En regardant son CV, on pourrait facilement croire que Ben Howard fait partie des archétypes du guitariste blond-surfeur-tombeur-de-ces-dames, de ceux qui pullulent sur les ondes des radios généralistes sans que l'on sache trop qui achète leurs disques. Mais Ben Howard n'est pas de ceux-là. Devant le Casino de Paris ce soir, par un froid mordant, on trouve une file d'attente immense et hétéroclite. Il y a là tous les âges, tous les styles, on vient en famille, entre meilleurs potes, entre professionnels de la musique, du bobo stylé portant encore son bracelet des Inrockuptibles au guitariste classique exigeant, en passant par les provinciaux ayant fait le déplacement, sans oublier les expatriés anglais : ce public est on ne peut plus éclectique. A croire que le charme du bonhomme est universel.

Après un set de la chanteuse norvégienne
Monica Heldal, plus charmante de par son apparence que par son talent, Ben Howard monte sur scène seul, et s'assoit sur un tabouret. La salle est pleine à craquer. Il s'arme de sa guitare pour gaucher et démarre ses incantations avec
Esmeralda, extrait de son EP
The Burgh Island, disponible depuis peu. Car c'est bien de cela qu'il s'agit : des mélodies tellement envoûtantes et éthérées qu'il est difficile au premier abord de dire si elles sont chantées en anglais, ou bien dans un dialecte utilisé par des chamans inuit depuis la nuit des temps. L'utilisation abusive de l'effet d'écho aussi bien sur la guitare que sur la voix accentue cette impression de surréalisme. Au deuxième morceau, il est rejoint sur scène par son groupe, qui a la particularité d'être composé d'un batteur-bassiste (Chris Bond) et d'une violoncelliste-bassiste-percussioniste (India Bourne), qui peuvent aussi faire les chœurs.
L'ambiance passe instantanément du recueillement à l'euphorie. On entend quelques jeunes filles crier « I Love You, Ben ! », bientôt suivies par de masculins « I Love You, Indian ! ». C'est un public en adoration complète, voire presque en transe, qui se met à reprendre les « Come on, Love » pendant
Only Love, ou encore les « Oooh-oooh » de
The Wolves. Pourtant cette musique est loin d'être commerciale. Ben Howard utilise des suites d'accords peu communs et tisse des motifs en picking tellement compliqués qu'il doit parfois jouer en passant la main par-dessus le manche de sa guitare.

Chris Bond et India Bourne alternent les instruments, tandis que Ben alterne les ambiances dans ses morceaux ; plusieurs chansons démarrent de manière feutrée avant de terminer sur un crescendo épique (
Black Flies, The Wolves, Oats In The Water) ce qui contribue à maintenir l'atmosphère déjà à la célébration. Deux jeunes filles se font évacuer de la fosse, à bout de force.
Black Flies donne l'impression d'un orage d'été, avant que
Old Pine ne vienne installer une ambiance véritablement estivale. Malgré un certain manque de véritable présence scénique, Ben Howard parvient à communier avec un public qui lui restera entièrement acquis tout au long du concert. En terminant son set sur
Keep Your Head Up et
The Fear, il s'assure que les spectateurs demeureront sous son emprise encore longtemps.
Alors oui, certes la musique de Ben Howard peut être qualifiée de Middle Of The Road, on frôle presque par moments le Coldplay, mais on ne peut nier que les musiciens présents sur scène sont très doués, et que la relation qu'entretient Ben avec son public est particulière. Sa musique est calibrée pour être utilisée dans les séries et les films, autrement dit là où se joue en grande partie le nerf de la guerre pour les nouveaux artistes. Tant mieux pour lui.