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WU LYF

Paris, Cigale - 2 novembre 2011

Live-report par Amandine

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Pour ce soir d’ouverture du festival Les Inrocks Black XS édition 2011, l’affiche de La Cigale promettait, avec les talentueux WU LYF, de démarrer sur les chapeaux de roue. Cette année encore, une armada de groupes se succèdera pendant six soirs, avec la promesse d’accueillir les artistes les plus créatifs, mais aussi les plus enviés de la scène actuelle.

A l’entrée de la salle, un peu avant 19h, la désormais traditionnelle ronde des revendeurs de billets bat son plein, au grand désespoir des passionnés de musique en mal de places, qui voient s’envoler la promesse d’une acquisition du sésame sans y laisser les plumes et ne permettant ainsi pas de remplir les poches de ces rapaces sans scrupules. On croise également quelques membres de la LYF venus, masqués de leur précieux foulard blanc, récupérer leur place pour un euro symbolique, comme le prévoyait le groupe lors de l’adhésion initiale.
Passées les barrières, il faut encore faire face à une énième sensation désagréable : on voit se déployer la multitude d’offres publicitaires qui va désormais de paire avec le Festival des Inrocks ; de compilations en échantillons de parfum, ce sont les bras chargés que les spectateurs entrent enfin dans la chaleureuse salle de La Cigale.

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Fidèles à leurs habitudes, les programmateurs ne perdent pas une minute sur l’horaire prévu et c’est donc à 19h précises qu’entre sur scène Owlle et son batteur Richard. La rousse flamboyante aux airs de Florence Welch (Florence And The Machine), perchée sur des chaussures pailletées à semelles compensées, semble à peine remarquer combien le public est clairsemé.
Pendant une trentaine de minutes, ils vont tous deux nous délivrer une électro-pop certes efficace, mais tout de même très formatée. C’est dansant, la voix est agréable et toujours impeccablement posée, mais l’impression d’avoir déjà entendu des titres similaires à foison ces derniers mois ne nous quittera jamais. Très, peut-être trop, actuel, on se contentera d’avoir passé un agréable moment, sans toutefois en ressortir transcendé. Juste le temps de saluer les nombreuses têtes connues présentes ce soir et voilà que le groupe suivant est déjà prêt à se lancer.

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Il y a quelques mois, on avait découvert Concrete Knives sur la scène de la Flèche d’Or et pensé que la fraîcheur de leurs pop songs avait quelque chose d’entraînant mais qu’il leur manquait encore toutefois un je-ne-sais-quoi qui réussirait à faire décoller leurs compositions. Il faut croire qu’ils ont depuis réussi à combler ce petit manque car leur prestation de ce soir n’aura rien d’une mise en bouche de début de soirée. Bien décidés à faire bouger le public parisien, ils déploient une énergie sans borne. Leur son, directement venu des 80's, résonne dans les têtes pour parvenir jusqu’à nos pieds qui n’ont de cesse de taper en rythme. Inutile d’essayer de ne pas danser, avec des titres pareils, c’est impossible !
La chanteuse et son look rétro vont tout faire pour faire décoller l’ambiance ; elle se lancera même dans un slam magistral. Elle serre des mains, caresse des joues mais surtout, elle déclame ses textes avec une fureur incontrôlable. Il n’est que 20h30, le concert vient de s’achever et pourtant, nous avons déjà besoin de prendre l’air et de boire une bière tant nous nous sommes pris au jeu.

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La suite sera quant à elle un peu moins percutante. La Femme officie aussi dans le registre kitsch 80s. Le groupe a des adeptes, toujours plus nombreux, et pourtant, une fois encore, c’est un ennui mêlé à un agacement qui s’empareront de nous au fil des minutes. La Femme représentent à eux seuls le cliché de la boboïsation de la musique et ce soir, ils pousseront la chose jusqu’à son paroxysme en faisant monter sur scène des personnes encapuchonnées, déguisée, eux-mêmes portant un costume de scène ridicule. Préférant regarder du bar, une partie du public, arrivée depuis peu, semble se demander si c’est bien WU LYF qui prendra la relève tant le contraste est saisissant. Musicalement fade et scéniquement poussif, nous préférerons ne pas nous attarder sur la formation française et recharger nos batteries pour le clou de la soirée.

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Il faudra attendre 22h et l’entracte de Rover venu pousser quelques chansonnettes accompagné de sa guitare, pour qu’enfin, les quatre caïds de Manchester daignent montrer le bout de leur nez.
Comme nous avons eu l’occasion de le constater lors d’une rencontre un peu plus tôt dans l’après-midi, les membres de WU LYF sont très loin du fantasme dans lequel beaucoup les avaient dépeints il y a quelques mois, à savoir de mystérieux manipulateurs de la presse brassant beaucoup d’air pour pas grand-chose. A contrario, voici face à nous quatre gamins bercés d’idéaux, qui ont envie de faire la musique qu’ils aiment et qui ne se préoccupent que très peu de ce que les journalistes et autres critiques acerbes pourraient bien en dire. Soucieux de satisfaire un public venu nombreux, ils vont ce soir aller chercher très loin pour livrer un set à leur image : honnête, énergique, bouleversant.
Frêles, les visages poupons, ce sont de jeunes adultes tout juste sortis de l’adolescence qui se présentent à nous. Ellery Roberts, affublé de sa désormais traditionnelle veste en jean à l’effigie de la LYF, salue brièvement le public et se place derrière son clavier.
Lorsque résonnent les premières notes d’orgue de L Y F, titre d’entame de l’album Go Tell Fire To The Mountain , une énergie particulière commence à se diffuser sur La Cigale. La salle, pleine comme un œuf, se met alors en ébullition et pendant une heure, nous n’aurons droit à aucun temps mort, aucun moment de répit. En l’espace de quelques minutes, nos craintes d’être déçus s’envolent en même temps que la température qui atteint des sommets. Les spectateurs de la fosse ne forment plus qu’un et bougent à l’unisson. Nos pieds ne touchent pratiquement plus terre et nous nous laissons porter par la vague humaine. Le plancher vibre, la basse résonne ; nous étions prévenus : on n’assiste pas passivement à un concert de WU LYF.
Le chant si particulier d’Ellery est plus puissant que jamais, et sa voix caverneuse nous emmène dans un drôle de monde où l’enfance côtoie la rudesse et la noirceur d’un environnement qu’ils aimeraient voir changer. Pris d’une fureur naïve, les spectateurs se laissent transporter dans une sorte de communion. Retour à une adolescence décomplexée, on oublie pendant une heure notre quotidien et on se prend à vouloir changer le monde, à lui imposer nos idéaux. Pas besoin de longs discours de la part des musiciens pour nous y mener, juste l’intensité qu’ils mettent dans leur musique. Une reprise de Chris Isaak et un final époustouflant sur We Bros plus tard et les lumières se rallument déjà. On ressort hagard, ne comprenant pas très bien ce qui vient de nous arriver. Quatre gamins qui viennent de nous mettre une claque monumentale, sans prétention, juste avec leurs tripes.

On aura beau dire que WU LYF est un groupe pour hipsters, ce soir, ils ont scellé leur destin en nous proposant une prestation épique.