il le faudrait, et réitère des poncifs accentués par ce son de claviers rétro vraiment imbuvable.
C'est avec pas mal de peine que l'on se retourne sur Light A Bigger Fire. Si les deux premiers albums nous ont bien fait comprendre là où le groupe voulait en venir, il est assez délicat de constater que sa marge de manœuvre est au final très réduite, et que les capacités de IST IST à se remettre en question ou faire preuve d'assez de recul pour changer suffisamment de cap pour entretenir la flamme ressemblent de plus en plus au néant. Le souci est que le style très niché est un obstacle qui ne laisse que peu de place à l'erreur. Sans d'excellents morceaux, le groupe se voit vite catalogué au mieux comme une énième formation post-punk tendance cold wave, au pire comme une version bancale et peu inspirée d'Editors.
Le groupe est à côté de son sujet, et c'est peut-être ce qu'on peut lui souhaiter de mieux. Car dans ce cas les possibilités de changer de cap, d'évoluer vers autres choses ne sont pas inexistantes. En revanche si c'est uniquement par le prisme de ces premiers albums que les quatre envisagent leur futur, les chances de devenir une simple caricature d'eux-mêmes sont malheureusement une probabilité des plus fortes. Voilà qui serait plutôt dommage.