Nous voilà de retour au Reeperbahn Festival de Hambourg, le plus gros festival en salle d’Europe avec ses 400 concerts de groupes venant de quarante pays dans plus de trente salles du quartier de Sankt Pauli, durant quatre jours musicalement très intenses. Saluons la facilité d’accès de ce festival où tout se situe à 15 minutes à pieds le long de l’avenue Reeperbahn. On entre facilement dans tous les clubs sans attendre et en pouvant se placer dans les premiers rangs : un vrai bonheur d’organisation, surtout en voyant le programme riche ou il faut forcément faire des choix entre les concerts.

Je débarque donc sur la Reeperbahn, lieu de débauche bien connu de la ville d’Hambourg, non sans s’être évidemment perdu en arrivant depuis la gare. Les premiers concerts de ce mercredi commencent tôt dans l’après-midi et j’arrive sur le village du festival pour voir
Deer Anna sur la scène Fritz Cola. La songwriteuse de Hambourg déploie une folk rêveuse sous un soleil appréciable. La voix fragile et profonde est mise en avant, une certaine mélancolie s’en échappe, relevée par une guitare électrique minimaliste. On se laisse emporter par cette voix grave et percutante qui semble arrêter le temps comme sur le titre
Heads In The Clouds. Une parfaite entrée en matière.

Je persiste sur cette même scène car les anglais de
bdrmm (ou bedroom, pour les intimes) s’apprêtent à faire augmenter la dose de décibels avec leur shoegaze étendu d’échos hyper-prolongés. Nous voilà noyés sous les guitares électriques du quatuor de Hull qui ajoute à ses guitares flottantes une voix criarde et une certaine urgence dans les compositions. Ces dernières parviennent à trouver le juste milieu entre un son crade et brumeux et des cadences millimétrées. On se trouve entre les aériennes influences de Slowdive et une certaine terreur rappelant WU LYF. Certainement pas de la musique de chambre.
On passe devant les showcases qui ont lieu dans un bus de la place Spielbude pour voir Mando Diao interpréter leur tube
Dance With Somebody en acoustique ! La surprise de bienvenue...

Après ces concerts en extérieur, il est temps de rejoindre la salle de Drafthouse, sorte de club ou pub avec sa petite scène qui va accueillir les anglais de
Low Hummer. Le hasard fait qu’il s’agit d’un autre groupe de Hull dans le nord de l’Angleterre ! On se dit qu’ils ne ne tiendront jamais à six sur cette petite scène mais finalement ça passe... Si le premier et le dernier titre sont interprétés par Dan Mawer, c’est bien la voix féminine qui prendra le relai sur le reste du concert. Navigant d’un style à l’autre, Low Hummer ne choisissent pas entre dream-pop, électro-punk et garage rock pour des compositions sans cesse en cassures et en mouvement. Les arrangements synthétiques ricochent sur des guitares nonchalantes ou la voix précieuse et aérienne d’Aimee Duncan. Une énergie folle ressort d’une prestation ou on ne sait plus où donner de la tête tant la variété est grande, même si le tout reste cohérent. Voilà le concert de power-pop-punk qui relance ma journée commencée tôt après ce long voyage vers Hambourg.
L’heure est venue de retrouver la cultissime salle du Molotow, lieu partagé entre l’un des meilleurs clubs du monde, une scène dans la grande cour pavée et deux scènes en sous-sol et dans les étages. J’arrive alors que
Willy Mason a déjà débuté son concert. Le songwriter New-Yorkais a bien changé depuis que je l’avais vu en ouverture de Radiohead au Hammersmith Apollo de Londres... il y’a seize ans. A l’origine en folk classique, les arrangements penchent ici davantage vers le rock binaire, flirtant avec des airs americana. Son air un peu blasé n’aide pas à faire décoller un concert qui manque d’un supplément d’âme et des morceaux qui mériteraient d’incorporer davantage de subtilité et d’émotions, plutôt qu’être balancés à la va-vite. Le fameux tube
Oxygen est réclamé en rappel par le public, il sera également interprété avec des arrangements électriques et cadencés qui lui font perdre toute sa légèreté initiale. Dommage.
Vient l'heure de se rendre dans l’excellent club du Molotow, avec ses plafonds rouges couverts de vinyles. Les Mancuniens de
The Goa Express sont en scène pour délivrer un set indie rock. Un groupe de kids typiques comme l’Angleterre industrielle sait si bien nous en offrir. La voix du chanteur est piquante et rappelle Liam Gallagher, avec des tubes efficaces mais manquant peut-être d’originalité. Le groupe est bien en place et délivre une énergie sans faille mais on aurait peut-être aimé plus de variation et un set moins linéaire. Un bon concert pour danser au son des guitares électriques.

Le meilleur est à venir avec le trio magique
Honeyglaze dans le Backyard du Molotow. Les Londoniens vont livrer la performance la plus magistrale de la soirée avec leur folk rock à fleur de peau porté par la chanteuse Anouska Sokolow et sa voix grave et juvénile à la fois. Leurs compositions sont sans cesse sur le fil entre douceur et énervement, portées par le batteur Yuri Shibuichi qui n’hésite pas à apporter des déviances noise-rock aux morceaux. Une émotion particulière se forme pendant chaque morceau et on est porté par la voix parlée d’Anouska, que ce soit sur l’intensité du refrain de
I Am Not Your Cushion ou sur le cri rageur pendant
Childigh Things. Il se passe quelque chose hors du temps lorsque ces trois-là jouent ensemble, on pourrait les imaginer en pendant britannique de Big Thief mais ça serait négliger toute la particularité qui se dégage de Honeyglaze. Voilà un groupe bien parti pour devenir un étendard du folk rock britannique.

Place à une ambiance garage rock dans le club avec
The Mysterines. Le quartet de Liverpool se démarque par ses sonorités sombres et survoltées tendant vers le rock psychédélique. Les guitares lancinantes rappellent The Velvet Underground mais portées par la voix grave et éraillée de la charismatique chanteuse Lia Metcalfe. La tête se laisse porter de bas en haut par la lenteur extatique de riffs répétitifs emplis d’une torpeur qui sait subitement s’accélérer dans une excitation rappelant The Black Angels. Un rock brut et sans bavures transporté par une certaine classe incarnée par cette voix tendue à la Juliette Lewis. Un bon moment de rock’n’roll.
Retour dans le Backyard pour retrouver un peu de douceur avec les locaux de
Roller Derby et leur pop indé des plus mignonnes. Des élévations de guitares catchy aux relents twee-pop et une chanteuse faisant penser à Camera Obscura, on tient notre petit moment sucré de la soirée. Les Hambourgeois parviennent à nous séduire avec quelques-unes de leurs compositions, d’autant plus que quelques fans du groupe sont présents dans la salle. Ça danse allègrement au son d’une pop classieuse et suave qui demandera peut-être encore un peu de temps pour être totalement assurée. Un concert qui passe comme sur des roulettes.

Il est déjà minuit passé et c’est l’heure du dernier concert de la soirée avec le quatuor entièrement féminin
Lime Garden. La classe déborde de ce groupe de Brighton qui fait danser le public du club Molotow avec ses rythmes électro-garage-rock aux synthés aussi entêtants qu’inquiétants. Lime Garden font dans la subtilité avec des titres tenant davantage d’un indie pop dissonant porté par la voix entêtante de Chloe Howard. Leurs compositions ultra-efficaces ne sont pas sans rappeler Electrelane qui auraient absorbé une bonne dose de psychédélisme. Lime Garden sont la surprise et la fraîcheur qui manquaient à ce premier jour de festival, on en repart avec les refrains catchy saupoudrés de beats électro plein la tête.
Le voyage vers Hambourg avait commencé très tôt le matin et il est temps de mettre un terme à cette première journée pour mieux préparer les trois suivantes ! Elle fût riche en découverte et en excellent concerts avec Honeyglaze en apothéose, sans oublier Low Hummer et Lime Garden qui ont fait forte impression.
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