Après avoir fait connaissance il y a seulement trois ans avec Trampolene, groupe d'indie pop gallois qui évolue sous la houlette de Pete Doherty sur son label Strap Originals, nous découvrons en ce début d'automne le premier album solo de leur leader Jack Jones, idéalement et sobrement intitulé Jack Jones.
Jusque-là, rien d'original quand, après dix ans de carrière, l'un des membres d'un groupe part s'adonner à quelques expérimentations en son nom. Ici, Jack Jones se démarque néanmoins en ce qu'il mène déjà en parallèle de sa formation plusieurs projets, des plus intéressants. Guitariste dans les Puta Madres cher à Pete, il est également poète et se livre à l'exercice du spoken word, lors de performances live qui lui ont notamment valu les compliments d'un de ses grands héros, John Cooper Clarke, le plus punk des poètes britanniques contemporains.
Les albums de Trampolene que nous avons eu la chance de chroniquer dans ces mêmes colonnes, Love No Less Than A Queen en 2021 et Rules Of Love And War en 2023, bien que toujours ancrés dans un socle aux influences très 90s, comportent tous les deux leur lot de morceaux d'un autre calibre, avec beaucoup de sonorité electro très évanescentes et ces inclusions en spoken word qui permettent ainsi aux disques de sortir du tout-venant indé qui continue de faire la joie des charts britanniques.
Ainsi, ce Jack Jones fait alors bien de porter comme patronyme celui de son créateur : le disque propose onze morceaux très personnels tous en spoken word, sur fond de pop (toujours) mais toute nappée d'électronique et de flow RnB. Un mélange qui nous change de notre ordinaire guitare-basse-batterie, et qui gagne tout son intérêt dans la voix de Jack Jones qui, aux premiers abords, n'a pourtant rien d'un grand performer vocal. On retrouve un timbre écorché et ce délicieux accent gallois aux R si bien roulés, ce qui au passage peut rendre l'exercice de compréhension un peu plus compliqué, même pour les plus anglophones d'entre nous.
Tout français que nous sommes, nous nous attarderons donc plus sur l'environnement musical de ces morceaux, et si les premiers titres comme Make It So, Breathe, Gladys et Peaches Out Of Reach nous emballent rapidement avec leur aspect clubbing très attractif, il y a petit à petit un réel sentiment de dispersion à l'écoute, au fur et à mesure que les boucles et tempos choisis se complexifient. Les singles accessibles se positionnant en entrée de jeu, la percée dans les morceaux bien plus pointus comme Who Let The Bass Pump Through The Floor, MDMA Day et What You Waiting For aura comme effet de diluer l'attention d'une partie de l'auditoire, si tant est que ce dernier ne soit pas déjà l'aise avec ce style qui nous évoque de loin la verve de Kae Tempest, elle-même grande poétesse à l'univers très atypique.
Bien que destiné à un public averti, cet album éponyme de Jack Jones relève un véritable défi : celui de présenter à son public un travail très intime, qui démontre que le musicien a bien plus d'une corde à son arc et que l'on peut mener de front un groupe de rock plutôt mainstream tout en se distinguant comme poète urbain. Nous applaudissons donc l'authenticité du musicien et, même si nous le préférons personnellement derrière sa guitare, nous saluons ce bel objet très audacieux qui nous permet de souligner encore une fois les innombrables richesses de la scène musicale galloise.