Silverbacks

Régularité ne signifie pas forcément routinier. Preuve en est, le timing parfait de Silverbacks pour nous offrir un nouvel album, cycliquement tous les deux ans, et le fait que chaque fournée se différencie de la précédente.

Petit rappel pour ceux qui, à force de nez dans leur smartphone grillent ainsi chaque jour quelques précieux neurones : les irlandais Silverbacks ont enchainé FAD en 2020 et Archive Material en 2022, albums sur fond de rock slacker très américain mais qui ont toujours fait l'effort de quelques percées dans d'autres styles, entre punk un peu braillard et pop 60s, ce foisonnement d'influences ayant pu nous laisser un peu hésitants à chacune des sorties.
C'est donc sur scène que nous nous sommes fait une meilleur idée de ce que représentent Silverbacks, nous concernant à deux reprises : une première dans la petite cave de l'International et une seconde lors de la première édition du festival Block Party des copains du Supersonic. Le résultat : un groupe un peu statique sur scène mais dont l'excellente maitrise de ses instruments et le chant partagé entre Daniel O'Kelly et Emma Hanlon ne laisse pas place à l'ennui.


En 2024, les dublinois nous reviennent avec Easy Being A Winner, toujours dans la continuité de ces influences lo-fi à chemises de bûcheron, mais avec cette fois-ci une belle tendance à la légèreté, grâce à quelques incursions plus dream pop, essentiellement lors des titres interprétés par Emma. Le timbre très clair et harmonieux de la bassiste est dans ce troisième opus bien mieux mis en avant, pour notre plus grand plaisir. On retrouve donc des sonorités plus minimalistes, des légères touches electro pop et des rythmiques moins tonitruants. Comme de petites expérimentations, nous pensons à Grandaddy, aux Flaming Lips ou dans le style un peu désordonné, au folk pas vraiment formel de Ethan P. Flynn. Le tout évidement dominé par l'énorme référence à Pavement, dont l'empreinte continue de définir le travail de Silverbacks, et ce de la meilleure façon qui soit, sans jamais singer les illustres ainés.


On passe donc de Something I Know à Selling Shovels, de Billion Star Night à Songs About Divide sans aucune transition, et on apprécie réellement dans ce troisième disque la montée en puissance du groupe dans sa qualité de composition, l'album ne souffrant d'aucun passage à vide, ces interludes où des morceaux peuvent s'enchaîner sans nous marquer une seule seconde. La trentaine bien entamée, le mariage des uns et des autres (Emma a épousé l'an passé Killian, le second frangin O'Kelly) et surtout une grande culture rock underground permettent au groupe de nous offrir avec ce Easy Being A Winner un album solide, très à la marge du style dominant actuellement, et c'est là toue l'essence de l'indé, sonner dissonant et ne rien en avoir à faire.