Etrange expérience qu'un concert de Ben Howard, de passage à Paris le 11 septembre dernier pour lever le voile sur un certain
Forget Where We Were qui arrivera chez les disquaires au mois d'octobre.
Apparemment plus qu'un nouvel album, une occasion pour le guitariste folk anglais d'une véritable remise en question. En effet, le moment semble venu pour l'ancien étudiant en journalisme de montrer qu'il est un peu plus qu'un prodige de son instrument parmi les autres guitaristes peuplant la jungle des songwriters de chansons tristes. Toujours pas de quoi s'user les rotules sur un dancefloor de méditerranée mais si l’on en vient à larmoyer c'est que le garçon sait explorer les émotions avec sensibilité, et non la déprime. Promis, ce n'est pas l'ambiance. Les mélodies sont suffisamment originales, étoffées, proprement bidouillées pour satisfaire les amoureux de belles guitares et projeter les mélomanes dans les étoiles. Un voyage à mi-chemin entre les constellations du folk et du blues, à apprécier en apesanteur.

De par sa conception et ses petits espaces à angles droits, la salle de l'Alhambra prend vite une atmosphère oppressante lorsque qu'elle est bondée. Et ce soir, on affiche complet. Alors quand six musiciens prennent place sur la scène, on a l'impression qu'il y a un sacré paquet de monde. Au trio de base se sont ajoutés un deuxième guitariste ainsi qu'une basse et une contrebasse. Éclaires en contre-jour dans une atmosphère éthérée, les formes et leurs ombres se mélangent. Il devient alors compliqué de dissocier qui est où et joue de quoi. D'autant plus que ces musiciens-là ont l'amusante manie de changer régulièrement de place et d'instrument.
Ben Howard, lui, est au centre de ce ballet onirique. Parfois assis, la guitare sèche sur les genoux, qu'il délaisse de temps en temps pour offrir la part belle de sa guitare électrique. Tête baissée et yeux fermés. S’il est loin de la bête de scène, sa présence est belle et touchante. Le garçon est peut-être humble mais pas dénué du charme qui fait crier les filles. Preuve en est, les « I love you » fusent de la salle au moindre silence. Il répond volontiers d'un ton amusé et son aisance grandis à mesure que le temps passe (et que la bouteille de vin se vide). Ben rebondit de plus en plus sur les sollicitations de son public venu en nombre et en majorité d'outre-Manche pour applaudir l'enfant du pays. Plus de doute, la culture anglo-saxonne a envahi la petite salle parisienne.

Promesse tenue, le concert est une découverte de bout en bout du nouvel album, ne présentant pratiquement que des titres inédits. Si l'atmosphère est parfois un peu lourde, les phases instrumentales, constituées de suites d'accords peu communs et motifs en picking compliqués, s'étirent agréablement sur d'épiques et puissants crescendos, renforcés par une ambiance lumineuse travaillée. Le public ne semble pas pris de somnolence, bien qu'un poil déconcerté par tout cet inconnu. Il accueille chaque titre de cris et d'applaudissements, avec toutefois un enthousiasme particulier pour ce qu'il peut reconnaître (
End Of The Affair ou
Forget Where We Were deux extraits du nouvel album qui ont déjà été dévoilés sur le net, et aussi
Oats In The Water tiré de l’EP
The Burgh Island).
L'air de
Wolves, single extrait d'
Every Kingdom, est repris en chœur le temps de la pause avant le rappel mais c'est
The Fear, unique morceau du précédent opus joué ce soir, qui clôture le set.
Une heure et demie de concert au cours duquel le charismatique Ben Howard a dévoilé son nouveau visage, balayant l'image bien vite attribuée et trop commune du mignon chanteur de balades.