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Pointu Festival

Six-Fours-les-Plages, du 1er au 3 juillet 2022

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 8 juillet 2022

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samedi 2
Pendant que Belfort se désespère, j'ai de quoi me remplir un dernier verre. Alors que les Eurockéennes luttent pour assécher leurs scènes, panser les dégâts des dramatiques orages du jeudi et convaincre les commissions de sécurité de pouvoir réouvrir, Six-Fours-les-Plages résonne du chant des cigales, d'un vent nul et du très doux ressac d'une Méditerranée apaisée. Mais si les orages dantesques ont épargné le sud pour cette fois, les grèves aériennes et le COVID-19, eux, se foutent des fronts froids ou chauds. Ils ne font aucune distinction entre le sud et le nord, le centre et le littoral, l'Europe et le reste du monde.

L'organisation de l'édition 2022 du Pointu Festival va devoir gérer trois soirs avec pas moins de quatre annulations de dernière minute, dont celle de la tête d'affiche prévue dimanche en closing, Cigarettes After Sex ! Et, semble-t-il, une jauge en baisse que l'on attribuera à la crainte des contaminations et même à celle des folles seringues qui sévissent dans le Var depuis quelques mois.


Après une soirée de vendredi en petit comité (3000 festivaliers) sous le signe des samples, du néo funk et de la danse portée par des groupes comme Jungle ou The Avalanches, un public plus massif se retrouve le samedi 2 juillet sur les coups de 19h, juste après la plage pour le concert des régionaux de l'étape, les toulonnais de The Spitters. A la croisée des Undertones et de The Hives, le quatuor composé d'Alex, Barny, Max et Dorian écume les salles de la région Sud, de France et même d'Europe depuis dix ans. Parfois mélodieux, souvent violents dans leurs riffs et tempos, ils provoquent un électrochoc nécessaire après douze heures de rayonnement UV.


Venus tout droit de la capitale (en train, on imagine...), les parisiens de, Bryan's Magic Tears peuvent être fiers d'avoir été signés sous l'égide de Born Bad Records, l'un des meilleurs labels indépendants du pays. Un soupçon de The Jesus & Mary Chain, une dose de Primal Scream, le tout noyé sous les guitares des Spacemen 3, et voilà l'apéro parfait alors qu'a sonné 20h et que le soleil a fini par se lasser de mordre et rougir les épidermes les plus fragiles.

Le site du Gaou a ceci de reposant qu'il se situe au bout d'un isthme, après vingt minutes de marche, qu'il est à taille humaine. Fortement subventionné, il était même gratuit en 2019. Ceci permet d'alléger « la caravane du tour » qui précède et suit généralement tous les festivals de France et de l'étranger et proposent un florilège de baraques à frites et autres gaufres, crêpes et world food en général. Deux petits bars, une scène raisonnable, trois tentes de commerçants locaux (vinyles, artwork...) et c'est tout ! Le Pointu, c'est déjà le festival de la sobriété heureuse. A l'espace chill out (sorte d'espace VIP sans VIP) du Pointu Festival, on peut s'assoir ou s'allonger. Le deuxième bar y est plus facile d'accès et une scène alternative accueille groupes et DJ sets jusqu'à la fermeture du site. Pour se restaurer, là aussi le festival à tout misé sur la « sobriété". Deux comptoirs vendent exactement les trois mêmes sortes de sandwiches : hot dog, porc effiloché ou crudités. Pour celles et ceux qui n'ont pas une foi inébranlable dans le sandwich cochon (ou végétarien), il est toujours possible de porter avec soi son casse-dalle...


Mais revenons aux concerts. C'est peu dire que les londoniens de caroline jouent aux expérimentateurs. Vestimentaires d'une part - rarement on aura vu la toge druidique avec sandales romaines ou le short avec chaussettes montantes et chemise orange façon steward de TGV des années 80 portés avec autant d'assurance - et musicaux ensuite. Avec un line-up en forme d'arsenal instrumental protéiforme et des sonorités lancinantes et répétitives façon Boards Of Canada en panne de courant, caroline misent une grosse part de leur aura sur des improvisations qu'on pourrait apparenter au free jazz, mais qu'il serait plus juste de nommer free folk. Sans surprises, les titres live du groupe chorale composé de Jasper Llewellyn, Mike O'Malley, Casper Hughes, Oliver Hamilton, Magdalena McLean, Freddy Wordsworth, Alex McKenzie et Hugh Aynsley différent dans leur interprétations de leurs titres studio et, notamment de ceux de l'album éponyme sorti cette année chez Rough Trade Records. D'aucun diront que leurs univers sonores sont cinématographiques et émotifs. D'autres que leur projet est assez confus et inaccessible au commun des festivaliers. Fuyant les constructions mélodiques classiques et préférant les ponts et les breaks contradictoires et discordants (Good Morning) et les coda infinies, caroline accrochent la curiosité, jusqu'à la perdre complètement. Proches de Jeremy Corbyn et des travaillistes en Angleterre (l'inverse eut été curieux), ces musiciens fleurent bon la campagne anglaise (de la renaissance) et la décroissance, tels des insoumis du mainstream et de l'industrie musicale.


Entre Talking Heads, The Stooges et The Strokes, le groupe Geese cherche quant à lui sa place. Une place qu'ils ont accepté de prendre à la suite de la défection involontaire (ndlr : pour cause de grèves aériennes) du groupe Boy Pablo initialement programmé. Venus de Brooklyn et arborant le look et les sonorités du proto punk, ils distillent une énergie très communicative alors que la nuit tombe sur l'île du Gaou et qu'une inattendue fraicheur marine fait frissonner les épidermes chauffés à blanc.


Il y a deux décennies, la Suède entrait pour la première fois de son histoire au panthéon du rock'n roll grâce à The Hives. Trente ans après la pop glucosée d'ABBA ou celle des Cardigans, The Hives rapprochaient un peu plus leur pays de l'Angleterre et le court-circuitait par la même occasion avec un voltage et un ampérage d'amplis jamais atteints dans l'ex Empire britannique depuis The Who ou Led Zeppelin ! Nulle surprise donc à ce que le set de ce soir soit le plus attendu, le plus prometteur et le plus disjoncté de la journée. Pourtant, il aura fallu à Pelle Almqvits, Chris Dangerous, Nicholaus Arson, Vigilante Carlstroem et The Johan And Only composer avec un matériel resté en arrière, victimes eux aussi des grèves à répétition dans l'aérien. Avec des instruments prêtés par leurs précédents et malgré une lead guitare qui rendra l'âme dès le premier titre, obligeant Pelle à occuper la scène et l'espace pendant de longues minutes - ce qu'il adore faire avec exagération et exubérance ! - The Hives vont donner au Pointu Festival une des plus belles prestations de son histoire.

Surnommés « meilleur groupe scénique du monde » par un magazine américain il y a quelques années », leur titre de champions reste à conquérir, en tout cas pour les 5000 festivaliers ne voulant plus quitter le site et pour Pelle Almqvits qui se plait à nous répéter Hate To Say That I Told You So !

Crédit photographies : Gaëlle Beri
artistes
    The Spitters
    Bryan's Magic Tears
    caroline
    Geese
    The Hives