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SBTRKT

Paris, Olympia - 27 avril 2015

Live-report par Julien Soullière

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Il est presque 21h et c'est un vent particulièrement frais qui fouette les abords du 28 boulevard des Capucines. Le concert du soir n'affiche pas complet, mais SBTRKT peut se targuer d'un joli succès de ce côté-ci de la Manche, car il n'est bien sûr pas donné à tout le monde de se produire dans ce lieu mythique qu'est l'Olympia de Paris. Et puis, même lorsqu'il reste de la place (dans ce cas précis, les balcons sont plutôt déserts de monde), il est toujours confondant de passer les portes de cette salle et de se retrouver entouré d'autant d'âmes humaines. Qui entrent, sortent, vous évitent ou vous bousculent. C'est à vous en donner le tournis. Sur scène, les techniciens s'activent, installant sur scène un curieux bric-à-brac, terrain de jeu de celui qui, ce soir, se la joue tête d'affiche.

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Peu après notre arrivée, voilà que les organisateurs musellent enfin sons et lumières pour le plus grand bonheur d'un public qui ne sait que trop bien ce que ce silence total veut dire. Deux personnages déboulent alors sur scène, accompagnés d'un « Hi Paris, how are you doing ? » ou de l'une de ses nombreuses variantes. Le set est officiellement lancé, conduite par l'homme derrière le nom, Aaron Jerome, qui siège fièrement au centre de l'estrade. Piégé par les machines qui délimitent sa modeste enclave, le bonhomme tournoie sur lui-même, tel un chien qui cherche désespérément à attraper le bout de sa queue. Il appuie, éteint, amplifie, tourne et tape à n'en plus pouvoir, donnant l'impression à qui le regarde qu'il suit là un rite des plus codifiés, où aucune erreur n'est admise, et où l'à-peu-près n'a jamais fait partie des options. L'aspect cérémonial relevé ici est d'ailleurs accentué par le masque d'inspiration ethnique arboré par Aaron Jerome, un artifice qui lui couvre la partie haute du visage, de quoi le laisser respirer convenablement à l'occasion d'un exercice qu'on imagine soutenu.
A la droite du Christ, on distingue un percussionniste planqué derrière une batterie montée sur estrade, un condisciple qui fera preuve d'un professionnalisme sans égal tout le set durant. A sa gauche, c'est le britannique Sampha qui, par sa voix cotonneuse, viendra de temps à autre combattre l'avènement des machines en nourrissant nos âmes d'une chaleur humaine bienvenue (Wonder Where We Land, Hold On...), et malheureusement trop rare : ce sera en effet le seul invité de la soirée. Certes, il aurait été compliqué pour Aaron de mettre tout ce beau monde dans ses bagages, il n'en reste pas moins qu'il est bizarre de devoir se contenter d'un Ezra Koenig ou d'une Little Dragon de synthèse quand on aurait adoré voir s'exprimer leurs doubles de chair et d'os.

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Ce soir, SBTRKT et Wonder Where We Land sont tous deux de sortie. Deux albums pavés de morceaux attendus de pied ferme par les convives, certains plus que d'autres d'ailleurs, parmi lesquels les désormais fameux Wildfire et NEW DORP. NEW YORK. Toujours relevées, les compositions d'Aaron Jerome oscillent entre des eaux froides et certaines plus tempérées. Ainsi, on passe de titres dansants et pétris de disco 80's (Pharaohs), à des morceaux sensiblement plus nerveux, teintés de drum'n'bass (War Drums, porté par la voix d'Emily Kokal de Warpaint, Lantern), qui eux-mêmes viennent contraster avec les décharges soul véhiculés par des comètes du calibre de Wonder Where We Land et Hold On. Oui, la musique de SBTRKT est plurielle, ce qui n'est pas sans nous laisser de marbre parfois, tant tout n'est pas forcément à notre goût. Parfois aussi, c'est le mal de crâne qui nous guette, certains effets visuels se montrant particulièrement agressifs.

Du reste, le service d'ordre peut croire en une soirée douce et tranquille. Le public se prête au jeu, applaudit comme il se doit entre deux titres, rouspète comme de coutume lorsqu'un ange se décide à passer, mais si mouvements de foule il doit y avoir ce soir sur Paris, ce ne sera pas à l'Olympia. Les invités sont disciplinés, les pas de danse restent raisonnés et les balcons ne sont pas pris d'assaut par une hystérie quasi-collective. Une situation qui semble tout à fait convenir à Aaron Jerome, qui remerciera à plusieurs occasion son public, sans pour autant faire plus d'efforts à son égard (il faut croire que le DJ n'est pas du genre à bomber fièrement le torse, comme certains de ses confrères).

Quelques titres et un rappel plus tard, SBTRKT quitte définitivement la scène, prêt pour de nouvelles aventures qui ne seront pas sans le conduire vers les festivals de France et d'ailleurs. S'il n'a pas signé ce soir la performance de l'année, gageons que sa musique devrait faire le bonheur des festivaliers l'été prochain.