Chronique Album
Date de sortie : 25.04.2025
Label : Rock Action Records
Rédigé par
Franck Narquin, le 23 avril 2025
Cloth, ce sont les jumeaux Rachael et Paul Swinton, duo écossais formé à l'ombre des brumes de Glasgow, nourri au thé noir, aux souvenirs d'enfance, et à l'intimité feutrée des studios trop silencieux. Ils ont le goût du détail discret, la science du murmure, l'art de la retenue élégante. Leur musique se tient là, sur le fil : trop douce pour les énervés, trop tendue pour les rêveurs, mais capable, quand tout s'aligne, de faire jaillir l'éclat fragile d'un diamant dans la pénombre. Leur troisième album, Pink Silence, porte bien son nom : il y a dans ces dix morceaux une forme de pudeur sonore, un refus du spectaculaire, comme si chaque note était une pensée retenue, un souffle suspendu. Et pourtant, derrière les brumes de guitares éthérées et les beats discrets, ça parle fort. Ça parle d'amour, de doute, d'absence. Ça parle en creux, mais ça résonne longtemps.
Polaroid, le single-phare, agit comme un déclencheur instantané : cliché parfait d'une pop bien cadrée, aux contours nets, qui ose enfin sortir du silence pour affirmer une mélodie, un refrain, un souvenir. C'est frontal, presque pop au sens noble du terme – un tube doux-amer comme The xx en rêvaient encore à l'époque de Basic Space. Derrière, d'autres morceaux brillent en demi-teinte : It's A Lot, superbe cousin distant de Romy et Jamie, joue la carte du minimalisme sensuel, laissant l'espace respirer, comme une chambre vide où traîne encore le parfum de l'autre. The Cottage s'avance quant à lui comme une ballade suspendue, qui oscille entre la mélancolie pastorale d'un vieux film Super 8 et la tension sourde d'un amour qui s'effiloche.
Le morceau d'ouverture, Pink Silence, est un manifeste discret. Tout y est : voix chuchotée, nappes scintillantes, lente montée vers une menace diffuse. Comme si Mazzy Star avaient pris le thé avec Portishead au fond d'un vieux cottage écossais. Une beauté trouble, presque anxiogène. L'album se referme d'ailleurs avec la même finesse, sur Write It Down, ultime lettre non envoyée, belle et résignée. Mais entre ces sommets, quelques creux : Stuck, Golden, Stones semblent peiner à se distinguer. Pas mauvais, juste trop sages. Trop bien produits, trop bien pensés, pas assez vécus peut-être. Ce sont les instants où l'on entend davantage les influences que la voix propre du groupe. Et pourtant, on sent que ces chansons pourraient révéler leurs secrets à la troisième, à la cinquième écoute... Peut-être qu'elles sont timides. Peut-être qu'elles nous attendent.
Au fond, Cloth font penser à ces films indés couronnés à Sundance, acclamés pour leur délicatesse, leur bon goût lo-fi, leur lumière dorée sur peau pâle... mais qui peinent à franchir le seuil du style pour toucher au sublime. Il ne manque pas grand-chose. Une étincelle. Une blessure. Une folie douce. Ce que Pink Silence frôle, effleure parfois, sans toujours oser le saisir. Mais on aurait tort d'y voir un disque mineur. Car quand il touche juste, il bouleverse avec une grâce rare. Ce n'est pas un album pour briller, c'est un disque pour accompagner. Un disque qu'on n'écoute pas pour vibrer fort, mais pour entendre résonner doucement ce qu'on n'arrivait pas à formuler. Et ça, en soi, c'est déjà beaucoup.