Flotation Toy Warning

Un dimanche soir au Café de la Danse... Les spectateurs se pressent jusqu'au milieu de la rue de Lappe pour accueillir ceux qui, grâce à un seul album sorti en 2004, ont réussi à susciter l'admiration. L'attente est longue et l'impatience palpable. Flotation Toy Warning reviennent en effet pour une tournée alors même qu'aucun nouveau disque n'est annoncé. En plus de se payer ce luxe, ils amènent avec cette annonce une flopée d'amateurs venus acclamer un groupe ayant, pour un premier essai, frôlé la perfection et embrassé la beauté ultime.

Les gradins du Café de la Danse se remplissent bien plus rapidement qu'à l'accoutumée et c'est vers 20h que Maison Neuve, groupe français également signé sur le label bordelais Talitres, arrivent sur scène devant un parterre nombreux massé pour les accueillir. Le trio français entame sans complexe un titre acoustique pour ensuite être rejoint par un quatrième membre qui apportera une touche de saxophone à un ensemble finalement très pop. Lorsque le chanteur décide de délaisser la langue de Shakespeare pour celle de Molière, nous nous focalisons indubitablement sur les paroles et commençons à être de moins en moins indulgents devant un songwriting, il faut le dire, bien peu inspiré.
Le frontman, une grande perche sautillante, est aussi remuant que ses comparses sont statiques. Même si nous essayons d'entrer dans ce qu'ils nous proposent, il y a toujours une fausseté ou une approximation pour rapidement nous remettre les pieds bien ancrés dans le sol. Maison Neuve ont peut-être beaucoup de bonne volonté mais leur pop basique, déjà entendue, n'a rien qui n'ait déjà été fait et refait des centaines de fois. Les fins de morceaux sont souvent bâclées et surtout, le plus dérangeant restent les ratés vocaux sur toutes les fins de phrase... Malgré tout, les spectateurs restent enthousiastes. Aiment-ils vraiment ou sont-ils juste de très bonne humeur et font-ils preuve d'énormément d'indulgence au vu de ce qui risque de se passer plus tard dans la soirée ? Tout ceci restera un mystère. Nous préférons vite oublier ce moment pour nous concentrer sur la raison d'être de cette soirée : le retour magistral de Flotation Toy Warning.



C'est vêtue de noir et arborant un sourire radieux que la ribambelle déboule sur scène sous les hurlements d'un public frôlant la syncope. Il faut dire que Flotation Toy Warning font partie de ces groupes, avec Neutral Milk Hotel en chef de file, qui, malgré une discographie très pauvre, ont réussi à créer une sorte de religion, un culte à leur nom par la beauté et la majestuosité de leurs créations. C'est avec l'impeccable Bluffer's Guide To The Flight Desk , sorti en 2004, que les Anglais avaient montré au monde combien la méticulosité, mêlée au talent ou à la dextérité, pouvait enfanter de trésors pop enchanteurs. Depuis six ans, malgré l'insistance d'un noyau de fans affamés, Paul Carter et sa bande n'ont pourtant jamais remis le couvert. Préférant se ressourcer dans les plaisirs simples de la vie, ils avaient quitté le devant de la scène, sans jamais toutefois totalement oublié la musique. Après un nouveau single paru il y a peu, ils annonçaient une nouvelle tournée avant même de confirmer un deuxième opus.

Les mains moites, nous vivons les premières minutes de ce concert en retenant notre souffle, espérant que la magie subsiste. Dès l'entame, les harmonies vocales font contraste avec ce que nous avions pu entendre précédemment. Chez Flotation Toy Warning, tout est d'une précision chirurgicale et cela s'entend. L'instrumentation riche et étoffée prend vite un côté théâtral, contrebalancé par la voix étonnante de Paul Carter qui s'essaie même à l'opéra. Des samples et des bandes sonores accompagnent chaque morceau. Avec eux, c'est comme si nous nous rendions chez le diamantaire le plus estimé pour faire tailler la pierre précieuse la plus pure : outre l'inspiration, Flotation Toy Warning délivrent leurs compositions d'une main de maître, sans jamais flancher. On pourrait écrire des pages et des pages sur leur musique en énumérant l'intensité mise sur chaque titre, le soin apporté à chacun des instruments, les chœurs distribués avec parcimonie, l'humilité dont fait preuve le groupe ce soir et le bonheur qui transpire des sept membres mais, finalement, ce qui ressort surtout de cette soirée, c'est la beauté des chansons, leur délicatesse et surtout, le plaisir qu'elles nous procurent.



« A quand le prochain album ? » demande un spectateur avant le rappel. « We don't know, maybe one day » lui répond malicieusement Carter. Voilà, le point est posé : l'intemporalité, maître mot de Flotation Toy Warning.