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Madness

Interview publiée par Olivier Kalousdian le 29 novembre 2012

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Il y a des légendes du rock qui, après cinquante ans de carrière, assurent des tournées pour plusieurs dizaines de millions de Dollars et endossent, imperturbables, des bagues à têtes de mort serties de diamants comme le statut de demi-dieux. D’autres qui, avec des rémunérations sûrement équivalentes mais un âge moins canonique, sont nées dans la révolte intellectuelle et fondent des œuvres de charité et prônent la paix dans le monde, des priorités politisées. Et puis, il y celles qui, depuis la fin des années 70 et malgré trente-trois ans de carrière, sont restés les sales gamins du nord de Londres, cabots et vanneurs, capables de grimper aux tringles de Rock en Seine pour un solo de saxophone la tête en bas comme d’exécuter, d’affilée, deux sets, l’un après l’autre, pour palier la séparation soudaine d’Oasis.

Sept têtes de lads qui ont grandi et évolué ensemble (à quelques séparations près) et sont passés du statut de défricheurs d’un style alors souterrain, le Ska, à celui de locomotive nationale musicale, made in Britain. Partie intégrante de l’histoire d’Angleterre et de celle du peuple anglais, au sens premier, Madness ont imposé un son, un pas de danse, une mode vestimentaire et une amitié qui, indépendamment des tensions obligatoires et même salvatrices entre sept grandes gueules, perdurent encore aujourd’hui. Ce disque, dixième du nom, que la critique, unanime depuis sa sortie, guettait impatiemment : Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da.

Suggs, Chas, Mike et les autres dorment encore. Daniel Woodgate, alias Woody, avec sa tête d’adolescent éternel semblant tout droit sortie d’un cartoon et Lee Thompson, avec sa bonhomie de tueur à gages, assurent l’après-midi de promotion, installés confortablement dans le luxueux hôtel particulier du Studio SFR à Paris. C’est parti pour un entretien fleuve, un des plus joyeux qu’il nous ait été donné de recevoir !

Vous voilà de retour en France ! Après plus de trente-trois ans de carrière, vous allez jouer devant un parterre de chanceux Parisiens ce soir au studio SFR. Ressentez-vous toujours la même excitation qu’au début de votre histoire ?

Woody : Je me sens bien plus en confiance aujourd’hui ! Et je pense que j’apprécie nos concerts bien plus aujourd’hui qu’au début de notre carrière. Pendant longtemps, je me suis senti comme un lapin qui se retrouve, malgré lui, sur une route très fréquentée et qui, aveuglé par les phares des voitures incessantes, ne sait où aller pour y échapper ! Nos premières années, tout est parfois allé si vite que nous avions du mal à réaliser où nous étions et ce qui nous arrivait. En tant que musiciens, nous nous sentons bien mieux dans notre peau, aujourd’hui...

Cela vous fait quel effet de voir les enfants de vos amis et, peut-être, les enfants des enfants de vos amis, danser et chanter sur vos chansons ?

Lee : Ça me transporte ! Ça me met en lévitation ! Je me faisais la remarque l’autre soir pendant un concert ; il y avait là des grands-parents, de notre âge, les enfants et même les petits enfants sur les épaules de leurs parents, dansant sur nos titres. C’était jouissif.
Woody (s’adressant à Lee) : Dans ton cas, c’est toi qui serais sur les épaules de tes enfants (rires) !

L’hiver dernier, Baxter Dury nous racontait comment, lors des funérailles de son père, vous aviez porté son cercueil et chanté avec lui lors de la cérémonie. Ian Dury a toujours cru en vous, quels étaient les artistes qui vous entouraient et qui vous ont aidés au départ ?

Woody : Nous avons eu la chance de démarrer sur Stiff Records et des tas d’artistes talentueux faisaient parti de ce label. Nous étions comme une famille à cette époque. Ian Dury, Elvis Costello, Lena Lovitch... Mais, pour être honnête, quand ça a commencé à marcher pour nous, nous étions vraiment proches des Specials et des Selecter. Sûrement parce que c’est avec eux que nous avons fait notre première tournée. Et, pour nous, ils étaient comme des exemples à suivre. Rencontrer Ian Dury ou Elvis Costello, c’était comme rencontrer des mentors. C’était très intimidant au début. Les années passant, nous avons appris à les connaître et ils n’étaient plus des mentors mais des amis, tout simplement. C’était une époque géniale. Il y avait ce programme TV qui s’appelait Top Of The Pops et auquel nous avons très souvent participé. Des tas d’artistes se produisaient sur ce plateau, tous les plus grands noms du rock de l’époque. Nous avons eu la chance de partir en tournée avec The Police, de faire un concert avec David Bowie aux États-Unis et, petit à petit, de connaître tous les plus grands. Après plus de trente ans de carrière, tu a rencontré à peu près tous les artistes rock de la planète. Certains sont encore vivants, d’autres sont partis... et nous, nous sommes encore là !

Nous avons traversé tellement de périodes musicales, tellement de générations, de festivals... et les gens continuent de nous aimer à travers notre musique.

Cette année, vous avez joué aux Jeux Olympiques, au Jubilé de la Reine... On peut dire que vous faites partie de l’histoire Anglaise maintenant. Quel destin quand on analyse votre début de carrière et là d’où vous venez !

Woody : Qui aurait pu croire que sept petits chiffonniers du nord de Londres seraient encore là, trente-trois ans après ?
Lee : Tu l’as dit ! Quelques années en arrière, si nous avions tenté de pénétrer dans le Palais de Buckingham par une porte dérobée, nous nous serions faits jeter du toit la tête la première par le service d’ordre de la Reine !
Woody : Sans fausse modestie, nous avons traversé tellement de périodes musicales, tellement de générations, de festivals... et les gens continuent de nous aimer à travers notre musique. Si tu veux quelque chose de réellement British, encore aujourd’hui, tu convoques Madness ! La Reine elle-même s’en est rendu compte, elle voulait des groupes qui représentent au mieux l’Angleterre et elle a fait appel à nous. Notre absence à son Jubilé aurait été vécue comme une faute (rires).

Lequel d’entre vous a demandé à la Reine ses tickets pour la finale de football des Jeux Olympiques, prétextant qu’elle ne s’y intéressait pas vraiment ?

Woody : Suggs, bien sûr (rires) ! C’est une vieille blague de Tommy Cooper (ndlr : comique troupier et magicien Anglais de l’après-guerre). Un jour, il était devant la Reine et il lui a dit : « Mum, est-ce que vous aimez toujours le football ? ». Et elle de répondre : « Pas particulièrement ». Et lui d'ajouter « Alors, puis-je avoir vos tickets pour la finale ? ». Quand Suggs lui a fait la même demande, elle a ri et s’est souvenue de Tommy Cooper il y a des années. Elle est encore très éveillée !

En 2009, vous avez joué au festival Rock en Seine à Saint-Cloud, près de Paris. Plus tard dans la soirée, sur la scène opposée, Oasis devaient jouer en tête d’affiche de cette journée. On connaît la suite, les frères Gallagher se battent en coulisse et Oasis se séparent en direct. Vous avez accepté de jouer une seconde fois à leur place et, ce soir-là, vous avez conquis le cœur de milliers de jeunes qui ne vous connaissaient peut-être pas très bien. Comment avez-vous vécu cette histoire vu de l’intérieur ?

Lee : Nous sommes montés sur la scène opposée à la leur car ils n’avaient pas voulu que nous jouions, comme c’était prévu, sur la même scène qu’eux. Quelle connerie ! Ils avaient peur que nous les explosions, ce que j’aurais fait les yeux bandés avec mon saxophone porté dans le dos (rires) ! Après être sortis du set, le promoteur arrive en hurlant : « Il va y avoir une révolution les gars si on ne trouve pas une solution rapidement ! Vous voulez bien remonter sur scène ? Sinon, on va avoir droit à une émeute... ». Nous regardions les limousines d’Oasis quitter les lieux à toute vitesse et nous avons compris qu’il y avait un gros problème. Nous nous sommes regardés, nous avons enfilé des fringues propres, et surtout sèches, et, selon moi, nous avons donné un nouveau set, encore meilleur que le premier !
Woody : Il faut remercier le public de ce soir-là. Ils ont été fantastiques avec nous. Je ne vois pas comment les choses auraient pu mieux se passer entre eux et nous. J’ai ressenti énormément d’amour dans ce parc où dansaient des milliers de festivaliers. L’autre jour, j’ai croisé Liam Gallagher aux Jeux Olympiques et il est encore vraiment gêné par ce qui s’est passé ce soir là. Il continue de faire amende honorable, trois ans après. Et j’ai appris que Noël s’était également excusé auprès de nous pour ce qui s’est passé là-bas. C’est un épisode assez honteux pour le public, mais je pense que c’était quasiment inévitable et que les tensions entre Noël et Liam étaient trop fortes pour que cela n’explose pas à un moment donné.

Il n’y a donc plus de problèmes entre Madness et Oasis ?

Woody : Je ne crois pas qu’il y ait jamais eu de problèmes entre nous. Nous nous sommes souvent retrouvés sur les scènes Américaines ou de part le monde et ils ont toujours été charmants. C’est surtout une image qu’ils se donnent quand ils jouent aux durs et aux voyous. Ce sont plutôt des garçons doux.
Lee : Je me rappelle les avoir croisés dans un concert entre Los Angeles et San Diego. Je dormais dans une pièce arrière et je me suis levé pour aller aux toilettes mais Liam était déjà sur le trône. Il y avait un cendrier pas loin, j'ai mis les doigts dedans et, avec les cendres, je me suis peint un énorme sourcil unique partant d’un côté à l’autre de mon front. Sans aucun cheveu sur le caillou, on aurait dit un guerrier Samoa ! Je suis revenu à la porte des toilettes et j’ai attendu qu’il sorte, sans qu’il m’entende. Il a ouvert la porte et, voyant ma tête de fou à quelques centimètres de la sienne, il est tombé quasiment à la renverse et a crié, inquiet. Il a repris ses esprits et m'a jeté ce regard froid de mauvais garçon qui voulait dire : « Je suis Liam Gallagher, il y a un problème ? ». Je lui ai répondu « Hey, je suis Lee ! ». J’étais à deux doigts de lui en coller une (rires).

Hier, votre dixième album est sorti en France. Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da est rempli de surprises comme My Girl 2 ou Death Of A Rude Boy. Cela ressemble à des clins d’oeils aux jours passés, avez-vous voulu rendre hommage à la musique des années 80s en Angleterre ?

Woody : Non. Je ne crois pas. Nous écrivons des chansons parce qu’elles nous font nous sentir bien. Bien sûr, nous avons toujours des influences mais, prioritairement, celle des années 50s, 60s et 70s. Nous ne faisons pas d’exercice passéiste, mais, parfois, ce qui nous rend heureux a un rapport avec le passé. Death Of A Rude Boy, par exemple, est une observation du temps qui passe et du constat de qui tu as pu être par le passé et de qui tu es maintenant. Nous avons tous changé et bougé de nos cotés depuis toutes ces années et, souvent, si tu fais le bilan, tu observes que celui que tu as été par le passé est mort et enterré. C’est de cela que parle Death Of A Rude Boy. En même temps, c’est une référence à un genre de personne à part entière, le Rude Boy (rires) !

J’en suis certain. Notamment après le film de Jack Hazan et David Mingay en 1980, Rude Boy, mais, en France, nous ne sommes pas très familier avec ce terme. Qu’est-ce qu’un Rude Boy ?

Lee : Un Rude Boy est un naughty boy (ndlr : un cinglé). C’est un terme qui vient de la Jamaïque. C’est une sorte d’affranchi qui doit faire ses preuves, illégalement bien sûr, avant d’être accepté comme un gangster.
Woody : Si tu te souviens du titre Rudy des Specials, tu retrouves un peu l’histoire et l’ambiance des Rude Boy. C’est un peu la même chose qu’un Lad, quelqu’un qui a du goût pour les fringues mais qui n’est pas du bon coté de la loi.

My Girl 2 me semble légèrement inspirée par la mélodie d’arrière-plan du Tainted Love de Gloria Jones en 1964. Était-ce délibéré ?

Woody : Vraiment ? Non, je ne pense pas. Lee ?
Lee : Il y a un mois, j’ai entendu My Girl 2 à la radio en Angleterre et l’animateur disait, comme toi, que c’était la version de Tainted Love par Madness. Ça m’a donné envie d’aller pisser ! Oui, il y a le « tchin tchin » de Tainted Love en arrière plan mais la comparaison s’arrête là.
Woody : Je crois que ça énerverait passablement notre claviériste qui a écrit cette chanson d’entendre cela ! Je peux t’assurer que ce n’était sûrement pas son intention, peut-être un acte inconscient ?

Comment autant de producteurs se sont-ils retrouvés impliqués dans ce nouvel album ? Est ce que travailler avec Owen Morris et Sir Peter Blake était une manière de dire que vous étiez définitivement meilleurs qu’Oasis ?

Woody : (rires) Non ! Ces gens ont juste aimé nos chansons. Au moment où nous pensions que nos titres étaient quasiment achevés, nous avons envoyé nos démos à plusieurs producteurs dont Stephen Street et Owen Morris. Ce n’était pas intentionnel, il se trouve qu’ils sont les meilleurs producteurs Anglais à l’heure actuelle. Même Tony Visconti, à qui nous avions envoyé des titres, a aimé notre travail. Mais, après, il y a une question de disponibilité et ceux qui ont accepté ont choisi un titre ou plusieurs qu’ils voulaient produire. Charlie Andrew, un petit jeune avec qui nous avions fait les démos, a produit toutes les autres.
Lee : Les démos que nous avions envoyées à Stephen Street lui semblaient déjà très abouties. Charlie Andrew a fait un très bon travail. Il a réenregistré et amélioré certains de ces titres, bien sûr, mais, sur d’autres, je pense même que les démos étaient peut-être meilleures que les titres finis. Les versions de Charlie sont meilleures ! Dans quelques mois, nous allons sortir la version Deluxe de Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da où figureront les versions de Charlie, non réenregistrées. Elles contiennent plus de voix et je les préfère, sincèrement.
Woody : Cela te montre à quel point nous sommes diversifiés et talentueux dans Madness (rires) !

Votre nouvel album s’appelle Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da. D’où vient ce titre improbable et pourquoi ne trouve-t-on pas de « Yes Yes » dans cette déclamation ?

Woody : C’est une des lignes du titre My Girl 2. Au moment où nous faisions tous des suggestions de titres pour l’album, Mike s’est dit « Et pourquoi pas Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da ? ». Généralement, les membres du groupe approuvent ou désapprouvent ce choix mais là, c’était un plébiscite de la part de tous ceux qui, studio ou pas, ont participé à ce disque. C’est un titre aux accents très positifs, je trouve. Quant à « Yes Yes », cela ne sonne pas aussi bien que dans les autres langues. Le flow n’est pas bon...
Lee : Je crois, en fait, que c’est moi qui ai trouvé « Oui Oui », Mike a trouvé « Si Si», Woody, « Ja Ja », et Suggs, « Da Da » (rires) !

Votre album a d’abord été disponible en téléchargement légal sur Internet. Vous qui avez vécu les années K7, l’arrivée du CD et l’explosion d’Internet, pensez-vous que les réseaux et le téléchargement soient une chance ou une menace pour les artistes ?

Lee : C'est une question difficile celle-là !
Woody : C’est un peu des deux, bien sûr. Prends l’exemple, parmi ceux que je connais, des Artctic Monkeys. Ils ont explosé à travers le monde parce qu’ils ont choisi de mettre en ligne leurs titres et d’accepter d’être piratés, très souvent. Puis, ils sont rentrés dans le moule du business traditionnel et ont fait beaucoup d’argent avec leurs ventes, en ligne et hors-ligne. Ils ont compris qu’il fallait mettre de l’eau dans leur vin et ne pas être trop sévères avec le téléchargement ou le partage, tout en faisant respecter leur travail qui ne peut exister sans coûts et sans rémunérations pour les artistes. C’est ce qu’il doit advenir du futur musical. Internet est une fenêtre fantastique pour s’exposer, mais, ensuite, il convient de respecter le travail des artistes et payer à un moment donné pour l’obtenir. D’une manière utopique, on pourrait se dire qu’un monde parfait donnerait à tout un chacun le droit de télécharger n’importe quoi sans payer et que les artistes n’ont pas besoin d’argent pour vivre ou créer, mais ce n’est pas la réalité. Même si le propos de l’art est d’être libre et gratuit pour tous, au fond...

Vous allez entamer une tournée pour la sortie de Oui Oui, Si Si, Ja Ja, Da Da ?

Woody : Nous avons une longue tournée Britannique de prévue qui démarre dans quelques jours. Nous aimerions beaucoup revenir en France et donner d’autres concerts... quelque chose est en cours de planification à ce sujet mais je ne peux pas t’en dire plus, pour le moment. Ça nous motive vraiment, surtout maintenant que l’Angleterre et la France sont si proches, grâce à l’Eurostar.
Lee : C’est extraordinaire de pouvoir traverser si rapidement, surtout l’été et l’hiver. Tu peux aller à Courchevel, Marseille, Toulouse, Bordeaux...

Ce qui nous motive, c’est la musique qui fait danser. Celle qui nous excite et nous fait remuer.

Vos paroles sont souvent très réalistes, parfois sombres, comme la vie, mais votre musique est constamment joyeuse. C’est cela la marque de fabrique de Madness ?

Woody : Ce qui nous motive, c’est la musique qui fait danser. Celle qui nous excite et nous fait remuer. Mais, dans le même temps, nous ne voulons pas de paroles superficielles, d’histoires à l’eau de rose... nous voulons de la profondeur et, par-dessus tout, ce ne peut être que des histoires vécues, par nous-mêmes ou par procuration. Quand tu chantes quelque chose qui s’est réellement passé, qui peut venir te le reprocher ?

Quelle est la meilleure chanson de Madness, selon vous ?

Lee : In The Middle Of The Night, juste après One Step Beyond. Elle est emplie d’images et de très bons souvenirs.
Woody : Joker. Je ne supporte plus ce groupe de toute façon (rires) !

Lee, tu t’es récemment fait voler ton saxophone favori sur un plateau TV de X Factor. Et, je crois que tu l’as finalement retrouvé, hier soir !

Lee : Tu es bien renseigné ! Il est réapparu vendredi dernier en fait. À la base, je n’avais pas besoin de ce saxophone pour ce programme TV, je ne devais jouer que du baryton. Mais, je l’avais avec moi. Mon saxophone ténor en argent, mon bébé ! Je l’ai donc laissé derrière le plateau, un endroit très sécurisé. C’était un putain de Fort Knox cet endroit ! En moins de dix minutes, j’avais rejoint le groupe pour interpréter un titre et, dans le même temps, quelqu’un s’en est emparé et est parti avec, en taxi. Pendant douze jours, il a disparu. Puis, vendredi dernier, il est revenu au studio de TV, dans le coffre d’un taxi également ! On a tellement fait de buzz autour de ce vol, nos amis ont tellement relayé l’info en donnant même son numéro de série que l'objet est devenu trop risqué pour le ou la voleuse. Ils ont dû prendre peur et l’ont rendu de la même façon qu’ils l’avaient volé. Je peux le dire maintenant, il y avait même une récompense de £1500 offerte à quiconque retrouverait mon saxophone !

Après trente-trois ans de carrière, y a-t-il un rêve de musicien que vous n’avez pas encore réalisé ?

Woody : Demande-moi cela quand je l’aurais trouvé ! Sérieusement, il y a des musiciens avec qui je rêverais de jouer mais, vu mon âge, ils sont ou retraités ou morts !
Lee : Je ne crois pas. J’ai réalisé la plupart des miens...

Existe-t-il une ville ou une salle de concert de par le monde où vous n’avez pas encore joué et où vous rêveriez de vous produire ?

Woody : Nous n’avons jamais joué à Pékin, je crois que ce serait quelque chose d’intéressant que de jouer là-bas. Dans les années 80s, nous avons même joué derrière le Rideau de Fer, à Moscou, Varsovie ou Berlin. Le tout sous le communisme de l’époque. Mais, depuis que le rideau est tombé et que l’Europe existe, nous n’avons plus beaucoup de propositions pour aller jouer dans des pays encore plus à l’est. C’est triste parce que nous sommes sûrs que cela serait très excitant. Nous avons participé à l’Exit Festival en Serbie et il n’y a que peu d’endroits dans le monde où nous n’avons pas joué, finalement. Même en Amérique du Sud et en Argentine nous avons eu des expériences de concerts vraiment mémorables. Les seules destinations qui manquent à notre groupe sont l’extrême Orient et la Chine, en particulier. Et vu le marché potentiel, ce serait un vrai gâchis de notre part que de ne pas aller jouer là-bas un de ces jours (rires) !

Qu’est-ce que vous aimez et n’aimez pas en France ?

Woody : J’adore votre nourriture ! Et, plus encore, après avoir parcouru le monde je peux te dire que vous avez une chance folle d’avoir encore des marchés de produits frais dans quasiment toutes les villes du pays. Sérieusement, vous avez des abattoirs locaux, des produits locaux... Si tu visites une région et que tu veux boire du vin, il viendra de cette région ! Pour moi, c’est quelque chose de très précieux que nous avons perdu en Angleterre. Il y a une tendance au retour aux produits locaux chez nous, mais c’est très lent. Souvent, les gens plaisantent sur la nourriture anglaise, mais il existe de vrais bons produits chez nous aussi. Ils sont juste très difficiles à trouver. Il y a une chose de paradoxale en France : vous avez des routes parmi les meilleures du monde. Entretenues, propres... mais, le prix des péages vous décourage des les emprunter. Ça coûte une fortune de se déplacer en France ! Et, bien sûr, les crottes de chiens ! Je ne sais pas si tu connais Deauville ou Trouville mais, il y a cinq ans à peine, c’était vraiment insupportable tellement il y avait de crottes de chiens sur la plage comme sur les trottoirs. Ils ont fait de gros efforts et c’est devenu très propre maintenant.
Lee : Il n’y a pas grand-chose que je n’aime pas en France. Ce que j’aime par-dessus tout chez vous, c’est que dès que quelque chose ne va pas avec le gouvernement ou avec une décision, comme pour les taxes, vous vous serrez les coudes et vous manifestez contre ça ! À l’époque où nous avons sorti The Dangermen Sessions, nous étions en France pour la promo et j’ai été pris dans une manifestation à Paris. C’était non loin des Champs Elysées et j’ai dû me réfugier sur une cabine téléphonique. Et là, j’ai vu la foule énorme, face à une armée de CRS qui balançait des lacrymogènes, on aurait dit une révolution ! J’adore aussi vos chefs de cuisine. Un jour, j’aimerais ramener tous vos chefs chez moi et leur payer à boire (rires). Nous avons grandi avec cette idée que les Français étaient obligatoirement arrogants et râleurs, mais, en fait, ils sont juste très soucieux de leurs droits et de les préserver.
Woody : Le truc c’est que, où que tu sois né, si quelqu’un arrive chez toi et ne parle pas ta langue tout en faisant comme le font souvent les anglo-saxons, c’est-à-dire s’attendre à ce que tout le monde parle Anglais et partage la même culture qu’eux, tu serais râleur également ! Imagines l’Anglais qui arrive dans bar en France et qui dit (en anglais dans le texte) : « Hello mon pote, une pinte de Guinness ! ». Je suis sûr que le Français se dirait : « What The Fuck ! Espèce d’anglais arrogant, apprends le Français bordel ! ». Nous nous attendons à ce que le monde entier parle notre langue, mais c’est nous qui nous trompons (rire général).