Chronique Album
Date de sortie : 23.05.2025
Label : Duophonic UHF Disks
Rédigé par
Franck Narquin, le 19 mai 2025
On pensait le film terminé, la bobine rangée, le projecteur éteint, et voilà que Stereolab nous glissent un nouveau négatif dans le chargeur. Instant Holograms On Metal Film : treize compositions, une heure, un titre alambiqué et poétique comme on les aime.
Premier album studio depuis Not Music en 2010, et pourtant aucune ride, aucun mot de passe oublié. Comme si rien ne s'était passé. Comme si, depuis quinze ans, la vie n'avait été qu'une longue boucle Moog en attente de modulation. Dès les premières secondes de Mystical Plosives, on retrouve les fondamentaux de la maison, nappes analogiques 70's, pulsations douces, mélodie flottante. Générique parfait pour une nouvelle saison de cette série étrange qu'est Stereolab : science-pop marxiste, easy-listening déglingué, jazz post-tropical et utopies rétrofuturistes. Laetitia Sadier plane toujours avec son chant monocorde devenu signature ; Tim Gane ourle ses morceaux comme des puzzles sonores où tout semble glisser doucement, y compris le temps.
Le groupe ne cherche ni à rattraper l'époque ni à la commenter. Il s'écoute, se savoure, se rejoue. Aerial Troubles et Melodie Is A Wound déroulent leur fil solaire et bossa comme au bon vieux temps des années 90, où les madeleines avaient la forme de singles vinyles. Les arrangements sont riches, mais jamais démonstratifs ; les rythmiques, précises mais pas pressées. Il y a du lounge dans Immortal Hands, du Moog dans Electrified Teenybop! , du jangle dans Vermona F Transistor bref, il y a du Stereolab dans tout. La nouveauté, s'il faut en chercher une, réside peut-être dans cette assurance tranquille, cette façon d'assumer la douceur plutôt que l'avant-garde. L'album laisse de côté les décrochages bruitistes ou les longues digressions kraut, ici, tout est tenu, élégant, presque classique. Le duo If You Remember I Forgot How To Dream Pt. 1 et If You Remember I Forgot How To Dream Pt. 2 offre même un final à la fois funky et cotonneux, comme si l'on terminait l'album dans un vieux rêve bilingue.
Stereolab ne nous secouent pas, ils nous réaccueillent. Ils ne cherchent pas à faire un comeback spectaculaire, mais à réactiver ce lien étrange et indélébile que tant d'auditeurs entretiennent avec eux depuis trente ans. Ce lien qui fait que l'on accepte sans broncher un morceau intitulé Esemplastic Creeping Eruption, que l'on sourit devant un groove trop suave pour être honnête, ou qu'on jure fidélité à vie devant le bar du Pop-In à un groupe franco-britannique qui n'a jamais voulu choisir entre Broadcast et Brigitte Fontaine.
Il y a quelque chose de paradoxalement émouvant dans cette forme de non-événement parfaitement maîtrisé. Instant Holograms On Metal Film aurait pu sortir en 1975, en 1995 ou en 2045. Il est hors-temps, comme ces affiches publicitaires de l'ORTF où tout semble figé dans un avenir qui n'a jamais eu lieu. C'est ça, Stereolab : la musique d'un futur vintage qu'on n'a jamais cessé d'aimer. Et maintenant que ce futur est à nouveau présent, on n'a qu'une envie : signer à nouveau pour la vie.