logo SOV

Pointu Festival

Six-Fours-les-Plages, du 1er au 3 juillet 2022

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 10 juillet 2022

Bookmark and Share
dimanche 3
Depuis début juin, les pluies se font rares, et le soleil règne en maître dans tout le sud de la France. Avec l'intensification du réchauffement climatique, bientôt, les espaces comme l'île du Gaou seront purement et simplement fermés à toute forme de public pour cause de danger trop grand. Il y est strictement interdit de fumer, mais comme dans presque toutes les communes de la Région Sud, les préconisations et autres interdictions, c'est bon pour les autres ! La terre y est sèche comme dans une savane et tout le monde attend avec impatience que l'astre roi passe la ligne imaginaire circulaire de l'horizon afin de gouter à une fraicheur relative, et attendue.

Avec l'annulation de dernière minute de la tête d'affiche de la journée et sûrement du week-end, Cigarettes After Sex, l'organisation n'a plus le temps ni les capacités de palier à ce coup du sort (et des grèves aériennes à répétition) et nombreux sont les festivaliers du dimanche, attirés par le groupe de Greg Gonzales et sa dream pop US qui ont préféré décliner et perdre leurs billets du jour. En guise de compensation, l'organisation a demandé aux quatre groupes restants d'occuper la scène vingt minutes de plus que prévu, chamboulant les horaire du line-up du soir.


La veille, le trio electro-shock MadMadaMad avait fait chauffer la pinède de l'espace chill out sur des sonorités funk, punk, rock... samplées, mixées et triturées façon madchester jusqu'à réveiller chez certains l'envie d'avaler à nouveau un peu de méthylènedioxyméthamphétamine. Sur la scène principale, en ouverture du dernier jour de festival, le trio MadMadMad composé d'une batterie, d'un clavier et d'une guitare entourés d'une flopée de machines mâchant, digérant et expulsant à 120 bpm des titres en mode techno transe remet en fonction le beat du festivalier fatigué de la veille.

TV Priest est souvent qualifié de groupe post-punk, politique et subtilement humoristique (également auto-dépréciant). Leur premier album, Uppers, était sorti en 2021 sur le label Sub Pop, suivi cette année par My Other People. Le chanteur Charlie Drinkwater, le guitariste Alex Sprogis, le bassiste et claviériste Nic Bueth et le batteur Ed Kelland sont des amis d'enfance qui ont joué de la musique ensemble adolescents et se sont retrouvés en 2019 pour finalement créer leur groupe, un groupe aux accents de The Fall. Humour british oblige, les traits d'esprits et les blagues sarcastiques sont au rendez-vous de la prestation du chanteur, disons plutôt du conteur et déclameur Charlie Drinkwater. Assez convaincants en version studio, aidés de vidéo clips plutôt réussis, les londoniens qui aimeraient s'inscrire dans la lignée de Metz ou même Sonic Youth développent un son post-punk brut de pomme, mais si souvent "déjà vu". Une setlist de dix titres dont le single House Of York sorti en 2020, s'égrène devant un public curieux de leur rock de frigo industriel, mais dans un festival qui ne semble taillé ni pour ce genre musical, manquant cruellement de finesse et de constructions, ni pour cette prestation, empâtée et sans saveur.


On peut ne pas goûter le style indie pop ou indie folk angéliques de la songwriter australienne, Stella Donnelly. On peut être réfractaire au miel et aux abeilles qui semblent couler de ses cordes vocales et de sa guitare et s'envoler de son sourire et de ses cheveux bouclés. Mais on ne peut pas rester insensibles au charme, à l'audace et au très grand talent de musicienne de cette guitariste trentenaire. En prenant des risques insensés en choisissant de réinterpréter des titres comme Love Is In The Air ou Time After Time, Stella Donnelly nous offre le plus agréable set du week-end, mêlant joie de vivre, communication bienveillante et interprétations impeccables.


Là où Stella Donnelly convole avec les anges, shame qui suivent la belle à 23h40 convoquent les cauchemars, les fantômes et les squelettes du rock alternatif anglais et des proto punks US. Formés en 2014 alors qu'ils sont encore lycéens, leurs répétitions ont lieu au Queen's Head, également alors QG des Fat White Family avec qui ils partagent beaucoup de choses comme le goût de la démesure sonore mais, malheureusement, ni celui de l'outrance scénique, ni la diversité de jeux de comédiens/musiciens de la formation de Lias Saoudi. Avec Chatlie Steen au chant, Sean Coyle-Smith à la lead guitare, Eddie Green à la guitare rythmique, Josh Finerty à la basse et Charlie Forbes à la batterie, shame ont la délicate mission de clôturer l'édition 2022 du Pointu Festival en lieu et place de Cigarettes After Sex. Cinq titres issus de leur très bon premier opus nommé Songs Of Praise (2018) vont enflammer la pairie de l'île du Gaou avec One Rizla, Tasteless, Wicked Beers ou encore Concrete ; des titres au feu entretenu et décuplé par le survolté bassiste, Josh Finerty, qui tel un Angus Young des temps modernes se projette d'un bout à l'autre de la scène en courant, se jette seul au sol tel un judoka psychotique, en brûlant le carburant d'une immense fusée sonore. Plus pataud, avec des faux airs de Isaac Holman (Slaves) et tenant son rôle de frontman du groupe, Charlie Steen, dont la voix manque parfois cruellement d'éclat ne sera pas en reste dans le rock'n roll circus que nous offrent les cinq de Brixton. Crowd surfing, chemise abandonnée sur scène, roadies suiveurs en sueurs... les fans du premier rang en auront pour leur argent.

Perpétuant une longue lignée de fougue post-punk anglais, les Shame auront imposé pour cette fin de festival des cadences infernales aux travailleurs qui pensent déjà au lundi matin...
artistes
    MadMadMad
    TV Priest
    Stella Donnelly
    shame