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Portico Quartet

Paris, Café de la Danse - 18 mai 2015

Live-report par Julien Soullière

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La journée n’a pas été simple, et c’est donc avec plaisir qu’on accueille l’idée d’un concert qui n’ira pas à mille à l’heure, qui ne cherchera pas à se donner des airs de fête foraine, et dont l’objectif ne sera pas de nous faire saigner des oreilles en dépit des bouchons qu'on y aura soigneusement placés. Certes, il faudra d’abord passer outre les désagréments causés par l’attitude désagréable d’un videur que son statut autorise à s’imaginer plus important qu’il ne l’est réellement, mais une fois dans la salle, ça y est. On est prêt, bien installé, et il est enfin possible de souffler, de se détendre, l’œil balayant, sans les observer vraiment d’ailleurs, les roadies qui s’amusent à retourner la scène.

Les enceintes délivrent leur musique d’attente, les faisceaux de lumière vont et viennent au gré des tests effectués par la technique, les gens parlent de tout, de rien, mais de préférence bien fort, et malgré ça, on n’est pas loin de fermer nos paupières un peu plus longtemps que ne l’exigerait un simple battement de l’œil. Heureusement, la pénombre s’abat brutalement sur nous, les applaudissements forcent enfin la porte, et trois timides personnages percent la nuit sombre de leur fine silhouette.

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Ça gratte, ça ruisselle, ça gronde, mais ça ne passionne malheureusement jamais. Là où on pouvait espérer une introduction qui nous prenne dès les premières secondes par la main, pour ne plus jamais nous la lâcher, Void passe totalement à côté de son sujet, oubliant d’en être intrigante, voire tout simplement relaxante, pour ne finalement devenir qu’une énième musique d’ascenseur. La preuve qu’un titre n’est pas qu’un assemblage de sons et d’effets, et qu’il faut bien plus que quelques bidouillages électroniques et une scène plongée dans la pénombre pour intriguer son monde.
Au bout de six longues minutes, c’est fort heureusement à Living Fields de prendre le relai, et rentre alors sur scène un grand gaillard, bien bâti, vêtu d’une simple paire de jeans et d’un marinière à manches courtes verte et bleue, et qui commence à donner de la voix fort de son capital pileux tendant dangereusement vers le roux. Lui, c’est Jono McCleery. Déjà invité par les Portico sur leur dernier album en date, Living Fields, l’Anglais assure également le service après-vente sur scène, autant sur les titres qui le concernent directement que sur ceux originellement chantés par Joe « Alt-J » Newman (101, Atacama, Brittle) ou Jamie Woon (Memory Of Newness). Globalement, le bonhomme s’en sort bien, et le scénario est toujours moins frustrant que celui faisant la parte belles aux voix enregistrées (référence au récent concert de SBTRKT, par exemple). Et puis, il faut se faire une raison : il était difficile d’imaginer Joe Newman jouer les « invité-surprise » ce soir.

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C’est donc Living Fields qui va réellement lancer les hostilités ce soir. De là, seul un titre présent sur l’album éponyme sera mis à l’écart, ce qui n’est de loin pas un mal, tant Dissolution, car c’est de lui qu’il s’agit ici, est sans intérêt aucun. Sur Living Fields comme sur scène, Portico ont choisi de faire la part belle aux titres chantés, une belle idée puisqu’à l’instar d’autres artistes qui aiment à jouer une musique somme toute minimaliste, faite de groove autant que de silences, les compositions du trio ne sont rien sans les voix qui les hantent. La voix est un instrument, un item à part entière, qui concoure à faire de l’ensemble ce qu’il est.
Jazzmen dans l’âme, Jack Wyllie, Duncan Bellamy et Milo Fitzpatrick ont tiré beaucoup de leur passion pour ce genre musical, et notamment un sens du tempo et une technicité qu’il est difficile de leur enlever. Bons élèves, les garçons récitent leur partition à la perfection, proposant un set sans aspérité aucune, mais rendant sans mal hommage à leur dernier né, permettant aux ambiances tissées à partir de leurs instruments d’empoigner avec métier la pièce et les personnes contenues en elle. Et comme il est plus question ce soir d’écoute que de parlotte, de saine méditation que défonce, les convives sont bien mieux assis que debout. En ce sens, Le Café de la Danse (qui n’a jamais moins bien porté son nom !) devient là le lieu idéal pour accueillir un tel concert.

Si on nous autorisait à dire des gros mots, on dirait que Portico, c’est de la musique pour consommateurs de produits bio et amateurs de chaines culturelles. Il y a un peu de ça. Mais, ce soir, c’est d’un concert bien sage dont on avait besoin, pas d’un feu d’artifice. Ça n’était pas fantastique, pas d’une folle originalité, mais c’était bien exécuté, pas trop loin, et donc plaisant à suivre.
setlist
    Void
    Living Fields
    101
    Colour Fading
    Where You Are
    Atacama
    Into a Vision
    Bright Luck + TIHWWOTM
    Memory of Newness
    Brittle
photos du concert
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