Hey, vous ! N’écoutez pas tout ce qu’on vous dit, mais écoutez plutôt ceci. Ceci est le son monstrueux ; le son le plus cinglé aux alentours depuis 32 ans, alors, vous feriez mieux de commencer à vous remuer et à bouger vos pieds sur le son de... Madness !
Irrévocablement, irrémédiablement, les Nutty Boys de Camden, quartier de Londres où, fin 70, évoluaient les classes les plus populaires et les artistes les plus démunis, démarrent toutes leurs prestations avec cette introduction d’un titre, rentré dans l’histoire du rock,
One Step Beyond. À plus de soxiante ans pour certains des musiciens, ils dansent et chahutent entre eux comme des sales gosses des faubourgs de Londres, trente-deux ans après leurs débuts ! Ce soir ne déroge pas à la règle et nous assistons à un showcase qui restera sûrement dans les annales des concerts intimistes au même titre que celui de leurs grands frères des Rolling Stones jouant pour un happy few au Trabendo, il y dix jours.

Après avoir assuré l’enregistrement d’un Taratata qui s’annonce grandiose, la veille au soir, Chas, Suggs, Lee, Woody, Chris, Mark et les autres sortent à peine d’une journée promo marathon dans l’hôtel particulier prestigieux d’un opérateur téléphonique situé juste au-dessus et envahissent – à neuf sur dix mètres carrés, on peut parler d’invasion ! – la scène de la minuscule salle du studio SFR Live à 20h30 pétantes. Un moment lancé par l’animateur Dom Kiris de la radio Ouï FM, partenaire et diffuseur du live de ce soir. Dans des costumes parfaitement coupés, devant l’empreinte à damiers deux tons et avec une programmation si rodée qu’une partie de l’assistance, fidèle parmi les fidèles, sait quels titres seront joués à la minute prés, Madness concoctent un menu parfait.
Un établissement anglais comme il ne s’en trouve plus beaucoup et dont le logo est une couronne à cinq étoiles recouvrant un M comme... Madness. Ce soir, Chas et Suggs proposent des entrées historiques et jamais démodées avec
One Step Beyond,
The Prince ou encore
Embarrassement, des plats de résistance, tout juste rajoutés à la carte du dernier album sorti la veille,
Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da, tels que
My Girl 2 ou
Death Of A Rude Boy, et un chariot de desserts tous aussi moelleux qu’un Baba au Rhum de chez Jean Pierre Cohier, situé non loin de là et constitué d’un
Our House indémodable puis d'un
Madness inratable. Alors que les dents du fond ne sont pas loin de baigner, ils achèvent le fin gourmet avec un pousse café de haute volée via
Night Boat To Cairo dans un final des sens, en apothéose.

Pendant soixante minutes montre en main, imposées par la salle, la brigade du Ska fait virevolter, sauter et, finalement, caraméliser une assistance - acquise à sa cause, il est vrai - qui, comme à la sortie de chez Pierre Gagnaire ou Paul Bocuse, rechigne à partir avant d’avoir pu sereinement photographier et mémoriser le souvenir d’un moment qui ne peut être que rare pour rester précieux.
Depuis leur passage à Rock en Seine en 2009 et leur incroyable double concert, Madness réussissent, en France, un retour au sommet de leur art. Ils le savent : si tu ne vas pas à la mode, la mode viendra, à coup sûr, à toi !