Quand on voit débarquer l'anglaise de Brighton sur la scène du Bataclan, on ne peut s'empêcher de penser aux surprises que nous réservent parfois les britanniques. Après la regrettée Amy Winehouse, on tient avec Alice Russell une autre supercherie de taille : si on ne connaît que sa voix, puissamment soul, on s'attend effectivement à voir arriver une immense black mama, et la surprise doit être totale quand on voit pour la première fois cette petite blonde au large sourire, perchée sur d'immenses talons dont elle n'a vraiment pas besoin pour être une grande diva, à l'instar de ses égales afro-américaines.

De retour à Paris quatre ans après la tournée
Pot Of Gold, elle vient y présenter son nouvel album
To Dust, sorti en début d'année. Une nouvelle édition studio d'où transparaît une maturité faite de déceptions professionnelles et personnelles (
I Loved You), d'une pointe d'amertume (
Twin Peaks) au travers d'un néo-gospel habillé de hip-hop et d'électro-pop concocté par le guitariste et producteur Alex Cowan, aka TM Juke, saupoudré également de quelques envolées de synthés psyche-électro-pop pour le moins étonnantes.
La formation nous offre ce soir une performance néo-gospel bien plus blues teinté de latinité que nu soul, comme dans le précédent album, et façonné sans aucuns cuivres. Une absence que pourraient regretter les puristes de la soul, d'autant que l'on peut constater aussi des faiblesses instrumentales, l'ensemble du show reposant surtout sur la puissance vocale de la diva. On devra même attendre la seconde moitié du live pour sentir monter peu à peu le groove, notamment grâce au réarrangement d'un
Living The Life Of A Dreamer à la ligne de basse assez lourde pour chavirer un public quelque peu assoupi par des premiers morceaux plus intimistes et expérimentaux, même par les variantes de
Heartbreaker pourtant très punchy sur l'album, plus électro-pop ici.

Le spectacle, assuré aussi par Mike Simmonds l'explosif vocaliste et multi-instrumentiste (qui accompagne également Alice Russel dans ses aventures musicales avec le Combo Barbaro et Quantic), commence seulement à ce moment-là, mais perdure dans un tonnerre d'applaudissements que ne démentiront pas les deux longs rappels du public, alors sous le charme et bien décidé à faire durer le plaisir avec ce groupe, composé d'autres forces très vives, dont le jeune batteur français Guillaume Jambel (un coucou à son papa, très content lui aussi de cette soirée !), qui viendra prendre la parole au micro pour annoncer une sympathique séance photo à laquelle Alice Russell et ses musiciens se livreront avant de partir, tournant brièvement le dos à un public ravi afin de l'avoir avec eux dans la boîte.
Un généreux état d'esprit qui les honore et donne envie de renouveler l'expérience avec eux, quelle qu'elle soit, pour le meilleur d'eux-mêmes... So, Let us be loving !