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La Route du Rock

Saint-Malo, du 13 au 16 août 2015

Live-report rédigé par François Freundlich le 21 août 2015

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C'est dans un état de fébrilité inconscient que nous rejoignons notre rendez-vous bi-annuel à La Route du Rock de Saint-Malo. En s'installant sur la plage, on s'imagine qu'il va falloir écrire dans un live-report tous les clichés qui suivent le festival. En observant les oiseaux marins, on se dit que le festival s'est fait voler comme un vulgaire Kouign-amann finissant dans l'estomac d'un goéland, avec Björk dans le rôle de l'oiseau de malheur. En voyant les nuages, on pense qu'une météo menaçante est annoncée sur le fort de Saint-Père. Mais il n'en sera rien : oubliée la diva, jamais tombée la pluie, même notre première galette saucisse trouvera un « y a plus de saucisses ! » en guise de fin de non recevoir. Et c'est le cœur léger que nous rejoignons la soirée d'ouverture dans la salle de la Nouvelle Vague où nous attend le génie Sun Kil Moon et les excellents The Notwist pour un concert spécial.

Le grand Mark Kozelek apparaît dans la pénombre, sous des applaudissements nourris d'un public connaisseur. Il sait qu'il va assister à une grande prestation, que ce perfectionniste du son ne nous laissera pas tomber, lui, se disant même désolé pour ce qui est arrivé au festival ! Bien sûr, il s'amusera de quelques facéties mais que serait Sun Kil Moon sans quelques gentilles moqueries bien placées envers l'audience ou un vol (encore un) d'appareil photo impromptu qui fera sourire son monde. Mais lorsque la guitare s'échappe et que la voix sombre et sensuelle de l'américain résonne, nous entrons en contemplation. Chaque syllabe est exprimée au plus juste, ressentie pleinement et nous effleurant la peau comme un pétale ou parfois une épine. La magnifique Micheline, extraite de l'album Benji, est récitée dans toute la justesse et l'intimité d'un texte si bien écrit. Ces petites histoires que nous conte Mark Kozelek, citant les prénoms de ses proches ou de sa famille, nous fait un peu l'effet de retrouver un ami dont on connaît chaque anecdote de vie. Nous serons clairement gâtés puisque la setlist est idéale, faisant la part belle à ce dernier album. De la complainte mélancolique Carissa, d'une beauté folk insouciante, à la très belle Dogs, rarement interprétée (Kozelek avait décidé de ne pas la jouer au public du Primavera Sound Festival après l'avoir proposée).
Le grand moment d'émotion de la soirée, voir du festival entier, est la reprise de The Weeping Song de Nick Cave & The Bad Seeds, dédiée au chanteur australien dont le fils, que Kozelek avait rencontré, est tragiquement décédé il y a peu. Nous voilà complètement bouleversés par ce morceau joué avec une intensité telle qu'un frisson permanent nous parcourt. Une autre reprise sublime se fait entendre : l'aérienne Send In The Clowns de Judy Collins. Après les longues et belles The Possum (annoncée avec un bon accent américain) et This Is My First Day And I'm Indian And I Work At A Gas Station, Sun Kill Moon terminera sur un poème composé spécialement pour le concert malouin. Il décrit une scène surréaliste s'étant passé dans l'avion le conduisant au festival où une femme lui a demandé de toucher sa jambe, ce qui fut le point culminant de l'affection reçue lors de sa tournée. Ce premier concert de La Route du Rock fut également le meilleur puisqu'on surpasse difficilement ce génie caché qu'est Mark Kozelek. La Nouvelle Vague en résonnera certainement pendant longtemps.

Pour le deuxième concert de la soirée, c'est au groupe allemand The Notwist d'apparaître sur la scène de la Nouvelle Vague pour un concert spécial durant lequel leur album culte Neon Golden de 2002 sera joué dans son intégralité, enrichi de quelques titres bonus supplémentaires. Nous replongeons avec joie dans la délicatesse feutrée et piquante du sextet qui réarrange ces titres fondateurs de l'électro-pop des années 2000. Le fameux tube Pick Up The Phone lance la fusée Notwist qui n'atterrira plus jamais, le groupe proposant des arrangements minutieux mêlant soubresauts électroniques, divagations électrisantes et abruptes à cette voix toujours parfaite, semblant glisser lentement au dessus de nos têtes. Nous voilà enveloppés par des amas sonores, The Notwist augmentant sans cesse le volume et s'éloignant toujours plus loin dans l'expérimentation autour de ses morceaux, pouvant partir dans un délire propulsant des beats dansants ou des ambiances aériennes de haute voltige à tendance dream-pop.
Les guitares s'énervent dans des dégazages shoegaze comme sur Ones With The Freak qui s'échappe de son carcan de ballade pour tenter de nous terroriser davantage. Si No Encores se verra interprétée dans une version apaisée, c'est bien par quatre titres en rappel que The Notwist termineront cette soirée parfaite. On retiendra cette superbe version de Boneless, extrait de l'album The Devil, You + Me et ses notes de glockenspiel mêlées à des nappes de synthé tourbillonnantes. The Notwist est toujours au sommet de son art, ayant réussi à remettre au goût du jour cet album précurseur qu'est Neon Golden, dans une réinterprétation qui aura ravi le fan qui sommeille en nous.

Cette soirée d'ouverture fût plus qu'une mise en bouche, puisque deux des meilleurs concerts du festival ont déjà eu lieu avant même l'ouverture du Fort de Saint-Père. Ces deux groupes fabuleux dans cette petite salle de La Nouvelle Vague n'étaient clairement pas à manquer ! Et on se réjouit déjà pour le week-end qui s'annonce.
artistes
    The Notwist
    Sun Kil Moon