Samedi dernier a eu lieu un événement attendu par des milliers de fans de Thom Yorke : la prestation scénique de son dernier projet en date, Atoms For Peace, sorte de super-groupe improbable formé initialement par le chanteur de Radiohead pour donner corps à son disque solo The Eraser. Accompagné de son producteur Nigel Godrich aux claviers, de l’ancien batteur de Beck et REM, Joey Waroncker, ainsi que de l’excentrique et génialissime bassiste des Red Hot Chili Peppers, Flea, le courant est si bien passé que la composition d’un disque est venue d’elle-même. Et la frénésie était de mise dans la foule surchauffée du Zénith pour découvrir ce nouvel OVNI à mi-chemin entre électronica et rock expérimental.
La première partie, assurée par
Owiny Sigoma Band, est un projet anglo-kenyan loufoque mêlant instruments traditionnels africains, synthés et guitares électriques pour proposer une musique assez déroutante, développant les envolées mystiques du chanteur Joseph Nyamungu. Ce dernier est parfois relayé, entre deux morceaux à rallonge, par le claviériste et le guitariste, qui immédiatement donnent un accent plus indé à leur musique, faisant un grand écart brillant entre musique traditionnelle africaine et pop anglaise.

Une demi-heure d’attente dans une salle suffocante ponctuée de plusieurs faux espoirs d’apparition ont chauffé le public à blanc, et lorsque Thom Yorke arrive sur scène avec ses comparses, ils sont accueillis par une ovation assourdissante digne des plus grandes stars.
Le groupe entame le set par les deux premières chansons d'
AMOK. La magie prend instantanément, avec ce subtil arrangement de percussions et de basses omniprésentes, recouvertes de lourdes lignes de synthés. Thom Yorke se déhanche en délivrant ses mélopées langoureuses, accompagné d’un Flea, en début de concert, à peine plus sage que lorsqu’il est évolue dans un stade.
Le mélange des genres peut d’abord interpeller mais très vite la passion commune des musiciens rend l’ensemble tout à fait logique. Le groupe alterne entre morceaux du disque et ceux de
The Eraser avec une fluidité totale, échafaudant une ambiance envoûtante qui durera presque une heure trente. Flea se sort admirablement bien de sa transition de genre, à des années-lumière du funk endiablé qui l’a rendu célèbre, l’air de plus en plus concentré et appliqué. La section rythmique extrêmement développée déroule ses structures linéaires et complexes, le batteur faisant plus appel à ses tomes qu’à sa caisse claire et le percussionniste Mauro Refosco se servant d’installations parfois très inattendues pour créer ses parties alambiquées.

Quant à Thom Yorke, s’il jongle entre quelques lignes de guitare et quelques accords au piano, il se dévoue surtout tout entier à son chant, qu’il vit à 100% et insuffle sans difficultés à son public dévoué. Les stroboscopes hallucinatoires n’aident pas le public à redescendre sur terre, et lorsqu’à la fin de
Cymbal Rush le groupe s’éclipse, il ne faut pas deux minutes de hurlements pour les faire revenir pour un premier rappel de quatre chansons, dont le single
Feeling Pulled Apart By Horses et une reprise d’une chanson d’un EP de Radiohead :
Paperbag Writer.
La foule survoltée et exigeante parvient à faire rejouer
Black Swan en second rappel et en guise de conclusion élégante. Preuve est faite que l’objet étrange sorti en février a toute sa place sur scène et gagne à être vécu.