Nous arrivons au dernier jour de notre périple au End Of The Road Festival. Se frotter au festival « à l'anglaise » était un souhait de longue date afin de partager l'incroyable atmosphère de cet évènement qui allie musique et arts, dans une véritable ambiance bonne enfant, des allures de grande foire ouverte à tous où la fête ne semble jamais s'arrêter.
Ce dimanche débute sous un ciel gris et maussade mais la pluie a, dans sa grande mansuétude, accepté de nous laisser en paix pour cette toute dernière journée de festivités. Ainsi, notre après-midi débute à nouveau sur la scène Woods pour retrouver les Américains de
Nation Of Language, croisés il y a tout juste une semaine au Domaine de Saint-Cloud pour Rock en Seine. A ce moment niché sur la scène Bosquet, devant un parterre de festivaliers légèrement comateux, le set du trio originaire de Brooklyn nous avait véritablement laissé de glace. Une nouvelle opportunité se présentait ainsi, mais le rendez-vous n'a à nouveau pas eu l'effet escompté. C'est ici sur une scène beaucoup trop grande pour leur synth pop très minimaliste, et malgré les beaux sourires de Alex McKay aux claviers et les danses anecdotiques de Ian Richard Devaney, portant face à un public dont le pays à inventer le style qui les inspire tant, que le show ne décollera jamais. Au même titre que Jockstrap la veille, la musique de Nation Of Language s'apprécie dans l'intimité des petites salles, où la fosse peut bien plus aisément se transformer en dancefloor.
Nouveau passage à la Folly pour enfin découvrir un tout nouveau groupe sur lequel Sound Of Violence a déjà misé quelques billes, les Cambridgiens de
Ugly. Avec leur premier EP
Twice Around The Sun paru en avril dernier, Ugly proposent une pop tant évanescente que complexe, mêlant un grand type de genres, très orchestrée grâce à la présence de pas moins de six musiciens. Avec quelques sorties nous remémorant les Polyphonic Spree, notamment grâce à l'union de chants soul et de choeurs, les quarante-cinq minutes sont une belle découverte et nous incitent à nous plonger sérieusement dans l'EP du groupe, en attendant un passage près de chez nous.
Autre concert enchaînant sous la tente de la Folly et première rencontre avec
The Tubs, que nous attentions de voir sur scène depuis la chronique de leur premier album
Dead Meat il y a maintenant plus d'un an. Le disque ne nous avait qu'à moitié convaincus, leur style étant trop dispersé, entre pop 60s et rock americana. Quelle surprise lors de ce concert, The Tubs se révélant sur scène bien plus proche du post-punk que de la pop fleurie. Avec à sa tête les gallois Owen Williams et George Nicholls (on acquiesce ainsi au sticker apposé sur sa guitare « Oh I Do Like To Be In Wales »), les musiciens donnent beaucoup plus de punch à leurs morceaux à tel point que ses derniers sont presque méconnaissables. Ponctué de blagues et autres commentaires sur « les voisins anglais » du batteur écossais Steve Stonholdt, le set est court et très plaisant, les musiciens se donnant à 100%, et à défaut du concert le plus original, The Tubs remportent bien le titre de groupe le plus fun de la journée.
Faisant l'impasse sur Ty Segall qui, en acoustique, est tout de même plutôt ennuyeux (cette remarque n'implique que votre chroniqueuse, et tous ses camarades de gîte), on se retrouve pour un petit moment de pause méditative autour d'un gigantesque feu de bois entretenu par les vaillants bénévoles du festival. Le temps de s'étirer les guiboles déjà pas mal ankylosées depuis jeudi, direction le grand chapiteau Big Top pour un groupe que la rédaction encourage depuis ses tous premiers pas,
English Teacher. La formation de Leeds menée par Lily Fontaine n'a fait que s'améliorer depuis ses débuts très timorés dans une salle de l'International pas très pleine en 2022, et le succès de
This Could Be Texas, leur premier album, leur a permis de se frotter à de très nombreux publics partout en Europe. Sur une scène très vaste, avec le nom du groupe projeté en arrière-plan, toute de blanc vêtue, Lilly prend le microphone et charme immédiatement le public avec son chant soul et très profond. Passant du clavier à la guitare, le plus souvent simplement au chant au devant de la scène, les meilleurs titres de l'album sont interprétés tout comme ceux de
Polyawkward, premier EP paru en 2022. On retrouve ainsi une Lilly Fontaine décomplexée, qui mène à elle seule le show, parfois au détriment de l'harmonie que nous ressentions entre les membres à leurs débuts. Bénéficiant d'une réelle mise en avant par les différents médias, on comprend ainsi que le groupe repose aujourd'hui quasi uniquement sur les seules épaules de sa chanteuse, ce qui nous l'espérons ne mettra pas en péril la longévité du groupe, de plus que ce dernier vient d'être récompensé avec le prestigieux Mercury Prize, amplement mérité. Rendez-vous en octobre au Hasard Ludique de Paris avant peut-être de plus grandes salles.
Dernier passage sur la scène Woods pour une véritable légende du rock indé américain, originaire du New-Jersey,
Yo La Tengo. En activité depuis maintenant quarante ans, Ira Kaplan, Georgia Hubley et James McNew reviennent sur la seule invitation du festival à Salisbury, ayant lié de forts liens d'amitié avec les organisateurs. Le rock noisy du groupe n'est ici aussi pas un style facile d'accès, et nombre de curieux côtoient les fans des premières heures, tous captivés par le charisme tout en discrétion d'Ira Kaplan. Avec leurs dix-sept albums au compteur, la setlist se compose de douze titres, tous étirés à l'extrême lors de longes plages instrumentales où soit la batterie lourde de Georgia, soit la guitare tendue d'Ira dominent tour à tour. Un moment très intense qui aura réussit à réunir un maximum de spectateurs aux pieds de la grande scène, malgré un site qui s'est petit à petit vidé durant la journée.
Comme conclusion, c'est encore une fois un des nombreux « poulains » de Sound Of Violence que nous retrouvons, les dynamitées
Lambrini Girls. On ne peut pas ôter à Phoebe Lunny et Lilly Maciera la volonté de s'imposer sur la scène punk anglaise, au vu du nombre impressionnant de performances qu'elles délivrent depuis la sortie de leur tous premiers singles. Les marathoniennes de Brighton font honneur à leur réputation de rockeuses chaotiques, et les brûlots
Help Me I'm Gay,
Boys In The Band et
Body Of Mine sont récités dans cette messe punk déglinguée. Le rituel de la plongée dans la fosse et du mosh pit avec les spectateurs est respecté, les appels à libérer la Palestine également et reconnaissons qu'au bout de la troisième prestation auxquelles nous assistons, un petit sentiment de lassitude ressort du lot. Mais l'énergie des filles est tellement bouillonnante que tous leurs concerts, aussi limités soient-il musicalement parlant, sont un exutoire qu'il fait bon partager avec le plus grand nombre de personnes.
Et nous voici à la fin de notre aventure anglaise, où l'on aura pris le temps de discuter avec tout un tas de festivaliers, tous plus accueillants les uns que les autres. La beauté du site et la liberté ressentie sur place sont un privilège qui tend à disparaître en festival, et nous souhaitons au End Of The Road Festival de continuer son beau parcours en réussissant à maintenir son esprit indépendant et tellement bucolique. Nous nous mettons ainsi dans les starting blocks pour cette rentrée musicale chargée grâce aux magnifiques souvenirs collectés durant ces quatre jours, en espérant renouer un jour avec une telle atmosphère en France dans nos festivals d'été.