logo SOV

One Of A Million MusikFestival

Baden, du 4 au 11 février 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 18 février 2012

Bookmark and Share
samedi 11
La précédente journée de découverte du festival fût plus qu’une réussite, nous avons hâte de découvrir la suite. C’est dans le cadre chic de l’Hôtel du Parc que des concerts gratuits sont organisés pour présenter les groupes dans des formations plus réduites ou acoustiques. Nous avons donc la chance de voir s’avancer, sur une petite estrade, la jeune belge Liesa Van Der Aa. Repérée par les programmateurs du One Of A Million MusikFestival, elle accompagne son chant d’un violon avec lequel elle parvient à réaliser quelques prodiges.

Liesa Van Der Aa a peut-être perdu son triple A mais pas son jeu de pédalier, qu’elle regarde sans cesse afin d’enregistrer ses boucles de mélodies au violon. Pincé ou à l’archet, sa musique se fait de plus en plus complexe avec ces superpositions de sons et il s’en dégage une profondeur plaçant l’auditeur comme au dessus d’un ravin, simplement maintenu par ces quelques cordes grinçantes et raisonnantes. Liesa n’hésite pas à se servir de son instrument comme d’une guitare acoustique, ou électrique en ajoutant des effets de distorsion, transformant une base classique en un violingaze détonnant. L'impression est ma même que lors d’un concert d’Owen Pallett, peut-on vraiment faire tout cela avec violon ?
La jeune femme ajoute un brin de folie appréciable, en incluant une reprise planante de No Diggity de Blackstreet au sein même d’une reprise de Iggy Pop. Cette fille est simplement stupéfiante. Après cette fin d’après-midi riche en émotions, retournons au Nordportal pour un samedi soir qui s’annonce dantesque. Nous voilà alors que le groupe suisse The Legendary Lightness termine son concert sur la petite scène. Le trio propose une pop lo-fi et intimiste bercée par des sursauts électriques et quelques xylophones bien placés.

SOV

C’est au tour des canadiens de Dirty Beaches d’enflammer le One Of A Million MusikFestival. Alors que l’on avait l’habitude de voir Alex Zhang Hungtai seul dans un show tout en fureur, il est cette fois accompagné de deux acolytes. Un batteur ainsi qu’un saxophoniste baryton bidouilleur de pédales, au look moustache/coupe au bol improbable sont également présents pour donner plus de consistance aux arrangements. Le crooner à la voix sombre et torride, que l’on croit venir de l’outre-tombe de Graceland, s’excite sur sa guitare en saturant son organe dans une résonance impressionnante. Le son se fait puissant, entre un blues rock 50’s trépidant et des riffs lo-fi d’une force à vous éclater les tympans.
Alex implique tout son corps pour faire sortir de sa gorge un profond souffle glaçant. Les arrangements au saxophone ajoutent une ambiance mystérieuse. On passe le cap où l'on vit pleinement une expérience beaucoup plus qu’un concert. Le taïwano-canadien est déchainé lorsqu’il rejoint le public, s’avançant rapidement entre les personnes lui faisant face en grommelant comme au-dessus d’un nid de coucou. Même pas peur. On cherchait le moment rock’n’roll du festival, on ne pouvait pas trouver mieux.

SOV

Pas le temps de reposer ses oreilles légèrement meurtries, que les hollandais de The Black Atlantic investissent la petite scène. On plonge dans une ambiance totalement différente, qui va nous subjuguer par sa beauté dès la première chanson. Comment avons-nous pu passer à coté de ce groupe qui enchaîne bijoux folks sur pépites pop ?
La tension est à couper le souffle dans la voix du chanteur Geert Van Der Velde, sorte de fusion de Conor Oberst et Elliott Smith. Elle est surélevée par des claviers planants, saupoudrant une pop classique d'accords folk à la guitare. On pense à Grizzly Bear dans cette recherche de perfection dans la composition ou à Fleet Foxes lorsque le quatuor mélange ses voix en arpège. Mais on sent que Geert est un écorché et il possède en lui une face tortueuse et sombre faisant glisser ses chansons vers une surface beaucoup moins lisse que les groupes pré-cités.
Il n’hésite d’ailleurs pas à interpeler les quelques personnes trop bruyantes au bar alors qu’il est en train de parler, chose que personne n’avait (malheureusement) osé faire auparavant.
Au bout d’un moment, on soupçonne qu'il y aura bien un moment où du déchet se fera entendre pendant ce concert. Mais non, chaque chanson possède cet effet immédiat, prenant les tripes de l’auditeur à bras le corps pour ne s’en défaire qu’à la dernière note. The Black Atlantic est un groupe d’une rare beauté qui possède tous les arguments pour sortir un grand album qui subjuguera autant qu’il nous a illuminés ce soir.

SOV

Le One Of A Million MusikFestival bascule alors dans la partie plus légère de la soirée, la danse est au programme jusqu’à la fin de la nuit. Les californiens de Grouplove débarquent en trombe et ne se font pas prier pour lancer le remuage collectif dans la bonne humeur. Leur power pop ensoleillée nous colle un sourire qui ne va plus nous quitter du concert. Des accords simples, une batterie binaire et une joie de vivre communicative sont les ingrédients de ce groupe qui invite juste à s’oublier et profiter.
Le chanteur Christian Zucconi joue de son coté vrai faux rebelle et se prend pour Kurt Cobain en se cachant derrière sa chevelure blonde teinte en vert. Sa voix puissante, éraillée et criarde, insuffle un vent de liberté, complétée par les chœurs de la jolie claviériste en robe à fleur Hannah Hopper. Précisons que ces messieurs ont bien entendu toutes les peines du monde à ne pas la contempler mais tout cela n’a pas d’importance puisque le tube du groupe se fait soudain entendre. Les clappements de Itchin' On The Photograph sont la première chose que les membres de Grouplove font en se levant le matin, si l’on en croit leur vidéo clip. On se met en mode cabri sur ce tube incontournable de l’année 2011, en criant de tout son plaisir avec Christian.
Bien sûr, le fait que leur album s'avère très inégal sur sa seconde moitié, engendre quelques creux de vagues durant le concert. Certains titres ne sont vraiment pas à la hauteur, moins originaux, voire ennuyeux. On va même jusqu’à se demander si le concert n’était pas terminé après Itchin' On The Photograph, lorsque le bassiste, drôle mais moins convaincant comme chanteur, y va de son interprétation. Le public a fait le bon choix en patientant puisque les autres chansons réussies de l’album sont interprétées sur la fin du set, à l’image de la pop colorée de Tongue Tied. L’héroïque Colours arrive en rappel pour enflammer une dernière fois un public conquis, ressemblant à une parfaite collection de smileys.

SOV

Pour continuer dans la danse, les britanniques sont également de la partie pour clôturer le festival. Il s’agissait d’une surprise bien gardée mais The Whip sont venus présenter les compositions de leur album sorti à la rentrée. Les titres de X Marks Destination restent néanmoins les plus efficaces avec notamment Divebomb et ses claviers électroniques, une rencontre du troisième type en boucles incessantes. The Whip font mouche malgré cette particularité qu’a le public suisse de ne pas s’approcher devant la scène s’il n’y est pas invité, un fait noté tout au long du festival.
En adepte des premiers rangs, on se sent parfois mis en avant mais le problème est réglé avec Save My Soul que le groupe n’avait apparemment pas rejoué depuis un certain temps. Le bassiste Nathan Sudders est toujours très sympathique et souriant, tandis que la batteuse Fiona Daniel insuffle des beats organiques, un plaisir rare dans l’électro. La voix de Bruce Carter reste en retrait par rapport à ses synthés mais son timbre grave n’en est pas moins efficace. Les nouveaux titres sont moins tubesques mais l’énergie est là : The Whip nous fait danser en apportant une touche new wave dans ses productions. Le show se termine bien entendu sur le titre phare Trash et sa ligne de basse ravageuse en final explosif. On ne peut s’empêcher de crier « I wanna be Trash » avec Bruce pour terminer ce samedi soir de concerts en beauté. The Whip a fait le job, dance and only dance.

Ce joli petit festival d’hiver s'achève sur ce dernier titre. La soirée a encore livré son lot de très bonnes surprises avec The Black Atlantic en tête, le groupe de toutes les émotions. On retiendra la jolie surprise de Liesa Van Der Aa, la fureur de Dirty Beaches, la joie collective de Grouplove et la fin de soirée dansante avec The Whip. Le One Of A Million MusikFestival de Baden s’affirme cette année comme un passage obligé du rock indépendant au cœur de l’hiver, avec en prime un cadre exceptionnel et un accueil très chaleureux. Danke Schön für alles und bis Bald !
artistes
    Liesa Van Der Aa
    The Legendary Lightness
    Dirty Beaches
    The Black Atlantic
    Grouplove
    The Whip