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Ben Howard

Collections From The Whiteout

Ben Howard - Collections From The Whiteout
Chronique Album
Date de sortie : 26.03.2021
Label : Island Records
4
Rédigé par Jordan Meynard, le 22 mars 2021
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Après ses débuts avec l'EP auto-produit de 2008 Games In The Dark et sa signature chez Island Records, en raflant au passage les prestigieux British Breakthrough Act et British Solo Male Artist aux Brit Awards 2013, la trajectoire de Ben Howard a suscité pas mal de curiosité. Exit la pop-folk qui a fait la renommée de son premier album Every Kingdom et place à une dérive lente et constante vers l'électrique, l'angoisse et l'expérimental au gran dam de ses fans d'origine qui, à l'aube de chaque nouvelle sortie, réclament un retour à ses vieux bangers prêts pour Glastonbury. Seulement, l'artiste n'est pas du genre à aller dans le sens du vent et continue son introspection, toujours plus profonde, avec ce nouvel album Collections From The Whiteout.

Si Ben Howard avait toujours abordé ses disques avec une idée précise du résultat final, la route vers ce quatrième opus, cependant, était bien plus incertaine. Howard a déclaré que le choix du titre Collections From The Whiteout est une sorte d'excuse pour simplement compiler tout un tas de chansons qui n'ont pas forcément de rapport entre elles. Un raisonnement tout trouvé pour justifier un album qui pourrait manquer de cohésion, mais il n'en est pas du tout le cas ici. Au lieu de cela, le disque est unifié par un spectre sonore large, définit par une propension à explorer des zones encore inconnues.
Le processus de création, et autres méthodes habituelles de fabrication, n'a pas échappé à ce nouveau credo avec le renfort de tout un tas de collaborateurs. Une première ! Parmi eux, le célèbre batteur de jazz Yussef Dayes et l'orchestrateur Rob Moore. Et qui mieux que celui qui lui a redonné l'inspiration à Howard, en l'occurrence Aaron Dessner de The National grâce à son side-project People Collective, pour produire ce nouveau disque ? Le résultat est un véritable bouleversement du travail entrepris sur ses deux derniers disques (I Forget Where We Are de 2014 et Noonday de 2018). Au lieu de l'acrobatie sombre de la guitare électrique, le son de Collections From The Whiteout se définit par le buttage de têtes entre l'organique et le synthétique, l'électrique et l'éclectique, le momentané et le réfléchi, et le résultat est tout à fait convaincant.


La nouveauté se cache vraiment à chaque coin de rue, ou plutôt à chaque titre. Le fruit de cette collaboration donne une écoute fascinante, se frayant un chemin à travers une myriade de couleurs et de paysages. L'album s'ouvre sur Follies Fixture où une cascade de synthétiseurs lutte avec des battements acoustiques simples et accueillants qui donnent le ton de ce qui est à venir. Le premier single What A Day, qui mêle boîte à rythmes et acoustic picking, fait la part-belle aux journées d'été dans la campagne anglaise et aux bêtises électroacoustiques du précurseur folk John Martyn – influence évidente de Ben Howard. Finders Keepers est sans doute la chanson la plus étrange à ce jour dans la discographie de l'artiste : un morceau atonal statique et sans rimes qui déploie lentement un tableau tout en effroi. Certains pourraient trouver cette démarche inutile, odieuse ou tout simplement bruyante, et pourtant, elle a sa place sur ici, tout comme le plus accessible de ses titres, tous étant unifiés par la nouveauté de leurs textures et de leurs timbres.

Il y a également des morceaux plus efficaces qui côtoient certainement le meilleur de l'artiste, notamment dans la seconde partie de l'album, à l'instar a de You Have Your Way qui fait allusion à la chaleur et au confort de la dévotion. Sage That She Was Burning, une des collaborations avec Yussef Dayes (qui est également impliqué dans quelques autres morceaux sur l'album), plonge à nouveau l'auditeur dans un registre inhabituel à ce que l'on avait l'habitude d'entendre jusque-là. Le trio de Metaphysical Cantations, Make Arrangements et The Strange Last Flight Of Richard Russell se différencient d'autant plus de ces précédentes compositions grâce un sentiment de calme et de sérénité qu'il n'avait pas vraiment évoqué auparavant. Là où les tons mystérieux de Noonday suggéraient l'isolement et la recherche de l'acceptation dans les heures les plus sombres, Whiteout dépeint la paix avec soi-même. Il se dégage de chaque chanson une sérénité, un calme et un climat méditatif propice à l'apaisement. il n'y a jamais besoin d'une voix élevée, ou d'un concept fermement accroché, tout flotte doucement alors que le croon teinté de West-Country de Howard murmure quelques diatribes sur l'amour et la mortalité.


Côté paroles, et alors que ses deux précédents disques contenaient une bonne proportion de brassage d'âme, les thèmes des paroles se tournent vers l'extérieur. Howard abord des histoires tirées de faits divers qui ont inspiré une sélection d'instantanés narratifs saisissants : la mort du marin amateur Donald Crowhurst ; la reine de l'escroquerie russe Anna Sorokin ; Richard Russell, l'homme qui vola un avion et s'écrasa à Seattle ; le corps démembré qu'un ami de son père découvrit dans une valise flottant sur la Tamise...

Il est évident que cet album continuera de désarçonner les fans de la première heure tant son auteur semble loin du registre qui a fait sa renommée, s'aventurant toujours plus loin dans un volet expérimental moins accessible. Toutefois, Ben Howard a su digérer ce qui pouvait être perçu comme « aliénant » et montre qu'il maîtrise à merveille le mariage entre l'organique et l'électronique dans une collection de titres de bonne facture. L'aliénant devient attrayant. Le mélange ne devrait pas marcher, mais il marche, ce qui indique un artiste pleinement en maîtrise et en accord avec ce qu'il fait.
tracklisting
    01. Follies Fixture
  • 02. What A Day
  • 03. Crowhurst's Meme
  • 04. Finders Keepers
  • 05. Far Out
  • 06. Rookery
  • 07. You Have Your Way
  • 08. Sage That She Was Burning
  • 09. Sorry Kid
  • 10. Unfurling
  • 11. Metaphysical Cantations
  • 12. Make Arrangements
  • 13. The Strange Last Flight Of Richard Russell
  • 14. Buzzard
titres conseillés
    What A Day, Finders Keepers, Rookery, The Strange Last Flight Of Richard Russell
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