Placebo

Que les choses soient dites dès le début : ce concert privé de Placebo était effectivement placé sous le signe du nom d'A Rock et d'une grande marque allemande d'automobiles, Mercedes-Benz. Et qui dit grosse industrie dit gros budget, dit champagne open bar, dit invités VIP et horde de cols blancs brandissant fièrement leur pass-concert. Hors de question donc d'y trouver le public habituel constitué de fans et amateurs rassemblés dans une salle de concert par un goût commun pour la musique. Ce soir, le public fait plutôt banquise, tant au niveau enthousiasme pour la culture qu'au niveau vestimentaire. Bienvenue dans un monde de pingouins.

Maintenant, parlons musique. Placebo ont sorti en 2009 leur dernier album, Battle For The Sun, fièrement autofinancé par le propre label du groupe, Dreambrother, dont les accents hard-pop plus enthousiasmants que les sombres titres du Meds précédent n'ont pas encore totalement convaincu les plus sceptiques que Placebo pouvait renaître de ses cendres après les quelques passages à vide de la dernière décennie.



Bien que déjà jouées à plusieurs reprises depuis leur sortie, on attendait avec fébrilité une belle performance live quant à leurs dernières chansons. Celle-ci démarre fort avec Kitty Litter, tout en batterie puissante et grosses guitares, dont celle de Brian Molko, fidèle à la même depuis des années. "I need a change of skin" disent les paroles de cette première chanson, comme la confirmation d'un renouveau. La plupart des titres joués à cette occasion sont issus de Battle For The Sun dont le nouveau regain d'énergie avait rassuré les fans à sa sortie. On y trouve effectivement un Brian à la voix plus affirmée, plus franche et de nouveaux arrangements tout aussi clairs et épurés, colorés de cordes et cuivres qui viennent réchauffer des refrains restants bien en tête, tel qu'un Ashtray Heart aux grands accroches c(h)œurs. Le refrain en espagnol de ce titre (Corazon cenicero !) réchauffe d'ailleurs mon cœur d'hispanophone. Gracias, muchachos ! <

Quelques touches des plus anciens albums viennent émailler ce set d'un bel éclat nostalgique. L'adhésion du public est à son apogée lorsqu'ils reprennent Black Eyed, Taste In Men et Special K du troisième (Black Market Music), Bitter End du quatrième (Sleeping With Ghosts) et Nancy Boy du premier (Placebo). Du second opus, Without You I'm Nothing, on retrouve avec émotion Every You Every Me et, surtout, la chanson éponyme de l'album, dont on se souvient encore du duo réalisé en single avec David Bowie ! A contrario, très peu de titres issus de Meds, ce à quoi l'on s'attendait un peu.



La performance est donc à la hauteur de nos espérances, même si l'on regrette que Brian ne parle pas plus entre les morceaux comme il en avait l'habitude. Gageons que l'aspect commercial de ce concert privé y est pour quelque chose, qu'il ne perdra pas contact avec son public par la suite et continuera à nous parler de son sujet de prédilection : l'Amour, l'Amour et encore l'Amour ! Quant à lui, Stefan Olsdal possède toujours un sex-appeal du tonnerre et ses ondulations frénétiques en font pâlir plus d'un et d'une dans la salle. Les lumières soignées y contribuent également, créant l'atmosphère sulfureuse dont le groupe fut autrefois auréolé.

Après un détour par l'introversion, un retour à une sensualité plus affirmée, plus lumineuse ? On l'espère, et pour longtemps encore. À l'instar de celui-ci, il est donc conseillé de déguster les prochains concerts de Placebo comme le champagne open bar pour ce concert privé : sans modération.