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Cheek Mountain Thief

Paris, Point Éphémère - 14 septembre 2012

Live-report par Edina Tymp

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L'avantage d'un concert au Point Ephémère, c'est qu'il est toujours possible de se mettre dans de bonnes conditions avant la soirée, par exemple en dégustant un Kébab (sauce Samouraï) au bord du canal Saint-Martin, avant de se mêler aux aficionados de musique folk, particulièrement chouchoutés avec le plateau de ce vendredi soir. De la chemise à carreaux et de la barbe de trois ans, chic alors ! Remarquez, tout cela est bien moins bruyant que les pré-ados-fluo de la techno parade ou les vieux communistes de la Fête de l'Humanité.

Deux formations se partagent la première partie. Minor Sailor se présente en premier, uniquement accompagné de sa guitare électro-acoustique, d'un mini clavier et de ses lunettes Harry Potter, pour un concert tout en finesse et pudibonderie. Tout est décortiqué dans la musique de ce parisien, les respirations font partie intégrante des morceaux, avec des jeux de voix en échos et fondus. La scénographie est plaisamment travaillée dans le même sens, avec au fond de la scène des diapositives brumeuses et évocatrices de forêt et de vacances au bord d'un lac dans les années 60s. Le truc avec les folkeux, c'est qu'on les croit inoffensifs, alors qu'ils font littéralement fondre tout le monde avec leurs petites trouvailles et bidouilles de geeks des cabanes. On ne peut que remercier Minor Sailor de nous avoir convié dans son boudoir, jusqu'à se sentir vraiment privilégiés.

Dans la foulée, les cinq membres de Lucky Lindy vont mettre un peu de piment dans l'auditoire de la salle. Le Groupe empreinte son nom au fameux aviateur Charles Lindbergh, surnommé Lucky Lindy, l'As de la traversée sans escale et en solitaire transatlantique. Est-ce que tout est dit ? Pas exactement. Lucky Lindy développent un folk-rock mélancolique et puissant, comme un pied de nez à la Pan American World Airways, muni de riffs terriens et acerbes. On peut cependant voir l'évocation aérienne dans The Greatest Aviator. Leurs introductions sont la plupart du temps calmes voire inquiétantes, ce que Land Gold illustre parfaitement, avant que les musiciens ne se lâchent. Chez Lucky Lindy, le violoniste tient une place charnière dans la construction des morceaux, et à l'image de Mirror Mirror, ce dernier sort une petite surprise de son chapeau avec un thérémine, l'instrument dont on joue sans s'en saisir. Incroyable mais folk.

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Vers 22h00, débarquent alors Cheek mountain Thief, lesquels blaguaient gentiment devant la salle sans trac apparent quelques minutes auparavant. Mike Lindsay (une fois encore, un homme à chemise à carreaux), membre du groupe Tuung, en grand chantre de la soirée, va au fil des minutes nous introduire chaque chanson, chaque ambiance, un véritable making off de l'album en live : le père castor des Cheek Mountain Thief est d'humeur généreuse.
Ce soir, il est accompagné de sept poissons islandais multi-instrumentistes péchés au nord du pays lors de sa retraite solo. Arrivés sur scène les uns à la suite des autres, ils installent l'ambiance avec des bruits de clefs, des voix lointaines et d'incroyables trouvailles sonores sur Nothing. Puis quelques pizzicati au violon, des mélodies surgissant de tous les côtés de la scène qui s'entrelacent sur Spirit Fight. La candeur du chanteur devant les paysages islandais s'illustre certainement par le xylophone utilisé dans de nombreux morceaux, joué par un claviériste semblant être le plus gai-luron de l'équipée sauvage de Lindsay.

On ne pourra pas enlever à ces musiciens leur sens de la mélodie et de la mise en en scène, le public est chauffé à blanc et ne boude pas son plaisir. Le tableau dépeint sur cet opus se suffit à lui-même, on ressent l'envie de Mike Lindsay de s'amuser à travers l'utilisation de maracas et les si fédérateurs clappements de mains. L'esprit enfantin de cette nouvelle fratrie de circonstance ne peut qu'attendrir. Le chanteur nous explique alors que le batteur lui a été présenté comme étant le troisième meilleur batteur de l'Islande, l'anecdote prête à sourire mais on ne doit pas être si éloigné de la vérité tant son jeu est puissant et précis, contrastant largement avec l'ensemble bucoliquo-folklorique du concert.

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Pour Showdown, Mike Lindsay et le batteur se répondent, l'un juché derrière sa grosse caisse avec une voix d'Outre-tombe qui n'est pas sans rappeler les échos angoissants de Pink Floyd, et le second fanfaronnant à l'avant de la scène. Parfois le set prend des airs de grande chorale à la Arcade Fire, le nombre aidant, à grand renfort de trompette.

Quelques morceaux avant la fin du concert, le monsieur loyal à barbe nous présente les membres du groupe, ces derniers nous jetant à peine un regard, la fameuse pondération islandaise ! Le concert touche à sa fin après une heure de spectacle, sur un chant collégial aux airs Wagneriens. Ça sent le gros sel et les marins, on entraperçoit la cabane du sanctuaire de Mike Lindsay : ce soir, la vibrante et immémoriale aura de Cheek Mountain Thief aura clairement eu des vertus créatrices.