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La Route du Rock

Saint-Malo, du 13 au 16 août 2015

Live-report rédigé par François Freundlich le 6 septembre 2015

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Cette dernière journée de la 25ème édition été de La Route du Rock s'annonce riche en émotion puisque la tête d'affiche de la soirée n'est autre que le groupe culte des 90's : les anglais de Ride. Mais avant cela, une flopée d'excellents nouveaux groupes vont se succéder sur les deux scènes du festival, nous retiendrons particulièrement les trois premiers : l'enchainement parfait de ce dimanche soir.

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Mais avant de rejoindre le fort de Saint-Père, nous passons l'après-midi sur la plage de Saint-Malo où une scène a été installée pour les festivaliers qui prennent le soleil en maillot de bain. Entre deux plongeons, l'américain Jimmy Whispers domine l'assemblée avec un one-man-band légèrement déjanté entre synthé vintage, boîte à rythmes en boucle et voix chaude et paisible gorgée de mélancolie. L'homme fait penser à un Christopher Owens (Girls) qui aurait fondu un câble en décidant subitement de se verser de la bière sur la tête juste après un crowdsurfing mémorable. Jimmy Whispers est accompagné d'une simple bande-son mais parvient à nous émouvoir avec sa folk-pop de Game Boy allumée, n'hésitant pas à reprendre Ace Of Base en plein milieu d'un titre aux sonorités 60's. Une expérience à vivre avec le genre d'artiste qui peut enflammer une plage à lui tout seul.

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Direction le fort de Saint-Père pour notre fameux trio de début de soirée qui commence par The Districts, quatuor de Philadelphie. Voilà la claque que l'on espérait, le groupe dont on n'attendait rien et qui justifie à lui tout seul le voyage vers la Route du Rock. Leur indie rock décadent est mené par un chanteur énervé attirant toute l'attention et qui se donne complètement à chaque syllabe prononcée. Chaque morceau sonne comme une évidence, comme un hymne qu'on connaitrait depuis des années. Ce n'est pourtant pas l'originalité qui leur manque, car ils apportent une fraicheur et une tension palpable à une prestation mêlant americana et emballements électriques à la Pavement. Car c'est avant tout les influences folk de The Districts qui nous font succomber, les américains possèdent des compositions lumineuses dont on n'a qu'une envie : ne jamais les voir s'arrêter. Les changements de directions foisonnent autant que les idées ne s'entrechoquent, nous laissant dans la surprise permanente. Ce jeune groupe est à découvrir de toute urgence.

Pour continuer dans ces influences, le festival a programmé le charismatique Father John Misty, dans la lignée des fameuses fins de week-end folk que l'on a connues avec Okkervil River, Bill Callahan ou les Fleet Foxes dont l'invité du soir est le batteur. La dévotion dont il fait preuve sur scène en s'agenouillant toutes les trente secondes, levant le poing avant de se recoiffer tout en forçant la voix, pousse à se demander si tout ça n'est pas « too much », surtout après avoir vu l'authenticité de The Districts. Ses danses lascives à la Jarvis Cocker ne font que confirmer cette impression mais nous tentons de passer outre et de se concentrer sur ses fabuleuses compositions. Sa voix se révèle être pleinement maîtrisée, empreinte d'une grâce et d'une subtilité toute particulière. Vêtus de costumes et les barbes longues, Josh Tillman et ses acolytes ont tout pour faire gonfler la hype autour d'eux, y compris des morceaux aux sonorités universelles teintées de spiritualité à la Simon & Garfunkel. Sous le soleil couchant, le piano voix de Bored In The USA restera un moment hors du temps particulièrement frissonnant, même si on a parfois l'impression que Father John Misty chante uniquement pour lui même. Qu'importe l'arrogance du sieur, donnons nous tous la main et crions alléluia!

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Nous retrouvons sur la scène des Remparts, les auteurs de l'un des meilleurs albums de l'année : les Canadiens de Viet Cong, formés par d'anciens membres des excellents Women. Quelque peu surpris de pouvoir s'admirer dans les écrans géants qui leur font face, le quatuor semble s'en amuser avant de s'exciter dans un post-punk sombre et abrasif. La voix qui semble si juvénile sur disque semble avoir pris une sérieuse dose de gravier dans la gorge pour des versions live qui poussent le tensiomètre à son maximum. L'urgence qui ressort de leurs morceaux est palpable, nous brulons une première fois sur l'excellente Silhouettes, avec sa basse hyper rapide et ses chœurs jouissifs et libérateurs. Nous voilà à la merci de leurs assauts de guitares new-wave aiguisés et dissonants, semblant incontrôlables. La géniale Continental Shelf est exécutée toute en puissance et martyrisée par des crissements de guitares qui ne cesseront plus pendant la dernière demi-heure du concert, jusqu'à l'explosion finale de Death et ses offensives acides. Viet Cong est décidément l'une des meilleures formations live parmi tous les artistes vus en festival en 2015.

La tension va malheureusement retomber pour prendre un virage plus lisse avec les franco-britanniques de Savages et leur post-punk un brin caricatural. On retrouve tous les codes du genre mais sans les compositions, qui se contentent de boucles un peu essoufflées et qui ne se hisseront jamais au niveau des groupes précédents. Les Savages ont certainement l'attitude et l'énergie nécessaires pour enflammer un public qui a l'air de les encenser, mais sans ce petit plus qui en ferait un groupe mémorable. On oublie ces morceaux qui tournent en rond immédiatement après leur fin sans jamais vraiment rien ressentir d'excitant, d'authentique ou.. de sauvage. Leur final sur Fuckers nous persuadera que le groupe s'en sortira parfaitement sans nous.

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Heureusement, la tête d'affiche tant attendue est là pour nous subjuguer : les anglais de Ride sont dans la place. Les voix de Mark Gardener et Andy Bell sont à l'unisson sur les guitares shoegaze aux sonorités parfaites : nous voilà prêts à prendre notre dose des tubes de ce groupe culte des 90's. Le quatuor d'Oxford débute sur un Leave Them All Behind qui ne laisse aucun doute sur leurs intentions et leur maîtrise : ils ne se reforment pas pour du beurre et sont toujours au sommet de leur art. Ride ne font pas dans le détail et ont sorti l'artillerie lourde pour nous subjuguer à chaque morceau, s'étirant dans des méandres insoupçonnés lorsque les guitares des deux frontmens se confrontent comme sur Seagull qui nous rappellera nos aventures tourmentés avec les goélands malouins. Ce tube immense qu'est Polar Bear, influence majeure pour toute la scène brit-pop des 90's, prend une ampleur massive avec ces trémolos distordus et ce refrain si évident tout en langueur. Avouons notre préférence pour les quelques titres chantés par Andy Bell, comme Vapour Trail, restant dans une certaine fragilité vocale comparée à la voix imposante de Gardener. Ces anciens dominent toujours de la tête et des épaules la scène shoegaze britannique, ils nous ont impressionnés pendant ces 1h15 d'escalade jusqu'au sommet. Ce ticket to Ride valait très cher.

Pour cette fin de dimanche, La Route du Rock accueille l'entertainer par excellence, le DJ de Baltimore Dan Deacon et ses boucles électro-hypnotiques folles. Accompagné d'un batteur sous tension, Dan Deacon nous fait lancer nos dernières forces dans la bataille avec sa machinerie et son vocodeur de voix de pikachu. La participation du public est bien entendue requise avec des concours de danse dans un cercle au milieu de la foule ou autres wall of death. La star du public sera ce festivalier debout sur un matelas qui poussera Dan Deacon à lui demander quel était son but ce soir. Nous sommes cernés de résurgences d'électro-pop hypnotisantes, l'homme aux doigts de feu expérimente, en ajoute un couche, puis une autre, jusqu'à former un océan de beats déversant une marée bruitiste parfois angoissante. Sa musique possède ce coté fun permanent qui pousse à sauter sur place ou à faire n'importe quoi avec son corps ou avec ses voisins. Dan Deacon se libère et nous libère de tous ces carcans pour nous plonger la tête la première dans son délire jouissif. On aura en tout cas bien deaconné.

Le dernier groupe à livrer ses sonorités électro-pop sur la scène des Remparts est le trio américain The Juan MacLean, formé de John MacLean, compagnon de route de James Murphy et de Nancy Whang, ancienne membre de LCD Soundsystem. Entre electronica vaporeuse et rythmique endiablée, la voix grave de Nancy Whang vient s'écraser sur un thérémine aux sonorités orientales. Leur dance euphorisante et rafraichissante vaudra quelques mouvements à un public toujours présent en ce lundi matin. Les synthés 80's sont de sortie tandis qu'une reverb malicieuse nous fait retourner vers un futur par si éloigné. The Juan MacLean ou la dernière dose de danse avant un concert de Jungle qui s'enchainera tard dans la nuit, un peu tard pour les travailleurs et travailleuses du début de semaine.

C'est avec cette journée proche de la perfection que nous quittons cette 25ème édition de La Route du Rock, marquée par une bonne fréquentation de 23 500 festivaliers malgré l'annulation de la tête d'affiche. Notons une amélioration flagrante dans les conditions d'accueil : la pluie qui a précédé le festival a été évacuée grâce aux travaux de drainage réalisés avant l'événement. La nouvelle organisation du site est également une réussite. Bref, le meilleur festival de France est paré pour durer encore 25 ans ! Nous le retrouverons lors de l'édition hiver 2016 dans la salle de la Nouvelle Vague, au mois de février.
artistes
    Dan Deacon
    Father John Misty
    Jimmy Whispers
    Jungle
    Ride
    Savages
    The Districts
    The Juan Maclean
    Viet Cong