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Patrick Wolf

Paris, Maroquinerie - 7 novembre 2011

Live-report par Julien Soullière

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Lorsque je pénètre dans les entrailles de la Maroquinerie, à quasiment 21h, la salle est déjà copieusement remplie, et rien, ni sur scène, ni sur les visages, ne me permets de savoir si une première partie a déjà fait son œuvre. Le regard affuté, tel un kitesurfer scrutant l’horizon, à la recherche du spot dont il n’a cesse de rêver, je me mets en quête de mon petit bout de paradis. Ça y est, là, à gauche de la console. Ni une ni deux, je me glisse jusqu’à l’endroit ainsi repéré, y dépose mon sac et ma lourde veste, et me laisse finalement tomber sur les rambardes séparant les flancs extérieurs d’une fosse noire de monde.

De part et d’autre de la salle, des hommes, des femmes, et des bonnes âmes qui, comme le maître de cérémonie d’ailleurs, tiennent un peu des deux. Heureux, je dénombre une majorité de demoiselles dans l’assistance; mais ce qui s’apparente à une certaine idée de la situation parfaite, cache, en réalité, une double et dure réalité. D’une part parce qu’il est plus question de jeunes filles que de jeunes femmes; d’autre part parce qu’au vu de la typologie du public de ce soir, il y a pour ainsi dire peu de chance que le concert auquel je suis sur le point d’assister me procure ce que j’aime à ressentir en règle générale.
Ce fait énoncé, mon regard se porte vers le fond de la scène, et vers l’imposante voilure placardée à même le mur. Sur cette dernière, des graffitis, blancs et enfantins, comme autant d’éléments d’un paysage plongé dans les ombres de la nuit. Le genre de tableau que l’on aime à regarder, même si, entre le bric-à-brac qui envahit la scène, et le va-et-vient interminable - à croire que le set de Patrick Wolf ne débutera jamais - des roadies, la vision que l’on a de la chose ne peut qu’être partielle.

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Toujours rien. Mes jambes sont fatiguées de ne rien faire, et je me décide bientôt à faire quelques pas dans le but de dégourdir ces dernières. Je ne suis pas sorti de la salle que deux énergumènes font leur entrée dans l’arène, dévoilant d’un geste rapide les maisonnettes montées sur pilotis et jusque là drapées de noir, situées aux deux extrémités de la scène. Le public exulte, reconnaissant en cet état de fait le signe qu’il attendait depuis de longues et terribles minutes maintenant.
Il ne suffira pas de bien longtemps, en effet, pour qu’apparaisse enfin Patrick Wolf, devancé d’à peine quelques secondes par ses cinq musiciens ; deux jeunes femmes, préposées au violon et aux cuivres, et trois messieurs, pour se charger de la batterie, de la basse et des claviers.

Vêtu d’un pantalon sombre et moulant, et d’une veste rouge d’inspiration militaire, l’auteur fantasque de The Magic Position semble perdu dans ses pensées : sans un mot, noyé sous les encouragements massifs de ses fans, le bonhomme se dirige vers son micro, l’empoigne, et démarre son set sur une note des plus intimistes, au travers d’un morceau faisant la part belle à sa voix puissante et juste.
Cette voix, c’est vrai, a de quoi faire des envieux. Pour autant, loin de se reposer sur ce seul attribut, le jeune multi-instrumentaliste - violon, piano, harpe, guitare, ukulélé et j’en passe – va surtout s’atteler à servir un set carré, efficace et sans temps morts, nourri par le soutien sans faille d’un public qui ne sacrifiera jamais sa ferveur au profit du ras-le-bol ou la fatigue.

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Des « Patrick ! » inlassablement scandés aux sifflements enragés, en passant par les hurlements lupins de rigueur (utilisés jusqu’à l’écœurement), la Maroquinerie donne de sa personne. Alors oui, on pourra longtemps parler musique, mais l’ambiance, elle, est ce soir indiscutable.
A bien y réfléchir, on peut quand même regretter (du moins, c’est comme ça que je me représente les choses) de voir le set basculer, parfois, dans le mauvais goût et la surenchère ; comme lors de ce premier rappel, où Patrick Wolf, vêtu pour l’occasion d’une sorte de pyjama jaune à paillettes, se lance dans un exercice on ne peut plus putassier, fait de courbettes, de baisemains, et autres initiatives un peu too-much (du genre, je descends dans la fausse pour me frotter à qui le veut bien, soit a peu près tout le monde). Ou comment Wolf l’artiste s’efface derrière Wolf l’icône gay, une sorte de double maléfique, et forcément caricatural. Heureusement, le deuxième rappel, qui verra le bonhomme renouer avec la finesse, fera passer les plus coriaces des amertumes.

De Tristan à Time Of My Life en passant par Get Lost et The Days, Patrick Wolf aura fait, ce soir, le tour de sa discographie, avec un amour sans bornes. Pour la musique bien sûr, mais aussi pour son public. Comment, dès lors, passer une mauvaise soirée?