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The Fall

Paris, Festival Villette Sonique - 31 mai 2011

Live-report par Amandine

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Sur le papier, cette soirée du Festival de la Villette Sonique était une petite bombe atomique en puissance mais comme souvent, entre la promesse de l'affiche et la réalité, il y a un fossé, parfois important, comme nous avons pu le constater le vendredi précédent avec Animal Collective. Ce soir, le premier constat est que le public est considérablement moins compact qu'au premier soir. En effet, il s'agit ici plus d’aficionados que de curieux, ce qui n'est pas pour nous déplaire.

Pour débuter, le combo français I Apologize, conduit par l'excentrique Jean-Luc Verna au chant, s'amuse à revisiter des classiques aussi improbables que T. Rex, les Sex Pistols, Donna Summer ou encore Lipps Inc. Visuellement, le spectacle est complet : imaginez un grand gaillard musclé habillé en latex et tatoué, portant des bottines à plateformes façon glam-rock sauf que le côté efféminé est beaucoup plus présent qu'à la grande époque de David Bowie et Marc Bolan. Ici, on ne joue pas sur la part androgyne, l'homosexualité est mise en avant, notamment par les paillettes sur le visage et la gestuelle exagérément maniérée.
Musicalement parlant, la voix, intéressante, est posée sur une instrumentation un peu électro-indus façon Nine Inch Nails en plus soft. A un moment donné, on ne comprend plus si le second degré est volontaire ou non et on reste perplexe. Aux machines, on a l'air de s'ennuyer au plus haut point. Est-ce un élément du spectacle ? Encore une fois, difficile de saisir la ligne directrice mais, dans les premiers rangs, les spectateurs ont pourtant l'air d'apprécier. Nous attendons donc sagement la suite...

Sagement, ce n'est assurément pas un adverbe qui pourrait qualifier Cheveu. On ne parvient toujours pas à croire que ces trois types déglingués sont français tant ils sonnent américain. S'ils viennent d'horizons très différents (l'un est un flûtiste issu du Conservatoire, un autre était guitariste dans un groupe de garage), ce garage au son lo-fi bien crade les rapproche.
Leur deuxième album, 1000 , sorti chez Born Bad Records, a été salué par la critique et ce soir, ils viennent nous prouver qu'ils sont bien des bêtes de scène. Un son cheap avec une grosse boîte à rythme façon Béruriers Noirs, des micros branchés sur les pédales à effets, leurs compositions DIY sont reçues comme des uppercuts violents. Le frontman, David Lemoine, se place en leader complètement givré pour nous proposer des titres mêlant garage rock, hip-hop, bidouillages électro et, surtout, folie latente. Ça envoie du lourd et le public le leur rend bien : des pogos jaillissent dans tous les coins de la fosse et les Français nous laissent ruisselants de sueur à la fin de leur set.

A cet instant précis, avant de continuer la soirée, notre seul et maigre souhait est de siroter une bière et là... les choses se ternissent. Si Villette Sonique nous propose une fois encore cette année une programmation de qualité, il est navrant de constater à quel point l'organisation n'est pas à la hauteur : après une attente de plus de vingt minutes derrière le bar, on constate que les fûts sont vides et les trop peu nombreux serveurs n'en semblent pas atterrés, ils plaisantent entre eux et laissent les spectateurs perdre patience... Seule solution : garder notre soif pour nous et repartir en bougonnant que, décidément, que ce soit le service de sécurité ou le personnel, rien ne tourne rond ici.
Qu'à cela ne tienne, nous continuons avec ce qui sera la grande découverte du festival : OOIOO, nom étrange pour un groupe qui ne l'est pas moins. Composé de quatre Japonaises, OOIOO est une sorte d'OVNI musical de ce festival. Elles sont techniquement et vocalement impressionnantes. Le chant est le plus souvent fait de vocalises criées ressemblant parfois à des incantations. Cette impression est renforcée par les rythmiques tribales. Leur musique est difficilement définissable mais s'il fallait tenter de le faire, dire que c'est un mélange de musique traditionnelle africaine, japonaise, agrémentée de rock et math-rock serait une petite partie de la vérité. Même si l'on ne saurait décrire ce qu'elles nous livrent, les spectateurs semblent unanimes : OOIOO nous ont proposé un set d'une cinquantaine de minutes sans silence, sans interaction avec le public mais d'une intensité impressionnante. Elles sont acclamées et tous sont à point pour accueillir le clou du spectacle : The Fall.

Si Mark E. Smith est un spectacle à lui tout seul, l'ambiance est à son paroxysme lors de l'entrée sur scène du énième line-up du groupe.
Début grandiloquent avec un visuel où l'on aperçoit notamment Jacques Brel. L'ambiance est posée et les musiciens font leur apparition, lançant une longue introduction instrumentale en attendant l'arrivée de la terreur Smith. Paraît-il qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre avec le papy du post-punk mais force est de constater que, ce soir, il est en forme.
Il braille de sa voix nasillarde, parcourt la scène de long en large, dérègle les amplis, appuie sur le clavier, fait tomber les cymbales mais les musiciens restent imperturbables, semblant avoir pris l'habitude de ses frasques. Encore une fois, un point noir lorsque vient le moment où certains spectateurs se décident à slamer : manu militari, le service de sécurité les éjecte plus loin sous les huées et réitère un peu plus tard. Smith décide donc d'assurer lui-même le service d'ordre et la fougue se fait plus importante encore. On essaie de mettre de côté ce bémol pour profiter pleinement d'un concert sans aucune ombre. Même si Mark E. n'en fait qu'à sa tête, le show est carré, puissant et le post-punk de The Fall est toujours aussi impressionnant. Les spectateurs sont tous ravis et nous sortons de cette soirée bien plus enthousiastes que nous l'étions le vendredi précédent.

Reste pour la prochaine édition à garder le cap de la programmation tout en améliorant l'organisation et nous pourrons enfin être totalement satisfait de la Villette Sonique !