Damien Rice

- Why do you write such sad songs ?
- Well, welcome to my fucking life.

Huit ans. Huit ans séparent la sortie de 9 du nouvel album de Damien Rice, My Favourite Faded Fantasy, paru il y a quelques jours. Huit ans durant lesquels il a soit été très ami avec l'obscurité, soit réalisé une étude sur les plus belles plages du monde. Deux versions opposées de la vie d'un artiste que Damien Rice explique entre deux titres, rendant compte une nouvelle fois de sa personnalité ambigüe, à la fois torturé et expansif.
L'artiste a clairement manqué au public français, le théâtre des Folies Bergère affichant complet ce mercredi soir depuis plusieurs semaines déjà. Au point que Damien Rice donnait un concert privé supplémentaire le lendemain dans un lieu tenu secret.



Seul muni de sa guitare, Damien Rice va emporter l'audience parisienne deux heures durant, en commençant par Colour Me In, tiré de My Favourite Faded Fantasy. Dans la mouvance de la majorité des compositions de ce dernier album, Colour Me In monte crescendo, démarrant sur une voix susurrée et des accords paisibles pour aboutir à un folk tendu où le chant de l'irlandais s'empare du théâtre. Plus loin, c'est au tour du trop court 9 Crimes, premier titre à recevoir les applaudissements de l'audience dès ses premières notes, de subir le même traitement, malmenant la somptueuse ballade folk pendant trois minutes pour notre plus grand bonheur.
Véritable concentré d'énergie, Damien Rice alternera ainsi entre les ballades acoustiques des deux premiers albums et la pop solennelle et électrique de My Favourite Faded Fantasy. On aura également droit à quelques belles surprises, comme le bouleversant The Professor & La Fille Danse ainsi que Woman Like A Man dont le rock intense est clairement taillé pour le live.

Après une première moitié de concert où s'enchaînent rapidement les titres, Damien Rice prend ensuite davantage son temps, bavardant entre les morceaux, allant même jusqu'à demander au public quel titre jouer par la suite, titre qui ne sera nul autre que Sand qui, même s'il est loin d'être le meilleur du songwriter, a le mérite d'être original tant il a été peu interprété live. Mais en contrepartie, exit The Blower's Daughter et autre Me, My Yoke And I qui auraient été bienvenus !
La pop sobre et délicate de O parsème toutefois largement cette seconde moitié de concert, en commençant par Eskimo et son final finnois entêtant. S'ensuit I Remember dont le spleen violent envahit littéralement le théâtre, avant que Volcano ne termine le show sur une note à la fois rock et douce, en compagnie de deux jeunes chanteuses grenobloises que l'irlandais a récemment rencontrée en Espagne, faisant par la suite intervenir le public pour les backing vocals.
Entre-temps, My Favourite Faded Fantasy et The Greatest Bastard auront su nous convaincre de la profondeur de My Favourite Faded Fantasy. Entre la structure forte et maîtrisée de la première et le refrain de la seconde, Damien Rice nous prouve qu'il n'a besoin que de sa voix et sa guitare pour transmettre les émotions qui se dégagent de ces compositions. Seul regret concernant cet album, peut-être en raison de l'absence du piano : le déchirant It Takes A Lot To Know A Man qui n'a hélas pas droit ici à sa prestation live...



L'artiste revient pour un rappel composé des sublimes The Box et Trusty And True, deux compositions tirées de son nouvel album. Un rappel toutefois légèrement décevant puisque l'on était en droit de s'attendre à ne serait-ce qu'un seul dernier chef d'œuvre d'O pour terminer cette soirée en beauté. Mais on ne va pas faire la fine bouche tant ces deux heures auront été pleinement satisfaisantes, autant sur le plan musical que sur la personnalité lumineuse de Damien Rice lui-même.
Un Damien Rice qui annonce d'ailleurs Trusty And True comme une chanson à propos de ces situations qui blessent et qu'on ne peut oublier, comme votre frère qui a des rapports avec votre femme.

Le décalage entre les plaisanteries de l'irlandais et sa musique fonctionne bien. Damien Rice se voit d'ailleurs ici accompagné de la chorale gospel We Are One qui, dissimulée dans l'obscurité, est progressivement éclairée durant les chœurs de fin du titre pour une conclusion tout en douceur d'une prestation que le théâtre des Folies Bergère se souviendra certainement encore longtemps.