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Vessels

Paris, Point Éphémère - 18 juin 2015

Live-report par Xavier Turlot

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C'est une bien curieuse soirée que nous a proposée le Point Ephémère à Paris jeudi dernier. Curieuse car programmée à l'envers. C'est au DJ français Gordon d'ouvrir la soirée, installé à l'emplacement habituellement dédié au merchandising des groupes. Une techno extrêmement sombre qui montera lentement en puissance et en violence entre 20h et 21h, de manière à accueillir de façon légèrement anachronique une foule jeune et plutôt en forme vu l'heure. En revanche, voir un DJ mixer ailleurs qu'au centre de ses enceintes n'est pas une expérience très plaisante.

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C'est à un changement d'ambiance totale que l'on assiste avec le groupe suivant, Liima, programmé en position d'outsider car nouveau venu mais de fait beaucoup plus connu que la tête d'affiche car il est constitué par trois des membres du groupe danois Efterklang. Voilà expliquée la foule qui sature totalement le Point Éphémère, le groupe étant adoubé depuis belle lurette par les médias et le public pour sa pop minimaliste et son décalage de traitement très scandinave. Les trois musiciens se sont attirés les services d'un percussionniste finlandais, Tatu Rönkkö, et ont passé deux semaines dans la forêt finlandaise, au bord d'un lac, pour y composer leur musique. La formation n'a ni site ni album, seulement un live disponible sur Soundcloud, et le leader Casper Clausen s'empresse d'expliquer que les morceaux en sont encore au stade de l'expérimentation.
Le chanteur d'Efterklang, affublé d'une énorme chaîne fermée par un cadenas en guise de collier, n'a pas quitté son poste et assure toujours les parties vocales du groupe, graves et froides, agrémentées d'une résonance d'outre-tombe. Les synthétiseurs forment la colonne vertébrale du groupe, seule une basse vient de temps à autre apporter une petite touche organique à l'ensemble. Le percussionniste parviendra à rythmer l'intégralité de l'heure de show avec deux doigts sur une MPC, et n'a pas eu la paresse d'exécuter des motifs basiques. Ses réalisations sont complexes, techniques et de texture toujours changeante. Les morceaux sont tantôt dansants tantôt introspectifs, mais toujours étranges car ils ne partent jamais dans des directions qu'on anticipe. Ce son mystérieux n'est d'ailleurs pas facile d'accès et à la limite de l'expérimental. Le public très juvénile adoube pourtant allègrement la prestation novice des quatre musiciens confirmés et obtiendront un rappel. Les avides de nouvelles sensations acoustiques se régalent.

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Après une transition péniblement étirée, c'est au tour de Vessels, le groupe de post-rock de Leeds, d'entrer sur scène. La profusion ahurissante de matériel électronique frappe : il doit y avoir une quinzaine de machines en plus de la batterie placée sur le devant du plateau, face au synthétiseur de Lee Malcolm. Le public est deux fois moins nombreux que pour Liima et tout semble à conquérir car peu les connaissent. Malcolm attaque seul une série d'infrabasses au volume surréaliste qui fait trembler les armatures métalliques soutenant les enceintes, on pourrait croire à une erreur de réglage. Le batteur le rejoint avec un beat minimaliste (une rythmique de musique électronique jouée sur une batterie) avant que les trois autres musiciens arrivent sur scène, deux aux synthés et le dernier à la guitare, et nous pouvons enfin reconnaître Elliptic, le premier extrait de leur tout juste paru Dilate. Le morceau est grandiose, son interprétation est flamboyante. Des successions de montées et de descentes de tension servent des harmonies belles et inquiétantes, chacun est à son poste pour livrer une version augmentée de ce morceau qui ce soir a dû frôler le quart d'heure.

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Le public sans doute circonspect sur le début comprend vite la qualité de la musique des cinq Anglais qui enchaînent immédiatement en puisant dans les pistes de leur dernier album. Leur concentration absolue est palpable, ils lèvent rarement la tête de leurs instruments tant leurs morceaux ne souffrent pas le relâchement. Les fumigènes et l'écran qui diffuse des sortes d'ondes glitch parachèvent la sensation d'immersion dans cet océan d'électronique si dense qu'on ne peut saisir consciemment qu'une petite part de la réalisation. Les teintes sombres et très influencées par la techno marquent un tournant assez radical par rapport aux albums précédents, plus axés sur l'electro rock et le math-rock. Les morceaux sont devenus plus progressifs et relativement moins chargés. Sur Echo In, un autre single issu de Dilate, le batteur exécute un motif dubstep qui relève à merveille les sonorités atmosphériques des synthés. Sa caisse a un impact démesurément violent et sa régularité doit être mise à rude épreuve avec l'exigence métronomique qu'il s'impose. Des samples de voix se font entendre (As You Are) mais l'intensité de faiblit à aucun moment. Un seul membre du groupe se contentera de faire une présentation express, tout en disant espérer que les spectateurs prennent autant de plaisir qu'eux ce soir. A en juger par les applaudissements qui accompagnent chaque fin de morceau (même quand ceux-ci ne sont pas coupés), cela ne fait aucun doute.

Tous en nage à la fin du la performance, les acclamations nourries qu'ils recueillent les force à donner un rappel de deux autres morceaux qui achève le concert parfait.