Après Damon Albarn, la veille, l'Alhambra reçoit, dans la foulée, une autre légende anglaise en la personne de Ian McCulloch, accompagné de ses hommes lapin. Echo & The Bunnymen, un nom qui ressurgit du terroir rock anglais du début des années quatre vingt comme l'arrière-goût tourbé d'un whiskey écossais âgé de plusieurs décades.
À l'instar d'autres formations eighties, récemment ressuscitées, Echo & the Bunnymen n'ont jamais réellement arrêté d'enregistrer ou de se produire en concert durant toutes ces années.
Meteorites, le douzième album studio du groupe produit par Youth (Killing Jokes) nous rappelle que le groupe, malgré ses déboires, est toujours actif et bien vivant. Même si, après les décès de Pete de Freitas et Jake Brockman (batteur et claviériste, tous deux morts lors d'accidents de moto à quelques années d'intervalle) et le départ de Les Pattison (co-fondateur du groupe), les membres originels d'Echo & The Bunnymen originels se comptent sur les doigts d'une main d'un lépreux. Ian McCullogh et Will Sergeant, sur scène ce soir, sont les survivants d'une époque que les moins de vingt ans n'ont pas connue. Ian McCulloch, qui va prouver en cette soirée placée sous le signe de la nostalgie qu'il n'a rien perdu de son caractère de fanfaron, aimant à répéter que
Meteorites est le meilleur album d'Echo & The Bunnymen depuis le célèbre
Ocean Rain en 1984...

La première partie, assurée par une formation indé parisienne repérée notamment au dernier Printemps de Bourges, porte le nom de
Lost My Name. Avec leur jolie et petite chanteuse montée sur ressorts, Myriam, Lost My Name proposent une pop rock fraîche et énergique dont le titre
Rise It Up, mélange entre Shaka Ponk et Skip The Use, est programmé sur la radio OÜI FM depuis quelques temps déjà. Mais, avec un public majoritairement composé de quadras et quinquas élevé aux sombres sonorités, souvent synthétiques, le choix du groupe d'ouverture laisse perplexe et est loin de faire l'unanimité.
Dans un Alhambra aux trois quarts remplis, malgré le tarif particulièrement élevé du ticket d'entrée, l'audience trépigne d'impatience de voir Ian McCullogh et son légendaire mauvais esprit interpréter les standards d'une jeunesse néo-romantique qui n'est plus qu'un lointain souvenir, pour certains.
Dès son entrée en scène, le public fête l'anniversaire de l'homme aux lunettes noires et à la coupe inchangée depuis 1978 en entonnant un « happy birthday Ian » de circonstances (né le 5 mai 1959) qui fera presque s'émouvoir le chanteur de Liverpool. Une complicité avec le public qui perdurera tout au long du concert.
Meteorites, premier titre de la setlist, éponyme du dernier album en date, donne raison à l'immodestie d'Ian McCullogh et enchante par sa mélancolie hispanisante et ses notes claires. Surfant entre les grands classiques du groupe, parmi lesquels
Nocturnal Me ou encore
The Cutter, et une poignée de nouveaux titres, dont le très pop
Holy Moses et le très efficace
Lovers On The Run, Echo & The Bunnymen, à six sur scène, enchantent rapidement leur monde, du parterre jusqu'au balcon de l'Alhambra.
Ravi d'être à Paris où il profite de son concert pour passer quelques jours de détente avec sa fille, Ian McCullogh ne peut s'empêcher de chambrer son pays hôte : du championnat de football français à sa cuisine légendaire, seuls quelques anglophones parviendront à décoder les facéties et le vocabulaire très familier de l'anglais d'origine écossaise qui n'a rien perdu de l'épais accent qui caractérise les clans McLeod, McCullogh ou Campbell.

Avec des interprétations sans failles de titres entrés dans la mémoire collective comme
The Killing Moon – modestement qualifié, ce soir, de meilleur titre de tous les temps par son auteur ! – ou le plus nerveux
Lips Like Sugar en deuxième rappel, Echo & The Bunnymen écument toujours les océans néo-romantiques avec cette grâce et légèreté qui ont fait leur réputation. Une heure quarante-cinq de live, deux rappels et une délicieuse digression sur le titre
Nothing Lasts Forever conclu sur l'air de
Walk On The Wild Side en hommage à Lou Reed.
Ian McCullogh, qui aime à jouer les mauvais garçons sur scène, est en réalité un monstre de générosité.