Quelques mois après leur prestation au festival les inRocKs Philips, et après avoir entamé une grande tournée UK et européenne début mars, le quartet d'Oxford passait de nouveau par Paris pour venir y déverser son flot psyché/trip-hop/tropical avec l'excellent album qu'est
ZABA.
Malgré une éclipse solaire timide et un vent glacial, le public est déjà nombreux pour l'ouverture ce soir. En effet, le concert affiche complet. Il faut dire que le groupe est déjà venu à nombreuse reprises sur la capitale (première partie, entre autres, de St Vincent, festivals...) et sa réputation n'est plus à faire. Le gros cube métallique qu'est la Gaité Lyrique se remplit très vite et à 20h30, les lumières s'éteignent pour laisser monter sur scène un duo français prénommé
Vendredi. Si l'on peut rire du fait que le duo joue en prime un vendredi soir, l'ennui n'est pas loin.
En effet, la mode est (et ce depuis trop longtemps maintenant) de placer très fréquemment des duos électroniques ou DJ sets en guise de première partie. Non pas que ce soit mauvais, mais le fait de retrouver pour une énième fois une table avec deux ordinateurs pour seul matériel sur scène est assez frustrant. Les deux français resteront donc ce soir debout derrière leurs ordinateurs pendant tout leur set, lançant et mixant des morceaux électros aux sonorités déjà entendues à maintes reprises. Si le public applaudit chaleureusement entre les chansons et dodeline de la tête, on ne ressent pas un engouement particulier pour la prestation du groupe mais plutôt l'impatience de voir Glass Animals envahir la scène. Trente petites minutes plus tard, les Vendredi quittent la scène assez rapidement et c'est devant une salle comble que le tour manager des Glass Animals s'empresse de régler les instruments.

La fraicheur qui règne habituellement dans la salle est cette fois ci remplacée par une humidité tropicale, parfaitement en accord avec l'ambiance qui va se dégager du concert. Les lumières baissent enfin et c'est devant une salle déjà en pleine extase que les quatre jeunes anglais font leur apparition. Grands sourires collés aux lèvres, on les sent déjà content d'être parmi nous. Un simple merci lâché par un Dave Bayley quelque peu timide et nous voilà partis pour soixante minutes intenses.
Le groupe ne fait pas dans la demi-mesure et attaque d'emblée le set avec son dernier single,
Black Mambo. Le ton est clairement donné, le public pousse des cris de joie et c'est toute la salle qui se met à danser sur les rythmes hip-hop de la chanson. La batterie, ponctuée par la voix suave et envoûtante de Dave Bayley, ne peut que ravir les oreilles. Le chanteur commence même à s'adonner à des mouvements de danse très particuliers, on le sent comme en transe et pris par sa propre musique. Le public acquiesce, en redemande et applaudit à pleines mains.
Le groupe enchaine avec
Psylla et
Exxus, les deux chansons les plus planantes et les plus calmes du set. Un doux flottement s'installe dans la salle, la voix de Dave Bayley accompagnée par les choeurs de Drew et Ed transporte le public qui se sent comme apaisé. Un « je ne sais quoi » qui ressurgit du fond de l'âme et qui pourrait faire verser quelques larmes tant les paroles sont belles.

Pas le temps de reprendre son souffle, la formation enchaine avec la chanson dont tout le monde dans cette salle (exceptée moi peut être) attend depuis le début du set. Je parle bien évidemment de
Gooey, toujours curieuse de savoir pourquoi cet engouement très prononcé pour cette chanson quand le reste de l'album offre des chansons plus remarquables. Je regarde avec amusement les gens m'entourant et hurlant à plein poumons le fameux « You just wanna know those peanut butter vibes ». Le groupe, conscient de son succès mondial avec ce titre, en tomberait un peu trop dans l'excès en la jouant plus longtemps, sans parler d'un chanteur s'enfonçant encore plus dans des danses désarticulées.
Arrive le point noir du concert. Simple choix stratégique ou excès de facilité de la part du quartet : l'enchainement
Gooey,
Walla Walla,
Intruxx,
Hazey et
Toes a de quoi agacer puisqu'il s'agit du même ordre que le tracklisting de l'album. Aucune surprise donc, ce qui pourrait laisser une pointe de frustration. Autre problème: le son. Si l'on entendait Dave sur le début du set, il n'en sera pas de même par la suite. On ne peut qu'aimer la batterie qui occupe une place prépondérante et plus qu'importante, mais ce soir elle aura semblé un peu trop forte, tout comme la basse. De ce fait nous n'aurons malheureusement apprécié que l'instrumentation sur
Intruxx. Hormis ce souci (apparemment récurrent sur tous leurs concerts), il est indéniable que
ZABA acquiert une dimension particulièrement impressionnante en live.
Impression qui se fera ressentir avec
Flip que l'on aurait aimé découvrir en ouverture du set. Les percussions, une fois de plus, prennent aux tripes et l'on a envie de suivre à notre tour le chanteur dans ses mouvements toujours aussi appréciés du public. Le refrain, comme susurré par le groupe, offre une jubilation extrême et plongerait presque l'audience dans une certaine angoisse («I wanna go back with a club and attack »). S'ensuit
Cocoa Hooves et
Wyrd, apogée pour Dave qui semble être complètement ailleurs quand le reste du quatuor reste lui très en retrait. Si Drew et Ed restent effectivement timides, la douceur dans leur chant n'en est pas moins fortement appréciable. Lâchant un « merci beaucoup », le groupe sort de scène rapidement pour revenir une poignée de secondes plus tard.

L'heure du rappel à sonné et Glass Animals entame par sa fameuse reprise de Kanye West,
Love Lockdown. Dave descend avec joie dans la fosse pour s'entourer d'un public plus que conquis et s'adonner à une danse en grand comité. Le rappeur américain, de son côté, pourrait ressentir une pointe d'envie tant cette reprise est interprétée avec brio. Arrive LA chanson de la soirée :
Pools. Batterie aux sonorités tropicales et claviers justement dosés, une immense reconnaissance nait au plus profond de moi-même. Il y a dans ce morceau quelque chose d'inexplicable mais tellement fort. Proche de la perfection, le groupe fait fort en clôturant son set de cette manière. La salle saute dans tous les sens, le public a lui aussi atteint une transe communicative des plus remarquables. On s'essoufflerait presque à chanter les paroles tout en dansant corps et âme.
Devant une fosse clamant au plus haut point son amour pour le groupe, Glass Animals remercient avec chaleur leurs fans venus en masse ce soir. La salle, ressemblant désormais à une étuve, se désemplit aussi vite qu'elle ne s'est remplie. Contrat parfaitement rempli donc pour Dave Bayley et sa bande, le groupe aura à lui seul réussi à éclipser le soleil.