La grisaille a pris le dessus et les nuages se font menançants en ce début d'après-midi du dimanche, mais, bien que le festival joue ses dernières heures pour l'édition 2015, il n'est certainement pas temps de bouder son plaisir. Le line-up, principalement axé R'N B, musiques alternatives et pop FM, propose aux festivaliers une ultime journée d'avantage « off », où le brassage des genres appelle à passer d'une scène à l'autre pour plus de découvertes, des groupes comme du lieu, en attendant le final.

Sur la Green Room, un drôle de quintet, mené par un voisin lillois,
Tim Fromont Placenti, ouvre le champ des possibles avec une musique totalement hermétique aux étiquettes. Quand un ukulélé enjoué copine avec un violoncelle mélomane c'est l'escapade des influences allant de Tears for Fears aux Smashing Pumpkins avec un détour par Jeff Buckley. Pour les vainqueurs du tremplin du Main Square il s'agit de redéfinir la pop-progressive à travers un concert aussi improbable que totalement feel good, garantie étanche à la pluie qui s'invite à la fête.
Si le Nord Pas de Calais n'atteint pas le taux d'humidité de la Bretagne, il n'est pas exclu qu'une douche inopinée, un peu fraiche pour la saison, vienne surprendre et rincer les bottes des festivaliers durant un beau week-end de juillet. Les rares endroits couverts, comme le bar à vins et la poignée d'arbres sur le site deviennent follement prisés, et la circulation dans la citadelle, déjà difficile, devient critique. Même si des espaces, au fil des ans, sont aménagés pour agrandir les zones de stands et de restauration, le festival souffre de son succès et l'affluence, avec près de 40 000 spectateurs au quotidien, le rend très vite inconfortable.

Mais l'essentiel n'étant pas de buller sur une chaise longue devant un concert (bien que…), sur la Green Room, le quatuor londonien de drum & bass en pleine explosion,
Rudimental, est accueilli par une foule en délire, survitaminée par leur performance pour le moins festive. Voix féminines et masculines se relaient sur des compositions ensoleillées et inventives, teintées de R'nB, dubstep et de house, solides rouages d'une machine à tubes bien huilée. A en croire l'ambiance générée par le titre
Feel The Love, leur notoriété n'est pas prête de disparaître des affiches de festivals.
De retour sur la Grande Scène du Main Square depuis leur passage en 2010, le magique duo français
Lilly Wood and The Prick vient ressasser ses tubes pop-folk sophistiqués. Elle, Nili Hadida, mêle douceur et fougue dans sa voix délicatement porteuse des textes anglophones qui ont marqué leur succès, lui, Benjamin Cotto, impassible ténébreux tirant les mélodies irrésistiblement dansantes de sa guitare, forment un couple musical décidément joliment complémentaire.

Le parvis de la Green Room est plein à craquer pour la venue de
Sam Smith. Le chanteur-songwriter anglais de 22 ans fait étalage d'un talent insolent pour la pop soul ainsi que d'une voix et d'une allure de dandy difficilement résistibles. Son expérience déjà longue de la scène se ressent dans sa prestance assurée et ses refrains incontournables (
Money on My Mind, Stay With Me) qui ne laissent personne de marbre.

Pour parfaire ce début de soirée, coloré d'un très beau couché de soleil sur le clocher de la Citadelle, la Main Stage acceuille
Mumford And Sons. En pleine tournée pour présenter
Wilder Mind, leur troisième opus, qui, contrairement à son prédécesseur
Babel a reçu des réactions mitigées, les quatre londonniens livrent, avec un enthousiasme sans réserve, un savant mélange de leurs grands succès (
The Cave, Little Lion Man) et leurs morceaux fraichement débarqués, entre néo-folk et saveurs de l'ouest, portés par la voix claire et poignante de Marcus Mumford. En introduction,
Snake Eyes insuffle avec douceur l'élan instrumental qui donne rapidement à la fois corps et volupté à leur présence sur scène, suivi de près par
I Will Wait et son refrain lumineux qui captive son assistance pour ne plus la lâcher. La joyeuse troupe revisite, pendant une bonne heure, les sons traditionnels britanniques à coups de banjo, mandoline et contrebasse, enrobés dans un rock stimulant à l'énergie contagieuse, et sachant avec brio transformer la scène en un lieu festif d'où s'exhalent des vapes de magie.

Voici l'heure du show final de cette édition 2015. Comme il se doit, le public est en droit de réclamer du spectaculaire, du festif à en attraper des courbatures pour une bonne semaine, que les douleurs raniment les bons souvenirs une fois de retour au bureau. Ces messieurs-dames sont servis, avec sur un plateau d'argent un
Pharrell Williams accompagné de ses tubes planétaires obsédants depuis les années 90. Depuis lors dans l'ombre des plus grandes stars, il se révèle grand maître de la dance et du show à l'américaine aussi coloré que le personnage : décors, danseuses sexys, chorégraphies chiadées, costumes (bien que le célèbre et proéminent couvre-chef ne soit pas de la partie). Seul bémol, un son saturé en basses, gênant jusqu'au fond du public, conséquence : la voix se perd un peu trop souvent dans un marasme de vibrations douloureuses et le spectacle en perd un peu de sa substance. Mais la fête bat son plein, et le quadragénaire de Virgina Beach invite tantôt des enfants, tantôt des mecs pris dans le public car lookés à sa manière, à le rejoindre sur scène pour ajouter à l'ambiance, heureux d'être, pour une fois, sur le devant de la scène en digne représentant du son populaire du moment.
Le rideau tombe, métaphoriquement, sur l'édition 2015 du Main Square Festival et la foule prend le chemin de la sortie, tant bien que mal. Sous la voute d'accès à la Citadelle, la circulation est aussi fluide que dans un RER en période de grève, mais on s'encourage en chanson, avant de rejoindre le camping à pieds ou en petit train de foire. Il reste une dernière nuit avant de penser aux choses sérieuses.
Des rumeurs circulent déjà sur la programmation de l'édition 2016 mais, évidemment, rien n'est à prendre de façon officielle, sinon que les artistes électroniques seront d'avantage mis en avant et que le site pourrait être réaménagé avec une scène supplémentaire. De la tête d'affiche prestigieuse est, bien entendu, promise, de quoi alimenter spéculations et fantasmes pour les mois à venir.