Chronique Album
Date de sortie : 11.10.2024
Label : Mother Figure Records
Rédigé par
Adonis Didier, le 10 octobre 2024
Dix-neuf ans. Cela fait maintenant dix-neuf ans que le premier album de The Duke Spirit, Cuts Across The Land, est sorti. Trois disques garage-pop-psyché plus tard, le groupe tentait un revirement plus lent et vaporeux sur la doublette KIN en 2016 puis Sky Is Mine en 2017, avant de disparaître pour laisser place à la carrière solo de sa frontwoman Liela Moss, et son premier effort My Name Is Safe In Your Mouth en 2018. Un disque particulièrement éthéré, rempli de cordes et de jolies fumées colorées, suivi en 2020 du plus direct et très années 80 Who The Power, remixé l'année suivante et enchaîné par le sombre et électro Internal Working Model presque deux ans plus tard. Ce qui nous ramène aujourd'hui à la quatrième production de la carrière de Liela Moss, suivant cette trajectoire linéaire décrite plus tôt, atterrissant comme l'on pouvait s'y attendre dans les années 90, et plus précisément dans le trip-hop industriel.
Les pieds d'abord, et en plein dedans, car aucune des dix chansons de Transparent Eyeball ne dérogera à l'appellation d'un tout dont le plus grand moment se situe dans ses trois premières minutes et vingt-huit secondes. Certains appelleront ça une punchline, mais comment ne pas parler de Prism, ses couplets hypnotiques, sa ligne de basse reptilienne, la voix ensorcelante de Liela Moss, la chappe de plomb électronique qui s'abat sur un refrain à faire baver Archive et Massive Attack ? Et comment ne pas comparer le reste de l'album à ce sommet insurmontable ? Ainsi, Dark Kitchens en apparaît comme une version similaire mais simplement moins bonne, avant que Conditional Love et Reward ne passent la pilule à coups de tambours industriels précédent le gros coup de mou de ce nouvel album.
Something I Left Behind et Blue traînent leurs nappes électro et leurs lourds coups de butoir le long de huit minutes auxquelles il manque cet élément marquant, cette idée qui sépare la chanson oubliable de la bonne chanson. Une erreur que ne fera pas Sticky et son refrain dévastateur, aux accent similaires à ceux de Prism, réinjectant la dose de stéroïdes dans les veines d'un album qui paraissait déjà à bout de souffle, mais que Freedom Likes Goodbyes et Real Future Begins aideront à remonter la pente jusqu'à la dernière très bonne chanson du jour : Superior. Pour le style vous savez déjà, ça fait neuf titres que c'est peu ou prou la même chose, et encore une fois, c'est le refrain dopé aux grosses nappes de basses qui fait pencher la balance, superbe contrepoint à la voix suave et délicate de Liela Moss.
Au final, Transparent Eyeball c'est une formule qui fonctionne mais malheureusement pas à l'infini, et à trop vouloir la répéter l'album en devient parfois long et sans surprise, oubliant la diversité et l'alternance que les différents registres déjà empruntés par l'artiste devraient lui permettre d'atteindre. Un disque de trip-hop indus qui contient certaines des meilleures chansons de la carrière solo de Liela Moss, mais qui à s'enfermer dans son genre risque de lasser, et c'est bien dommage au vu des merveilles qu'il abrite. De quoi se dire que l'on n'était pas si loin que ça de la mention très bien, et de souhaiter à Liela Moss de revenir encore plus forte la prochaine fois, elle qui vient malheureusement d'annuler toute sa tournée outre-Manche faute de fonds et de billets vendus.
Comme quoi, rien n'est éternel, et si vous aimez les artistes indépendants qui se donnent du mal, achetez leurs disques, allez aux concerts, et prenez un ou deux t-shirts pour la route !