Retour au Nouveau Casino. La dernière fois que j’y ai mis les pieds, c’était cet été, au début du mois de juillet, et j’ai bien cru que j’allais y laisser ma peau, la faute à une chaleur tout simplement incroyable. Il a beau faire plus doux dans les rues de Paris, mois de Novembre oblige, cette salle semble ne connaître aucun maître, et les chaudes éruptions perdurent, inébranlables, invincibles. Assoiffés en arrivant, on ne le sera que plus encore, pour le plus grand bonheur de la caisse enregistreuse.

Ce soir, The Antlers jouent à guichet fermé, et l’endroit, au demeurant assez vide, ne va pas tarder à copieusement se remplir, de jeunes femmes notamment. Ce n’est pas la première fois que Dry The River sont de passage dans la capitale (il y a récemment eu le Festival Les Inrocks Black XS), mais difficile de mesurer, à l’écoute des conversations qui naissent et meurent ici et là, quelle est leur véritable côté de popularité. Pas grave, car comme à chaque fois, les petits gars vont faire leur œuvre, et comme à chaque fois, ils vont faire trembler les cœurs, les cages thoraciques aussi, et tout le reste avec. Ils sont comme ça, ils vous retournent complètement, surtout en live, avec le gros son et les effets de lumière qui vont bien, et dès l’instant où le concert débute, tous ceux qui le sont déjà vus vous le diront, c’est déjà trop tard. Vous êtes et restez happé. Mieux vaut ne pas avoir de verre à la main, parce que les accidents, ça arrive vite.
Je termine ma bière, et hésite à en commander une autre. Et puis finalement, le groupe fait son entrée, fidèle à lui-même, sans trop causer donc, et accompagné de ce bassiste qui ressemble un peu au gars de Sons Of Anarchy, vous savez, le bon pote du héros, là, celui qui perd sa femme au début du show. Enfin, bref, ils sont maintenant sur scène, et leurs instruments à peine agrippés, les voilà qui dégainent le somptueux
No Rest, comme pour mieux mettre à genoux celles et ceux qu’il restait encore à convaincre. Un seul morceau, tant d’éléments caractéristiques d’une jeune formation que l’on n’aura bientôt plus besoin, je l’espère, de présenter : une voix puissante, des mélodies ravageuses, une fragilité toujours rattrapée, mais jamais éludée, par la férocité des instruments. La mise en bouche est délicieuse, quoique pas pour mes oreilles, ayant eu la bonne idée de me planter sous les monstrueuses enceintes dont la salle est dotée.

Quatre titres, dont
Demons, c’est peu, et c’est foutrement frustrant. Le vent, je l’ai senti tourner au moment où le groupe a annoncé qu’il allait jouer
Lion's Den, morceau dont l’une des principales fonctions est de venir clôturer les sets de la formation dans un véritable feu d’artifice sonore. Je me suis dit que c’était une blague, qu’ils avaient peut-être changé leurs habitudes, que, non, c’est impossible, je n’avais pas pu passer à côté de quelque chose. Alors oui, ils ont eu du retard, mais quatre titres à peine (moi qui pensais entendre à
Family Tree), c’est quasiment un crime contre l’humanité. Contre moi en tout cas. L’ironie de la chose, c’est qu’il n’en fallait certainement pas plus pour que le groupe mette d’accord les uns et les autres sur son talent.
Déçu, mais heureux d’avoir pu voir la bonne bouille des Dry The River une fois encore, je me dirige vers le bar, tête baissée. Je commande un verre, tête baissée. C’est d’assez loin que je vois The Antlers faire leur arrivée ; je prends une bonne rasade, une deuxième, et tends l’oreille.